Quai des Orfèvres (1947) de Henri-Georges Clouzot.

Film majeur et chef d'oeuvre d'abord parce qu'il est signé d'un des plus grands réalisateurs français, Henri-Georges Clouzot, qui est aussi un des deux meilleurs sur la période des années 40 à 60 avec Jean-Pierre Melville mais aussi et surtout parce que ce film signe le retour de Clouzot au cinéma. En effet, le cinéaste était interdit de cinéma à vie après la censure de son précédent film "Le Corbeau" (1943) et il ne doit son salut que grâce au combat de ses défenseurs (dont Pierre Bost, Jacques Becker et Henri Jeanson qui signent un texte particulièrement corrosif "Cocos contre Corbeau"). C'est donc avec "Quai des Orfèvres" qu'il signe son grand retour en adaptant "Légitime Défense" (1942) de Stanislas-André Steeman qu'il a déjà adapté avec "L'Assassin habite au 21" (1942). A l'origine le film devait s'appeler "Joyeux Noël" avant de prendre le nom de la célèbre adresse de la Police Judiciaire parisienne.

Quai des Orfèvres (1947) de Henri-Georges Clouzot.

Au casting de grands noms du cinéma hexagonal dont les expérimentés Louis Jouvet et Charles Dullin, créateur de la troupe de théâtre du Cartel en 1927 et qui se retrouvent ici après "Salonique, nid d'espions" (1937) de G.W. Pabst et "Volpone" (1941) de Maurice Tourneur et Jacques de Baroncelli. A leurs côtés l'excellent Bernard Blier marié à la pulpeuse Suzy Delair, couple dont la chandelle est tenue par la belle et sophistiquée Simone Renant. Mais on reconnaîtra également de nombreuses "gueules" du cinéma français comme Pierre Larquey, Raymond Bussières, Robert Dalban, ce dernier qui retrouvera la truculente Jeanne Fusier-Gir dans "Marie-Octobre" (1959) de Julien Duvivier... Clouzot, également co-scénariste et dialoguiste de son film, prit des libertés avec le roman originel ce qui laissera amer l'auteur mais Steeman reconnaîtra également que "Quai des Orfèvres" est "le meilleur film peut-être de ce diable d'homme, véritable "bête de cinéma""... Le film se scinde en deux parties, la première présente les protagonistes dans leur milieu professionnel et intime, dont le couple Martineau (Blier-Delair) qui bosse dans un cabaret où Jenny Lamour (Delair) se sert de ses charmes pour réussir au grand dam de son conjoint. La seconde partie débute après le meurtre et donc quand débute l'enquête menée par le génialissime Louis Jouvet, flic expérimenté et papa poule plutôt surprenant.

Quai des Orfèvres (1947) de Henri-Georges Clouzot.

La réussite du film repose sur une galerie de personnages plus ou moins pittoresques du Paris d'après-guerre mais réside surtout dans un suspense qui se situe à plusieurs niveau (qui est l'assassin, et surtout quelle a été la chronologie des faits). Clouzot signe un policier où les faux-semblants sont légions, entre Martineau (pour un Blier dans un énième rôle qui lui fera dire plus tard qu'il a été "le plus grand cocu de l'histoire du cinéma français" !) et l'inspecteur Antoine, en passant par la photographe amoureuse à sens unique, Clouzot dresse des portraits riches en fêlures et en espérance. Le cinéaste signe un énième grand film qui rejoint ainsi les autres comme "L'Assassin habite au 21" (1942), "Le Salaire de la Peur" (1953), "Les Diaboliques" (1954) et "Les Espions" (1957) et (1960). Côté anecdote, c'est sur ce film que Clouzot tombera amoureux de Vera, alors épouse de l'acteur Léo Lapara et membre de la troupe de Jouvet, qu'il épousera aussitôt après leur divorce. Le nom de Martineau sera repris en hommage dans un autre chef d'oeuvre, "Garde à Vue" (1981) de Claude Miller qui se déroule également un soir de réveillon... "Quai des Orfèvres", un grand film Prix international de la mise en scène au festival de Venise 1947 à conseiller, à voir et à revoir.

Note :

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