Chien (2018) de Samuel Benchetrit

Nouveau film du réalisateur et romancier Samuel Benchetrit qui adapte à nouveau un de ses romans après le remarqué "Asphalte" (2015). Il a écrit son roman "Chien" (2015) après une période difficile de déprime durant laquelle il a effectué une promenade avec son fils et leur chien où ils ont rencontré un SDF qui pleurait dans un parc... Ce sont l'éditrice de son livre et son producteur de "Asphalte" qui l'ont poussé à adapter son roman pour le moins original. L'auteur-réalisateur en profite pour re-collaborer avec son scénariste Gabor Rassov après avoir signé son chef d'oeuvre et très sous-estimé "J'ai toujours rêvé d'être un Gangster" (2007)... Benchetrit est donc un cinéaste plutôt très irrégulier avec de belles réussites comme ceux sus-cités et "Janis et John" (2002), mais en trébuchant lourdement avec "Chez Gino" (2011) et "Un Voyage" (2014). L'atout majeur pour une adaptation littéraire est pourtant que l'auteur soit également le réalisateur-adaptateur, et Benchetrit l'a plutôt bien assumé avec "Asphalte". On suit donc Jacques Blanchot qui perd sa femme, son travail, son logement et son chien avant d'accepter de devenir le chien du dresseur qui lui avait vendu son chien...

Chien (2018) de Samuel Benchetrit

Le "héros" de cette histoire est incarné par Vincent Macaigne, spécialiste des films d'auteur et Art et Essai à la française qui passe de temps à autre dans une comédie plus "populaire" comme "Le Sens de la Fête" (2017) de Eric Toledano et Olivier Nakache. Le dresseur est incarné par Bouli Lanners, remplaçant ainsi Jean-Claude Van Damne d'abord pressenti avant un "différent artistique" que Benchetrit explique : "Physiquement, Jean-Claude me paraissait correspondre à ce que j'avais en tête. Mais j'ai assez vite compris qu'on avait pas la même vision des choses. Je ne sais pas s'il avait vraiment compris le film que je voulais faire, et les moyens financiers dont je disposais !! On s'est donc séparé à l'amiable."... Et enfin, l'épouse est jouée par Vanessa Paradis ; épouse à la ville de Benchetrit, ce dernier ayant l'habitude de faire jouer ses compagnes, de Marie Trintignant dans "Janis et John" à Anna Mouglalis dans "J'ai toujours rêvé d'être un Gangster"... En tous cas Benchetrit ose et n'hésite pas à changer de style, à explorer d'autres univers avec cet OFNI (Objet Filmé non identifié) qui mêle absurde tragi-comique. L'histoire se déroule dans un univers qui pourrait sans mal être un monde parallèle où tout est gris, impersonnel et bétonné. Un monde sans vie, aussi atrophié que apathique dans lequel se croise et s'entrecroise des individus aussi triste qu'indifférents. Le soucis se trouve d'ailleurs dans ces personnages.

Chien (2018) de Samuel Benchetrit

En effet, tous sont antipathiques, de l'épouse qui vire Jacques comme un mal propre au fils ingrat en passant évidemment par ce dresseur psychopathe. Même Jacques parait inepte tant il se complait dans sa déprime, sorte de victimisation à l'insu de son plein gré. Aucun personnage n'est finalement intéressant, leur antipathie fini par nous désolidariser du récit. Le vrai intérêt réside donc dans le fond du fond, le cinéaste précise qu'il s'agit d'un film politique qui traite du fascisme, Macaigne y voit lui un film sur le djihadisme... Dans un sens un peu également extrapôler sur le fait qu'il traite d'une secte dont le gourou serait le dresseur... etc... Particulièrement tragique au premier degré, violent au niveau physique et particulièrement humiliant au niveau psychologique le film explore les faces sombres de l'humanité de façon extrêmement primaire. Au second degré on décèle un humour noir et cynique qu'on ne pourra apprécier pleinement que si on accepte d'aller au-delà du 3ème degré ! En conclusion un film hors norme, qui lorgne fortement du côté Quentin Dupieux (toute proportion gardée !), qu'on salue ne serait-ce que par son audace mais qui manque un minimum d'attachement au moins à son personnage principal et un humour peut-être plus assumé. En tous cas un film qui ne peut laisser indifférent.

Note :

Chien (2018) Samuel Benchetrit