Tokyo sonata

Un grand merci à ARP Sélection pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Tokyo sonata » de Kiyoshi Kurosawa.

Tokyo_sonata« C’est dur à entendre mais vous ne retrouverez jamais un poste à la hauteur de celui que vous avez perdu »

Tokyo Sonata dresse le portrait d’une famille japonaise ordinaire. Le père, licencié sans préavis, le cache à sa famille. Le fils ainé est de plus en plus absent. Rejetant le style de vie de ses ainés, il finit par s'engager dans l'armée américaine qui recrute des japonais pour partir en Irak. Le plus jeune prend des leçons de piano en secret. Et la mère, impuissante, ne peut que constater qu’une faille invisible est en train de détruire sa famille.

« La lâcheté c’est ce que je déteste le plus au monde »

Tokyo_sonata_KurosawaNé au Japon durant les trente glorieuses, Kiyoshi Kurosawa (qui n’a aucun lien de parenté avec le maitre Akira), se destinait initialement à la sociologie, discipline dans laquelle il débute des études universitaires au début des années 70. Mais très vite, il se passionne pour le cinéma, découvrant les grands maitres européens (Visconti, Fellini) et le cinéma de genre américain de cette époque (les films de Don Siegel avec Clint Eastwood, ceux de Sam Peckinpah ou de Richard Fletcher...) et tourne ainsi ses premiers courts-métrages en Super 8 sur son campus. Délaissant progressivement ses études, il finit par devenir l’assistant de plusieurs réalisateur japonais avant d’être embauché comme réalisateur à la Nikkatsu au début des années 80. Mais après plusieurs revers au box-office, et surtout d’importantes divergences artistiques avec sa direction, il finit par être renvoyé du studio et blacklisté des productions locales. Devenant enseignant de Cinéma à l’Université, il finit par rebondir à la télévision. Il faut attendre le milieu des années 90 pour le voir revenir sur grand écran avec des polars mêlés de surnaturel comme « Cure » (1977) ou « Charisma » (1999), qui lui permettent d’être sélectionné et remarqué dans de grands festivals internationaux. En 2008, le prolifique réalisateur signe « Tokyo sonata », son 31ème film qui obtient, cette même année, le Prix du jury dans la section « Un certain regard » du Festival de Cannes.

« Comment notre fils pourrait être un prodige ? »

TokyoSonataDe Kiyoshi Kurosawa, on connaissait surtout les drames et les polars sombres, aux univers mâtinés de fantastique et de surnaturel, et le plus souvent peuplés de fantômes avec lesquels les vivants devront s’efforcer de trouver la paix. Avec « Tokyo sonata », il s’offre une sorte de parenthèses et signe une chronique sociale réaliste et contemporaine du Japon des années 2000. Loin de l’image de carte postale du Japon fourmillant et ultra moderne, à la pointe du high-tech et de la robotisation, il dresse un portrait sans concession de la société nipponne. Une société culturellement rigide, vouée au sacrifice et exclusivement tournée vers la réussite professionnelle au détriment de l’épanouissement personnel. Une société surtout extrêmement dure, marquée par la violence des rapports sociaux et dans laquelle toute chute de l’échelle sociale apparait brutale et irréversible. Avec son regard acerbe, le cinéaste filme la déshumanisation de cette société en brocardant l’hypocrisie de ses mœurs (ces pères de familles au chômage qui élaborent des stratagèmes pathétiques pour faire croire à leur famille qu’ils travaillent) et en tentant de capter la cruauté, la honte et le désespoir qui envahit ses protagonistes. Il filme aussi l’ironie d’un système à bout de souffle que les ainés tentent malgré tout de perpétuer avec leurs enfants, à l’image de ce père qui voit dans la soudaine passion de son fils pour le piano une perte de temps. D’une manière plus générale, Kurosawa décrit la déliquescence des valeurs séculaires de la société japonaise, symbolisée par l’effondrement de la cellule familiale et par la perte de toute forme de solidarité. A l’évidence, si la réflexion du cinéaste s’avère des plus pertinentes, tout juste regrettera-t-on son parti pris d’un formalisme austère et un peu sec. En outre, la radicalité de certains personnages - et notamment du père de famille - est telle qu’elle génère finalement assez peu d’empathie. Quoi qu’il en soit il signe là une jolie sonate humaniste et crépusculaire, de celle qui résonnent encore longtemps après l’avoir écoutée.

TokyoSonataKurosawa

**

Le blu-ray : le film est présenté en version originale japonaise. Des sous-titres français sont présents.

Côté bonus, le film est accompagné d’un riche making-of (60 min.) et de bandes-annonces.

Edité par ARP Sélection, « Tokyo sonata » est disponible en combo DVD + blu-ray depuis le 14 février 2017.

Le site Internet de ARP Sélection est ici. Sa page Facebook est ici.