Un monde à part

Un grand merci à Movinside Editions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Un monde à part » de Chris Menges.

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« Pourquoi ton père ne revient-il pas pour affronter son châtiment comme un homme ? »

Afrique du Sud, 1963. En dépit des risques de représailles des autorités, les journalistes Gus et Diana Roth militent contre l’Apartheid, obligeant leur fille Molly, 13 ans, à se montrer très discrète sur leurs activités. Peu de temps après le départ soudain de son mari pour l’étranger, Diana Roth est jetée en prison. Rejetée par ses amies blanches, Molly traverse un véritable enfer pendant que sa mère subit interrogatoire sur interrogatoire…

« Vous croyez que vous êtes la seule à subir les conséquences de votre folie politique ? »

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Fils du compositeur Herbert Menges, l’anglais Chris Menges commence sa carrière de chef opérateur sur des documentaires au cours des années 60. C’est là qu’il rencontrera son compatriote Ken Loach dont il deviendra le directeur de la photographie attitré pendant près de dix ans. Ayant acquis la réputation d’être l’un des meilleurs chefs opérateurs du cinéma britannique, Menges travaillera progressivement à partir des années 80 avec les plus grands cinéastes anglais de sa génération, de Roland Joffe (« La déchirure » puis « Mission » qui lui valent chacun un Oscar) à Stephen Frears (« Dirty pretty things ») en passant par Jim Sheridan (« The boxer ») ou Stephen Daldry (« The reader »). Il exerce également ses talents de façon ponctuelle en Amérique où il a travaillé notamment pour Sean Penn (« The pledge ») ou Tommy Lee Jones (« Trois enterrements »). En parallèle à cela, Menges a également mené une brève carrière de réalisateur, signant quatre films de 1988 à 1999 (« Un monde à part », « Crisscross », « Le deuxième père » et « The lost son »). Il consacre ainsi son premier film, « Un monde à part », à l’Afrique du Sud des années 60 et au régime de l’Apartheid. Une situation qu’il connait bien pour avoir séjourné plusieurs mois dans le pays à cette époque. En dépit d’un budget modeste du à une confiance limitée de la part des producteurs, le film triomphe au Festival de Cannes, remportant le Grand Prix du Festival ainsi que le Prix d’interprétation féminine décerné à titre collectif à Barbara Hershey, Linda Mvusi et Jodhi May qui, du haut de ses 13 ans, demeure à ce jour la plus jeune interprète à avoir obtenu cette récompense. A noter que le film est dédié à la mémoire de la journaliste et opposante Ruth First, mère de la scénariste Shawn Slovo, qui fut assassinée quelques années plus tôt.

« Ce n’est pas juste et c’est ça qui est affreux »

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Après des années d’œillères et de silence, le cinéma finit par s’intéresser à la situation sud-africaine à partir de la seconde moitié des années 80, dénonçant avec force la politique d’apartheid (1948-1991) dans des films comme « Cry freedom » (Attenborough, 1987), « Une saison blanche et sèche » (Palcy, 1989), « La puissance de l’ange » (Avildsen, 1992) ou « Bopha ! » (Freeman, 1993). C’est dans ce contexte que sort « Un monde à part », chronique de l’Afrique du Sud des années 60 vue à travers les yeux d’une jeune adolescente blanche issue d’une famille aisée aux idées progressistes et engagée dans la lutte auprès de Mandela et de ses fidèles. Une période charnière, marquée par un durcissement du régime qui s’octroie le droit, comme un ultime déni de démocratie, d’incarcérer sans preuve et sans procès n’importe quel citoyen pour une période de 90 jours. Un contexte qui bouleversera durablement la vie de la jeune héroïne qui voit son père choisir l’exil tandis que sa mère sera elle incarcérée au nom de ses idéaux. Autant d’évènements qui l’obligeront à grandir plus vite. Livrée à elle-même elle fera ainsi l’apprentissage de la violence du monde des adultes : qu’elle en soit le simple témoin (un cycliste noir est renversé par un automobiliste blanc sans que personne n’intervienne, les descentes policières dans les townships) ou la victime (les visites humiliantes au parloir, l'ostracisation par ses anciennes camarades, elle sera brutalisée par le père de l’une de ses amies, ulcéré par les idées de ses parents). Et puis, il y a tout ce qui tend à démontrer la barbarie du régime et qui n’est que suggéré : l’omniprésence menaçante de la police, la brutalité d’un système (les interrogatoires musclées et les tortures) devenu cynique (la mère qui repart en prison aussitôt après en être ressortie). En passionaria de la résistance, Barbara Hershey livre une performance remarquable tandis que la jeune Jodhi May est formidable de justesse et d’émotions contenues. Menges signe là un beau film politique d’autant plus poignant qu’il traite son sujet avec beaucoup de sobriété.

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Le blu-ray : Le film est présenté dans un nouveau Master haute-définition, en version originale anglaise (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également proposés.

Côté bonus, le film est accompagné d’une présentation du journaliste Marc Toullec.

Edité par Movinside Editions, « Un monde à part » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 29 août 2017.

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