Après le drame "Quand on a 17 ans" (2016), le réalisateur André Téchiné retourne au film historique, genre qu'il a finalement peu exploré comme avec "Les soeurs Brontë" (1979), "Les Roseaux Sauvages" (1994) et "Les Egarés" (2003). Pour ce film il raconte l'histoire extraordinaire mais véridique du couple Paul et Louise Grappe, adapté notamment du livre "La Garçonne et l'Assassin : histoire de Louise et de Paul, déserteur travesti dans le Paris des Années Folles" (2011) de Fabrice Virgili et Danièle Voldman. Tout est dans le titre, où comment la petite histoire rejoint la grande Histoire. Téchiné co-écrit le scénario avec Cédric Anger, réalisateur de "La Prochaine Fois je Viserai le Coeur" (2014) et avec qui il avait déjà travaillé sur "L'Homme qu'on aimait trop" (2014). Le couple est incarné par l'acteur révélé dans "L'Inconnu du Lac" (2013) de Alain Guiraudie, Pierre Deladonchamps et l'actrice Céline Sallette. A leurs côtés notons la présence du jeune mais expérimenté Grégoire Leprince-Ringuet, qui avait déjà tourné avec Téchiné sur "Les Egarés" et qui retrouve l'univers du début du siècle et notamment 14-18 après avoir joué dans le téléfilm "Les Fusillés" (2015) de Philippe Triboit.

Effectivement, le destin de ce couple, et plus précisément de Paul Grappe, est assez extravagant et ne pouvait qu'arriver sur grand écran. Un déserteur se déguise en femme pour continuer à vivre avec sa femme, un choix sans doute cornélien mais qui a aussi ses conséquences... Annoncé comme une histoire vraie, confirmé et assumé comme tel par le cinéaste ce film se doit donc d'être un minimum fidèle aux évènements et le plus proche possible de la réalité des faits, la vie du couple Grappe n'a nul besoin d'artifice dramatique ou narratif. Dans le film Paul Grappe se retrouve avec deux phalanges en moins et déserte, il semble que c'est sa femme qui a eu l'idée du travestissement, et il semble que sa femme était assez soumise pour tout accepter de son époux... En réalité, il y a des interrogations nécessaires et naturelles, comme le fait que Louise a pris un amant sur insistance de son mari et qu'elle a du accepter de loger la maitresse de son époux...

La première chose qui frappe dans le récit de Téchiné c'est qu'il fait de Louise une femme courageuse au point de subvenir aux besoin du foyer mais aussi soumise aux désirs de son époux tandis que Paul est montré à la fois comme un lâche et comme une victime. Comme souvent la maternité change la donne pour Louise, par contre pour Paul on reste plus ou moins perplexe. Sa lâcheté "officielle" pour désertion, et sa lâcheté "officieuse" dans sa double vie, se complaisant dans la prostitution et le libertinage (il l'affirme lui-même !), hors travail et sans assumé son nouveau rôle de père. Un tel couple, un tel destin méritait son film, sans aucun doute, malheureusement il manque au film 15-20mn pour approfondir ses personnalités et, surtout, ajouter du romanesque et de l'émotion. Téchiné joue sur la chronologie, et effectue beaucoup de coupes qui crée un semblant de densité pour un format de 01h45 qui parait bien court pour cette histoire aussi "folle" que réaliste. La question du genre (et dieu sait que c'est d'actualité encore aujourd'hui !) et de l'identité sexuelle reste survolée, idem pour les raisons de la désertion, les tranchées et ses conséquences ne sont qu'effleurées. Il y avait de quoi faire un drame historico-romanesque d'une ampleur et d'une richesse plus profonde que ce résumé, certe intéressante et bien interprétée, mais trop découpé et survolé.

Note :