Dunkerque (2017) de Christopher Nolan

Après des thrillers, de la SF et du fantastique dont sa célèbre trilogie "Batman Begins" (2005), "The Dark Knight" (2008) et "The Dark Knight Rises" (2012)voici donc que Christopher Nolan se lance dans le film de guerre, le film historique. Un film forcément ambitieux qui marquera quoi qu'il en soit un tournant dans sa filmographie. Donc pour ce film il a choisi de s'intéresser à la Bataille de Dunkerque et de nous immerger dans cette déroute alliée, ou plutôt, comme le dirait certains historiens, comme une victoire matérielle et militaire allemande mais aussi une victoire stratégique et humaine pour les alliés et surtout pour les britanniques puisque sauver autant d'homme permettra aux iles britanniques de lutter et de se relever à partir de ce qu'on appellera ensuite la Bataille d'Angleterre. Mais c'est une autre histoire... Le producteur-réalisateur-scénariste (sans son frère Jonathan cette fois-ci) a réuni un casting qu'on pourrait scinder en deux. Il a choisi des acteurs expérimentés, certaines stars pour interprétés des personnages spécifiques hors troupes au sol. Il s'agit de Tom Hardy et Cillian Murphy (tous deux ayant déjà tourné plusieurs fois avec Nolan, sur des Batman mais aussi tous les deux dans "Inception" en 2010), James d'Arcy ("Cloud Atlas" en 2012 et "Jupiter : le destin de l'univers" en 2015 des Wachowski), Mark Rylance ("Intimité" en 2001 de Patrice Chéreau et "Le Pont des Espions" en 2015 des Steven Spielberg) et Kenneth Branagh qu'on ne présente plus. Ensuite il y a ceux qui vont représenter la troupe de base, les soldats en perdition sur la plage, et là, Nolan a choisi des inconnus et/ou des débutants. On citera Fionn Whitehead (inconnu avant ce premier film, plus pour longtemps !), Aneurin Barnard (quelques films depuis 2011 mais encore rien de probant jusqu'ici) et en prime un certain Harry Styles (membre du groupe One Direction)...

Dunkerque (2017) de Christopher Nolan

Un choix qui s'avère judicieux, le choix de prendre des inconnus pour les rôles principaux des membres de la troupe permet de nous identifier à tous les soldats et pas seulement à quelques héros nommés parmi des militaires à numéros. Ensuite, pour d'autres raisons plus pragmatique, on apprécie le fait que Nolan ait pu tourner à Dunkerque même (grâce au Crédit d'Impôt international mis en place en 2016) ce qui apporte un plus indéniable. Mais on va tout de même commencer par les quelques déceptions notables... D'abord historiquement Nolan a choisi d'omettre (volontairement on s'en doute) qu'en vérité, la plupart du temps il faisait beau temps lors de cette période fatidique du 21 mai-4 juin 1940. Pour des raisons qu'on imagine comme étant simplement pour ajouter à la dramaturgie (comme si y en avait besoin !) cela reste un choix particulièrement facile et dommageable historiquement, en effet jamais il aurait été possible de sauver autant d'hommes si le temps n'avait pas été clément ! D'ailleurs, il est donc assez dubitatif de lire en prologue que les alliés attendent un miracle alors que, justement, ce qu'on a appelé "Miracle de Dunkerque" est justement cette météo clémente ! Rappelons en outre qu'il y avait 400000 hommes éparpillés sur les plages (400000 !), il est tout aussi dommage qu'avec 200 millions de budget cette production n'a pu réunir que 2000 figurants laissant bien désertes ces plages... Mais si on précise que Nolan s'est octroyé 20 millions de dollars de salaires + 20% des bénéfices on se dit que, peut-être, ceci explique cela !... D'un point de vue historique il est aussi dommage que les chiffres donnés soient si "poreux", en effet sur les 338226 hommes sauvés il y avait tout de même 123095 français, tandis que la grande majorité des 35000 prisonniers ultérieurs étaient également français, ceux qui sont restés pour freiner un maximum la Wermacht. Par contre on salue la reconstitution générale des faits avec l'utilisation de vrais navires et destroyers plutôt que des images de synthèse, et ça se voit !

Dunkerque (2017) de Christopher Nolan

Mais, Nolan reste un des meilleurs cinéastes des ces dernières années et il n'en demeure pas moins qu'il signe là un film de guerre orignal et audacieux sur bon nombre de paramètre. Un des plus beaux scénarios qu'un film de guerre ait pu offrir qui, allié un montage bien particulier , donne une narration à divers points de vue qui, eux-mêmes, sont racontés dans une chronologie décalée. On reconnait là la marotte de Christopher Nolan qui s'est toujours joué du temps et de la chronologie comme dans "Memento" (2000), "Inception" (2010) et "Interstellar" (2014). Ce choix narratif, s'il est diablement passionnant, ouvre également des portes et on notera malheureusement quelques faux raccords et illogismes comme un même amerrisage qui se conclue de deux façon différente. Mais la mise en scène créative, la sublime photographie et cette narration à trois axes (terre, mer, air) offre une immersion inédite et envoûtante. Les Allemands sont comme les dialogues, presque inexistants et ajoutent à cet atmosphère presque post-apocalyptique et hypnotique. Le tout est enveloppé dans un écrin musical de toute beauté, qui tient à la fois d'un oraison funèbre et d'un poème lyrique, signé du compositeur Hans Zimmer (déjà 6 collaboration avec Nolan dont deux Oscars pour "Inception" et "Interstellar") qui signe avec cette BO une de ses plus belles oeuvres. Pour terminer, précisons que Nolan (qui fait partie de ces cinéastes grands défenseurs de la pellicule contre le numérique) a tourné son film en 70mm Imax et Super Panavision 65mm (comme par exemple Tarantino pou "Les 8 Salopards" en 2016), avec ce petit bémol qu'il sera sans doute réduit ensuite à 35mm pour le standard majoritaire des salles de cinéma. Ce film a pour lui d'être un des rares films sur 39-45 à retracer cet évènement aussi tragique que majeur et rejoint ainsi, tout de même les films "Dunkerque" (1958) de Leslie Norman (pour l'anecdote, Richard Attenborough jouait dans ce film alors que, ironie du sort, son petit-fils Will Attenborough joue dans le Nolan !) et "Week-end à Zuydcoote" (1964) de Henri Verneuil. En conclusion, outre les points historiques précises plus haut qui sont loin d'être anodins et les quelques incohérences et/ou maladresses (tous coûtant les petits points manquants à la note finale), Christopher Nolan signe un de ses plus beaux films (entre Malick et Spielberg), d'une puissance évocatrice et émotionnelle remarquable. A voir et à conseiller.

Note :

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