La Fille inconnue

Date de sortie 12 octobre 2016

La fille inconnue


Réalisé par Luc et Jean-Pierre Dardenne


Avec Adèle Haenel, Olivier Bonnaud, Jérémie Renier,

Olivier Gourmet, Louka Minnella, Christelle Cornil, Nadège Ouedraogo


Genre Drame


Production Belge, Française

Synopsis

Jenny (Adèle Haenel), jeune médecin généraliste, se sent coupable de ne pas avoir ouvert la porte de son cabinet à une jeune fille retrouvée morte peu de temps après.

Apprenant par la police que rien ne permet de l'identifier, Jenny n'a plus qu'un seul but : trouver le nom de la jeune fille pour qu'elle ne soit pas enterrée anonymement, qu'elle ne disparaisse pas comme si elle n'avait jamais existé.

La Fille inconnue

Entretien avec les réalisateurs Jean-Pierre et Luc Dardenne

Relevé dans le dossier de presse.


Comment est né votre film, l’histoire de ce médecin généraliste ?


Jean-Pierre Dardenne : Au début, il y avait un personnage de médecin que nous avions appelée Jenny. Nous en parlions depuis plusieurs années. Un médecin, qui se sent coupable de la mort d’une jeune fille immigrée sans identité et se met à la recherche de son nom afin qu’elle ne soit pas enterrée anonymement, qu’elle ne disparaisse pas comme si elle n’avait jamais existé.
Luc Dardenne : Jenny se sent coupable, responsable. Elle refuse le sommeil, elle refuse de dire "Je n’ai rien vu, rien entendu".

Jenny soigne ses patients, écoute leurs corps. Filmer cette écoute était important pour vous ?


Luc Dardenne : Oui. Les personnages somatisent beaucoup : malaises, maux de ventre, crises d’épilepsie... Le corps réagit toujours en premier : c’est lui qui parle et qui dit des choses lorsque la parole n’y arrive pas. Jenny est à l’écoute des douleurs de ses patients. Elle tente de les soulager tout en continuant de chercher le nom de la jeune fille.
Jean-Pierre Dardenne : Nous voulions que Jenny soit une personne qui écoute les corps, les paroles de ses patients et que, grâce à cette écoute, elle devienne une accoucheuse de vérité, que son cabinet médical devienne un cabinet des aveux.

Vous êtes-vous documentés auprès de vrais docteurs ?


Luc Dardenne : Une amie médecin que nous connaissons depuis plusieurs années a été notre conseillère pendant l’écriture du scénario. Elle était également présente sur le tournage pour les scènes avec des actes médicaux. Par ailleurs, certaines scènes ont été inspirées par des témoignages de médecins que nous avons rencontrés.

Jenny est elle aussi une sorte de fille inconnue. On ignore tout de son passé, de sa vie privée.


Jean-Pierre Dardenne : On la voit faire un choix de vie, refuser une belle carrière pour rester dans le cabinet de banlieue parce qu’elle a l’intuition que ce n’est qu’ainsi qu’elle parviendra à découvrir le nom de la fille inconnue.
Luc Dardenne : Jenny est possédée par la fille inconnue, c’est cette possession qui la rendra si déterminée et si patiente pour trouver son nom. Ce n’est pas une possession surnaturelle mais une possession morale. C’est ça qui nous intéressait.

La Fille inconnue - Adèle Haenel

Les patients de Jenny, à des degrés divers, souffrent des maux de notre époque : précarité, destruction du lien social...


Luc Dardenne : Ces personnages s’inscrivent dans la réalité d’ici et maintenant. Ils appartiennent à cette partie de la société qui est violemment marginalisée. Cependant, nous n’avons jamais voulu faire de ces personnages des "cas sociaux", ce sont des individus.


La Fille inconnue se déroule à Seraing, dans la Province de Liège.


Jean-Pierre Dardenne : Depuis La Promesse, en 1996, nous y avons tourné tous nos films. Avant même d’avoir écrit le script - quand nous n’avions qu’une vague idée d’un personnage de médecin - nous savions déjà que nous tournerions près de cette voie rapide et de la Meuse. La localisation de La Fille inconnue est en quelque sorte venue avant le scénario.
Luc Dardenne : Cette voie rapide nous inspirait. Les voitures ne cessent d’y passer à grande vitesse, comme le monde qui suit son cours, ignorant l’importance de ce qui se joue dans le petit cabinet du docteur Jenny.

Après Cécile de France dans Le gamin à vélo et Marion Cotillard dans Deux jours, une nuit, vous dirigez Adèle Haenel dans La Fille inconnue


Luc Dardenne : Nous avons rencontré Adèle à Paris, alors qu’elle recevait un prix pour Suzanne. Les quelques paroles échangées à ce moment-là nous ont donné envie d’en faire notre médecin. Elle pouvait lui apporter l’éclat de sa jeunesse, une naïveté, une innocence capable d’ouvrir les cœurs les plus endurcis.
Jean-Pierre Dardenne : Nous avons répété pendant quatre semaines avec nos acteurs avant le tournage. Pas autour d’une table, mais sur les lieux mêmes de l’action, en travaillant les situations, les déplacements. Durant cette phase essentielle, Adèle était présente chaque jour et ne cessait de chercher et de proposer. Elle est à la fois spontanée, imprévisible et légère. Sa créativité nous a offert des solutions auxquelles nous n’avions pas pensé.

Entretien Adèle Haenel


Que représentaient pour vous les frères Dardenne avant de tourner La Fille inconnue ?


Ils s’inscrivent pleinement dans l’histoire et dans l’imaginaire du cinéma d’aujourd’hui. Je n’avais pas vu tous leurs films avant de les rencontrer - ensuite, je me suis rattrapée ! - mais j’en connaissais certains, qui m’avaient beaucoup marquée, entre autres La Promesse  et Deux jours, une nuit. Depuis mes débuts, j’ai toujours évolué dans le cinéma d’auteur. Vu ce que les Dardenne y représentent, j’étais bien sûr très impressionnée quand ils m’ont sollicitée pour travailler avec eux. Je ne pensais pas que cela pouvait m’arriver un jour.

Quelle a été votre réaction quand vous avez découvert le scénario ?


J’ai été frappée par la simplicité de l’histoire et par sa profondeur. Le travail des frères est extrêmement précis. Ils vont droit au but et ne s’embarrassent ni avec les ornements ni avec un quelconque enrobage. Cette précision et cette exigence se ressentent dès le scénario.


Comment définiriez-vous votre personnage ?


ll n’a rien d’une héroïne extraordinaire et cela me plaît. On sait très peu de choses sur sa vie privée. À mon sens, le film raconte comment Jenny renaît à la vie et à elle- même en rencontrant les autres. Jenny est quelqu’un qui éprouve, qui écoute et qui n’adopte aucune posture de supériorité vis-à-vis de qui que ce soit.

Comment les Dardenne vous ont-ils dirigée pour incarner cette héroïne ?


Quand on se comprend bien avec un cinéaste, on n’a pas besoin d’échanger beaucoup par la parole. Avec les frères, on se comprenait très bien... Les Dardenne ne s’encombrent pas avec la psychologie : avec eux, tout passe par le corps, par l’écoute et par les actions des personnages. Il me fallait être concentrée sur ce qui peut sembler être des détails mais qui n’en sont pas : comment mettre mes gants de médecin, comment faire une piqûre... J’étais tellement accaparée par le "faire", que je n’avais pas le temps de m’interroger sur les sentiments éprouvés par Jenny. Il ne fallait pas donner à voir des effets d’interprétation ou souligner des intentions. Cela aurait été un contresens.

Dans La Fille inconnue, comme toujours chez les Dardenne, la toile de fond sociale est très importante.


J’aime quand le cinéma évoque le présent. Le statut social et les conditions de vie des personnages sont des éléments fondamentaux de leur existence. Ils conditionnent leur façon d’évoluer dans la vie, leur confiance en eux-mêmes et dans les autres, leur santé... Il y a beaucoup de lacunes dans le cinéma contemporain sur la représentation de certaines classes sociales. Il est fondamental que certains metteurs en scène, en premier lieu les Dardenne, s’intéressent à cette question.

Les Dardenne aiment répéter longuement avec leurs acteurs. Comment avez-vous vécu cette période de préparation, puis le tournage ?


Leur réputation de travailler sur l’épuisement des acteurs en multipliant les prises relève de la légende. Avec eux, il n’est jamais question de performance. J’ai toujours eu l’impression que les choses allaient très vite. Le mois de préparation avant le tournage est extrêmement important. Tous les acteurs y sont réunis, ce qui permet à ceux qui n’ont que peu de scènes à jouer quand commence le tournage de se sentir immédiatement intégrés.

Que s’y passe-t-il d’autre ?


Pendant les répétitions, les frères travaillent beaucoup sur les déplacements des acteurs, sur les situations auxquelles les personnages sont confrontés, sur leurs mouvements de caméra... Bref, le travail essentiel de la mise en scène commence vraiment à ce moment-là. Quand un problème se pose à eux, ils ont la possibilité de laisser reposer, de trouver la solution et de ne pas à avoir à affronter l’obstacle au moment du tournage. Ce mois de travail m’a permis de me libérer de mes appréhensions, même si cela n’enlève pas toute la pression.

Interpréter un médecin impose certaines connaissances techniques.


Pendant toute cette période de préparation, j’avais à mes côtés une coach médicale : Martine, une femme qui est médecin dans la vie. Elle m’a appris à maîtriser certains gestes et m’a parlé de la façon dont on appréhende le rapport aux patients, même si, dans ce domaine, il n’y a pas de formule magique.


Qu’avez-vous retenu de cette aventure ?


Les Dardenne m’ont fait évoluer dans un registre "contre-intuitif" et cela a été une expérience fondamentale pour moi. Ils ont perçu quelque chose de moi au-delà de mon côté enragé et de mes colères. Ces derniers font partie de ma personnalité, mais ils ne me résument pas.

Avec La Fille inconnue, vous figurez dans un premier rôle en compétition au Festival de Cannes.


Le Festival de Cannes met en lumière un certain type de cinéma, et il est très important pour les films de pouvoir y être vus. Mais ma plus grande fierté n’est pas personnelle. Je suis fière avant tout du film.

Si La Fille inconnue n’avait pas été sélectionné à Cannes, je n’en serais pas moins fière.

La Fille inconnue - Adèle Haenel

Mon opinion

Loin de leurs deux derniers longs métrages, très émouvants, les frères Dardenne, se perdent, avec La Fille inconnue, dans un scénario confus qui ne laisse passer aucune émotion. 

La tragédie et la noirceur restent bien présentes, mais ne trouvent aucun relief particulier dans une réalisation sans réel intérêt. Beaucoup de scènes répétitives n'apportent rien et finissent pas lasser.

L'intrigue policière finit par plomber l'ensemble.

Les principaux protagonistes, malgré un talent reconnu, font le maximum pour exister.

Ils n'arrivent pas toutefois à convaincre ici.