[critique] reviens-moi

[CRITIQUE] REVIENS-MOIFICHE TECHNIQUE

  • Sortie : 09 janvier 2008
  • Titre original : Atonement
  • Réalisateur : Joe Wright
  • Scénaristes : Christopher Hampton, d'après le roman Expiation de Ian McEwan
  • Acteurs : Keira Knightley, James McAvoy, Saoirse Ronan...
  • Compositeur : Dario Marianelli
  • Genre : I'll be back (ou pas)
  • Pays : Amérique
  • Durée : 2h

Nous sommes en 1935, dans le délicieux manoir anglais de la famille Tallis. La jeune Briony surprend sa grande sœur Cecilia ( Keira Knightley) en train de jouer fiévreusement à la bête à deux dos avec Robbie ( James McAvoy), le fils de la gouvernante. La gamine en est toute retournée. Sauf qu'on ne sait pas au juste si c'est de jalousie ou de pudibonderie. Toujours est-il que cela la pousse à accuser Robbie d'un crime qu'il n'a pas commis. Le jeune homme est alors arrêté et mis en prison, dont il ne ressort, quatre ans plus tard, que pour être envoyé au front en tant que simple troufion, la guerre venant d'éclater. Pendant qu'il se bat durement, Cecilia l'attend et espère qu'il lui reviendra un jour, tandis que Briony tente de son côté d'expier la faute irréparable qu'elle a commise en séparant injustement les deux amoureux...

C'est un grand film. Qui réalise le prodige d'être à la fois très classique de par son sujet (une histoire d'amour entravée par la guerre et la bêtise humaine) et très original dans son traitement.

Dès la première scène, l'essentiel est dit : Briony est une gamine qui écrit, qui observe les autres - de préférence à leur insu - et qui ensuite les met en scène dans des histoires de son invention. C'est aussi une gosse remuante : tout le début du film nous la montre galopant d'un bout à l'autre de la maison, d'un bout à l'autre du jardin, au même rythme que son imagination, qui galope tout autant.

Dans toute cette première partie, on baigne dans une ambiance aux codes encore diablement victoriens, façon Jane Austen. Joe Wright réalise du travail d'orfèvre. Les personnages évoluent dans de grands espaces, dans de larges halls, dans d'immenses pièces. Ils sont en mouvement perpétuel. La composition de l'image fait de chaque plan un tableau à part entière. La lumière joue aussi un rôle fondamental : elle découpe les volumes, construit les silhouettes, auréole les visages, rend les objets presque irréels tant elle les irradie. La tension monte. D'abord d'ordre sexuel. Ce qui amène les corps à se rencontrer, à se déchaîner. Ce qui enclenche aussi le drame. Et transforme la tension sensuelle en tension émotionnelle.

Lorsque la guerre survient, Briony, bien grandie, entre en expiation. Immobile, pénitente, elle est consciente de ce qu'elle a fait. Devenue infirmière, elle s'inflige de soigner les horreurs de la guerre, panse les plaies béantes, veille sur les mourants. Elle ne galope plus, elle est figée dans la culpabilité et tente en vain de renouer avec sa sœur. Sa repentance est telle qu'elle n'inspire plus l'agacement mais la pitié. Le malheur qu'elle a provoqué, elle en est largement éclaboussée. Son action la hante et la transforme en fantôme de sa propre vie.

On en est là de l'histoire quand arrive soudain LE plan. À mi-course du film. Au moment où Robbie- McAvoy débarque à Dunkerque et mesure l'ampleur du chaos dans lequel meurent soldats français et britanniques. Une scène comme on en a rarement vues. Un plan-séquence démentiel à faire pâlir Jean Renoir, Alfred Hitchcock, Stanley Kubrick et Orson Welles réunis. 7 minutes sans cut, 2000 figurants en action, et une scénographie à en devenir asthmatique tellement elle coupe le souffle. Rien que pour cette scène, le film est inoubliable (c'est-à-dire vraiment impossible à oublier).

Mais l'histoire continue. Après la guerre, Briony revient à ses premières amours, elle choisit le métier de romancière. L'écriture comme voie ultime de rédemption. Et on comprend mieux, du coup, l'omniprésence de l'écriture en tant qu'élément primordial de l'intrigue. Tout fait allusion à l'acte d'écrire. Tout rappelle cette fonction. Tout au long du film, la narration contorsionne le temps, revient sur elle-même, réexplique les faits et nous balade dans l'histoire de la même façon qu'un auteur reprend ses chapitres, rature, recommence, écrit un épisode puis revient à celui d'avant, rajoute un détail ici, une nuance là. La musique qui ponctue les scènes ressemble au tic-tic-tac d'une machine à écrire, comme pour mieux nous rappeler que l'histoire ne fait pas que se vivre, qu'elle s'écrit aussi. Qu'elle s'écrit surtout. Et que c'est au fil de cette réécriture qu'elle prend tout son sens et toute sa grandeur tragique.

Pour résumer, ce film est une petite merveille. Tout y est : la richesse artistique, la virtuosité technique, la densité émotionnelle, la profondeur de l'histoire et des personnages.

Bon, trouvons-lui quand même un défaut : il y a Keira Knightley. On n'a rien contre elle, vraiment, c'est juste que son jeu, en mode belle gosse adorablement maniérée : " Ça-va-je-prends-bien-la-lumière ? ", ce n'est pas forcément ce qui convenait le mieux pour le rôle de Cecilia, femme ardente foudroyée en pleine passion par l'inconséquence de sa jeune sœur. Mais ce minuscule bémol mis à part, ce film est un sans-faute absolu. Et il montre admirablement qu'une femme qui écrit ne peut pas changer son destin, mais qu'elle peut quand même, a posteriori, le réinventer.

[CRITIQUE] REVIENS-MOIPOUR LES FLEMMARDS : C'est sûr que ce n'est pas de la grosse marrade. Mais ça vaut drôlement le détour parce que ce n'est pas tous les jours qu'on peut voir un vrai film de guerre empli de romantisme, et un vrai film romantique dénué de sucre et de dragées roses.

Bande-annonce de Reviens-moi :