Venom

Venom, film anti-héroïque américain de 2018 réalisé par Ruben Fleischer avec Tom Hardy, Michelle Williams, Riz Ahmed…

Dans un genre super-héroïque qui semblait en bout de course, Venom semblait être le personnage parfait pour lui redonner un nouveau souffle : plus connu des anti-héros, ennemi incontournable de Spider-Man, il avait déjà eu droit à une incursion cinématographique dans le très décevant Spider-Man 3, qui livrait une version du personnage qui n’avait que très peu plu, que ce soit à la critique ou au public.
Alors, quand le projet d’un standalone movie consacré à Venom a vu le jour, le public a plutôt bien accueilli la nouvelle, d’autant plus à l’annonce d’un casting imposant (Tom Hardy, Michelle Williams et Riz Ahmed, soit trois acteurs en vogue à Hollywood). Et on pouvait difficilement lui donner tort : dans un univers super-héroïque ultra aseptisé, le sanguinolent Venom pouvait sembler être la recette parfaite.
Mais entre coupes du studio, absence de scénario et effets spéciaux à la ramasse, nous allons vite constater que les plus belles promesses engagent souvent les plus grosses déceptions…

Venom

Pour un film qui n’engageait à pas grand-chose, sinon à lancer de potentielles suites, on pouvait s’attendre à ce que Sony laisse une certaine liberté à Ruben Fleischer. Il n’en a rien été.
Il suffit simplement d’écouter Tom Hardy en interview déclarant que ses 40 minutes favorites au montage ont été coupées pour comprendre que le studio a voulu garder la mainmise sur son long-métrage, pour s’assurer qu’il serait financièrement rentable. Et cela pose deux problèmes.
Tout d’abord, les coupes faites au montage par le studio se sentent, et le film semble ne pas savoir sur quel pied danser. Alternant le registre comique dans la relation simili Dr Jekyll et Mr Hyde d’Eddie Brock et Venom avec des tentatives (infructueuses et sans aspérité) de pure action ou d’horreur, le film enchaîne les séquences sans qu’il y ait réellement de lien cinématographique entre elles. On est plus ici dans une succession de sketchs (au sens premier du terme) que devant un film avec une vraie cohérence narative.
Le second problème va se trouver dans le ton que le film devrait, et semble vouloir, se donner. Il faut en effet se rappeler la grogne du public quand le film a été annoncé PG-13 (déconseillé aux moins de 13 ans aux Etats-Unis) et qui annonçait donc un film dénué d’hémoglobine ou de violence extrême.  Hors, il parait totalement antinomique de vouloir imposer cela à un personnage comme Venom, personnage sanglant et sanguinolent qui passe le film à vouloir dévorer tout être vivant. Sony s’est vraisemblablement tiré une balle dans le pied en retirant ce qui faisait une grande partie du potentiel du personnage : sa bestialité sans limites.

Venom

Mais tous les défauts du film ne sont pas imputables à Sony, même s’il est en partie responsables de son échec.
Il parait en effet difficile de pouvoir évoquer la réalisation de Ruben Fleischer tant elle est inexistante. Réalisateur de Gangster Squad et Bienvenue à Zombieland, deux films corrects mais sans réelle vision d’auteur, il livre, malgré quelques fulgurances, une pâle copie de Venom, aussi vide d’intérêt cinématographique d’imagination dans la mise en scène que les 3/4 des productions super-héroïques actuelles. Ajoutez à celle des effets spéciaux innomables (malgré le design plutôt intéressant du personnage) et des scènes d’action gâchées par une shaky cam à outrance (mention spéciale à un combat final vu et revu et qui s’apparente à une bataille d’effets spéciaux dégueulasses), et vous obtenez la même tambouille sans vie, sans aspérités, sans réelle prise de risque ou vision, que dans la plupart des productions grand public actuelles.

Et s’il fallait finir de clouer le cercueil de ce film, le scénario aurait tout le loisir de s’en charger.
Enfin, si l’on peut honnêtement appeler cela un scénario, car tout dans le long-métrage est frappé du sceau de l’attendu et du prévisible. Tout d’abord les personnages : outre un personnage de méchant et une intrigue amoureuse complètement unidimensionnels (auquels les talentueux Riz Ahmed et Michelle Williams n’arrivent à donner aucune consistance), le film se pare d’une abominable paresse d’écriture, sans aucun fond (même s’il s’en donne l’air) ni complexité, au point de rendre le tout prévisible et donc nuire à la tension qui devrait émaner des scènes. Et le personnage d’Eddie Brock/Venom va rester dans cette mouvance.
Outre créer une origin story au personnage pas franchement terrible et surtout incohérente, la relation entre le symbiote et Eddie est extrêmement mal amenée et choregraphiée, amenant le pourtant excellent Tom Hardy à cabotiner tout au long du film au point d’en devenir parfois ridicule. Aseptiser le personnage de Venom au point de vouloir en faire une figure quasi-héroïque est une mauvaise décision filmique, et le film passe son temps à ne pas savoir sur quel pied danser. Outre cela, les nombreux trous de scénario, qu’il est inutile de détailler, n’aideront pas à rendre le film plus intéressant.

Venom

S’il fallait voir au delà de la catastrophe cinématographique que représente Venom, n’y a-t-il pas avec ce long-métrage la preuve évidente d’un essouflemement du genre super-héroïque (et par extension, de blockbuster) ? Venom possède de nombreux défauts, mais il n’est pas erroné de penser qu’il ne fait que s’inscrire dans la mouvance actuelle, qui crée des oeuvres asepstisés sur des personnages iconiques, dans le seul but de créer du profit sur leur nom pour ensuite lancer potentiellement un projet de franchise (Venom, de par sa scène super-héroïque, s’inscrivant dans cette veine), en en confiant la réalisation à des yes-man.
Venom est un mauvais film, oui. Venom est perclu de défauts, oui. Mais dans le monde du cinéma hollywoodien actuel, et c’est malheureux à dire, il n’est que le dernier d’une longue liste qui n’a, si Hollywood ou le public ne se réveille pas, pas fini de s’étendre.


Note

1/5

Sans aucune aspérité, recherche dans la mise en scène ou grandeur d’âme, Venom n’est que le dernier-né d’une longue liste de blockusters sans aucune recherche artistique et sans aucun autre but que le produit financier. Les critiques qui lui sont faites ne sont pourtant pas nouvelles, et malgré tout, la recette continue de fonctionner : il serait temps, pour le bien du cinéma hollywoodien, que le public tire de lui-même la sonnette d’alarme.


Bande-annonce