Le violent

Un grand merci à Sidonis Calysta pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Le violent » de Nicholas Ray.

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« Il m’arrivera peut-être un jour d’écrire quelque chose de bien »

A la suite d’une soirée avec son agent, Dixon Steele, scénariste à Hollywood, invite à son domicile une jeune femme pour lui faire la lecture d’un roman dont il doit signer l’adaptation. Elle est retrouvée le lendemain, assassinée au pied d’un ravin. Le passé violent de Steele en fait le suspect parfait. Arrêté et interrogé, sa voisine Laurel Gray lui apporte un alibi. Dixon et Laurel tombent éperdument amoureux mais ils devront faire face aux pulsions violentes de Dixon…

« ça ne vous effraie pas qu’un assassin soit en liberté ? »

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De sa jeunesse, passée sous la coupe d’un père aisé mais violent, on retiendra de Nicholas Ray qu’il fut turbulent – flirtant très tôt avec la petite délinquance et l’alcoolisme – mais déjà brillant. Au cours de ses études, il aura surtout la chance de faire de belles (et déterminantes) rencontres : le célèbre architecte Franck Lloyd Wright qui devint son ami, puis quelques années plus tard, Elia Kazan qui lui mot me pied à l’étrier à Broadway avant de le prendre comme assistant sur le tournage de son film « Le lys de Brooklyn » en 1945. S’émancipant peu à peu, Ray devint brièvement scénariste avant de réaliser ses propres films. Il signe ainsi des débuts très remarqués en 1949 avec « Les amants de la nuit ». Il enchainera ensuite les tournages avec boulimie, signant une vingtaine de films en mois de quinze ans, s’illustrant dans des registres aussi variés que le film noir (« La maison dans l’ombre », « Macao, le paradis des mauvais garçons »), le western (« Johnny Guitar », « A l’ombre des potences », « Jesse James, le brigand bien-aimé ») ou encore le film de guerre (« Les diables de Guadalcanal », « Amère victoire »). Mais le grand public retiendra surtout de lui l’emblématique « La fureur de vivre » avec James Dean, et, dans une moindre mesure, le film d’aventures « Les cinquante-cinq jours de Pékin » (1963). Il disparait ensuite progressivement des écrans et des studios du fait de sa santé précaire et de ses problèmes d’addiction. En 1950, il tourne « Le violent » d’après un roman de Dorothy B. Hughes, dans lequel il dirige son épouse d’alors, la comédienne Gloria Grahame dont il se séparera quelques mois plus tard après avoir découvert qu’elle entretenait une liaison avec son propre fils – issu d’un mariage précédent – tout juste âgé de 13 ans au moment des faits.

« Ma vie a commencé à notre premier baiser. Elle s’est arrêté quand tu es partie. J’ai vécu quelques semaines lorsque tu m’aimais »

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De prime abord, « Le violent » démarre à la manière d’un film policier des plus classiques. Un scénariste d’âge mûr passe une partie de la soirée avec une jeune serveuse qu’il ramène chez lui avant que celle-ci ne soit retrouvée morte le lendemain matin. Est-il l’assassin ? Porte-t-il en lui une part de responsabilité ? La question tiraillera les proches du personnage autant que le spectateur d’un bout à l’autre du film. Il faut dire que Bogart campe ici - superbement - un personnage particulièrement cynique (insensible à ce meurtre, il s’invente avec l’aide de sa voisine un alibi faute d’en avoir un) et ambigu. Surtout, il cache en lui une colère sourde, pouvant passer en une fraction de seconde de l’amoureux transi et tendre à la brute épaisse et menaçante. A ce titre, Ray joue ici à merveille de l’ambivalence de son personnage - qui se fait tour à tour séducteur et inquiétant - pour ménager le suspense quant à sa culpabilité ou non, et pour laisser aux spectateurs le soin de juger par eux-mêmes cet homme sur la seule base des apparences. Mais le polar est ici surtout prétexte à dresser un portrait peu flatteur d'Hollywood et de ses mœurs : égos surdimensionnés,  concurrence malsaine, cynisme, immoralité... L’usine à rêves ressemblant finalement à une machine à broyer ses artistes, à l’image de ce vieux comédiens, ancienne gloire répudiée par les studios, qui noie sa déchéance dans l’alcool sous les regards moqueurs des comédiens de la nouvelle  génération. Une vision d’autant plus sombre que chez Ray, la rédemption semble impossible. Le cinéaste signe ainsi une œuvre puissante, intense - et par moments même assez dérangeante - qui s’inscrit dans la lignée du « Boulevard du crépuscule » de Wylder (sorti la même année) au titre des portrait les plus acerbes d’Hollywood à l’écran.  

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Le DVD : Le film est présenté dans un nouveau master HD avec image et son restaurés. Il est proposé en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné de trois présentations respectivement signées par Bertrand Tavernier, Patrick Brion et François Guérif.

Edité par Sidonis Calysta, « Le violent » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 13 juin 2017.

Le site Internet de Sidonis Calysta est ici. Sa page Facebook est ici.