L'île aux chiens

L'île aux chiensLutte des classes entre félins et canidés
Le texan Wes Anderson remet le couvert 10 ans après le cultissime « Fantastic Mister Fox » avec ce film d’animation en stop motion baigné de son univers très personnel. Avare en films, son autant cultissime « The Grand Budapest Hotel » remonte déjà à 4 ans. Juste quelques chiffres pour appréhender le travail de Titan autour de ce long métrage : 1000 marionnettes sur 5 échelles de taille différentes et 240 décors… Des chiffres pharaoniques pour une épopée en miniature. Techniquement irréprochable, chez Wes Anderson, chaque plan est construit comme une œuvre picturale à part entière. D’une richesse incroyable, ses films nécessitent plusieurs visionnages afin d’en capter toute la densité. Visuellement abouti et reprenant beaucoup des codes graphiques nippons voire des estampes ; que dire du scénario, d’une densité jamais égalé par le réalisateur texan… jusqu’à un trop plein frustrant. Des sens de lecture multiples destinés aussi bien aux plus jeunes qu’aux adultes ; voire même plus orientés en direction de ces derniers. Toujours très fantaisiste dans son cinéma, Wes Anderson livre ici, sous forme de fable, son film le plus politique et le plus engagé. Humaniste, dérangeant et terriblement d’actualité avec la question des migrants (entre autres choses), c’est un brûlot politique ; mais surtout un appel à la révolte en direction des exclus. Le régime en place dans son film est très vogue dans le monde moderne et prend le joli nom de démocrature ; savant mélange de démocraties officielles et de tendances dictatoriales dont les têtes de gondole sont la Russie, la Turquie,… mais qui amènent à réfléchir aussi sur la mauvaise santé de nos démocraties occidentales. Comme dans « Fantastic Mister Fox », l’animal voire l’animalité est mise au centre du film. Là, il va plus loin car l’humain est présent, mais c’est lui que l’on ne comprend pas et c’est lui qui fait moins preuve d’humanité ; une énième pique de Wes Anderson contre le monde moderne. Ses humains ne sourient pas, parlent sèchement (la langue nippone y est pour beaucoup) ; ses humains peu empathiques étouffent un peu l’émotion qui aurait pu naitre au cours du film. Même la relation entre Spot et Atari n’est guère engageante. L’ambiance sonore concocté par Alexandre Desplat est tout simplement splendide et apporte une ampleur considérable aux images ; tambours, cuivres, tous les effets visuels sont accentués. Passionnant et magnifique mais manque l’envolée affective et comique de son précédent film d’animation.En aparté : pourquoi avoir choisi de faire incarner la révolte par une étudiante… américaine… un nationalisme malvenu

Sorti en 2018
Ma note: 15/20