Critique : Rodin de Jacques Doillon

Critique : Rodin de Jacques Doillon

À Paris, en 1880, Auguste Rodin reçoit enfin à 40 ans sa première commande de l'Etat : ce sera La Porte de L'Enfer composée de figurines dont certaines feront sa gloire comme Le Baiser et Le Penseur. Il partage sa vie avec Rose, sa compagne de toujours, lorsqu'il rencontre la jeune Camille Claudel, son élève la plus douée qui devient vite son assistante, puis sa maîtresse. Dix ans de passion, mais également dix ans d'admiration commune et de complicité. Après leur rupture, Rodin poursuit son travail avec acharnement. Il fait face au refus et à l'enthousiasme que la sensualité de sa sculpture provoque et signe avec son Balzac, rejeté de son vivant, le point de départ incontesté de la sculpture moderne.

Dans cette compétition cannoise, un film était plutôt attendu puisqu'il a au casting l'un des derniers lauréats du prix d'interprétation masculine. Il est aussi attendu car il se glisse dans la peau d'un des plus célèbres artistes français, le sculpteur Auguste Rodin et que ce dernier a déjà été le sujet d'un film marquant, Camille Claudel. Autant dire que la tâche n'était pas aisée pour Jacques Doillon.

Doillon a fait le choix de parler du sculpteur au travers de deux histoires. La première, c'est la relation qu'il a eue avec Camille Claudel tandis que, la seconde, c'est la réalisation d'une sculpture de Balzac, une œuvre sur laquelle il va travailler durant près de sept ans. Ce sont deux bons moyens pour aborder la vie de cet être complexe qu'était Rodin mais aussi une manière de sublimer l'art. Car, tant Rodin que Claudel sont obsédés par une certaine vision de leur art. Doillon le semble tout autant. Entre les échecs, la réussite, le succès, les commandes et les cours, la relation entre Claudel et Rodin va évoluer jusqu'à ce que l'ombre du maître soit trop grande pour l'élève qui veut logiquement faire son trou elle-même. Bizarrement, alors qu'il a entamé cette relation avec Camille Claudel, Rodin va rester " fidèle " à son épouse, Rose Beuret. Tout cela, Doillon l'exploite relativement bien malgré qu'il ait du mal à conclure chaque arc narratif. La partie concernant Claudel est un peu expédiée. Tout cela serait plutôt bon s'il n'y avait pas la partie technique.

Critique : Rodin de Jacques Doillon

Cela commençait pourtant bien puisque Doillon introduisait le film par un très beau plan séquence durant lequel on suit Rodin et Claudel dans l'atelier du maître. L'espace est superbement exploité, la photographie est sublime, les décors et costumes majestueux. Mais, dès les premières minutes, une gêne se fait sentir. On ne comprend rien à ce que les comédiens disent. Tant Vincent Lindon qu'Izia Higelin sont incompréhensibles, ils n'articulent pas. Ce souci concerne principalement Lindon et Higelin, les rôles secondaires sont épargnés. Apparemment, le problème est connu de la production qui aurait tenté de sauver les meubles en faisant doubler certaines séquences mais, seules quelques minutes ont été retouchées ce qui est largement insuffisant. Si ce n'était pas assez, on peut également regretter l'ambiance très vieillotte qui est présente. Les transitions entre les scènes se font via des fondus en noir qui semblent venus d'une autre époque. Cela se tient avec le sujet cela dit.

Ces problèmes sont vraiment dommage car, excepté leur problème d'articulation, Vincent Lindon et Izia Higelin sont bons voire très bons. Lindon incarne un personnage un peu bourru et rustre, rôle qu'il a déjà pu essayer par le passé. Il le maîtrise bien et fait passer la philosophie artistique de Rodin brillamment. Izia Higelin apporte beaucoup d'énergie et de fraicheur tandis que Séverine Caneele, qui incarne Rose Beuret, est un véritable roc.

Sans être passé à côté de son sujet, Jacques Doillon semble tout de même avoir raté le coché. Cela est dû à de mauvais partis pris techniques et à une bande sonore aux défauts allant jusqu'à gâcher la vision du film. La presse internationale ne sera logiquement pas sensible à ces problèmes mais, en francophonie, ça risque de faire plus mal. Dommage car il y avait tout de même de bonnes idées, de l'ambition, une certaine réussite picturale (les décors, costumes et la photographie) et, enfin, les comédiens sont bons, même ceux qui ont ce problème d'articulation évoqué plus haut.

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