Élitisme cinéphilique et pluralité des genres

o-FESTIVAL-DE-CANNES-2015-facebookEn préambule il faut préciser que je n’ai pas fais d’école de cinéma, n’entretient aucun blog spécialisé et que je ne propose qu’en de rares occasions des critiques. J’ai surtout fait l’expérience de cet « élitisme de cinéma » lors de mes six mois de Licence Professionnelle de Commercialisation des Produits Culturels et du stage de fin d’année qui s’ensuivit (dans une structure indépendante qui gère les cinémas de la région annécienne).

Les quelques cours portant vraiment sur le médium cinéma étaient pour ainsi dire toujours concentrés sur des métrages dit d’auteurs (en dehors des leçons d’anglais, plus relâches), entre documentaires carcérales de réalisateurs inconnus, extraits d’Orange mécanique forcements « géniaux » (peut-on aujourd’hui ne pas aimer Stanley Kubrick, et l’affirmer ?) et les premières minutes (interminables) du Bal d’Ettore Scola. De grands noms du septième art, talentueux, et visiblement vénérés par des professeurs à cheval sur leurs idées. « Vous ne savez  pas qui est Żuławski ? Mais vous ne connaissez rien ! » – voilà la remarque d’un intervenant extérieur et professionnel du secteur, qui souligne bien l’élitisme de certains qui ne jurent que par les réalisations slovaques ou le cinéma muet des années 20. Les productions sont diverses mais toutes appartiennent au même média, il est absurde de vouloir scinder en deux les créations, selon des critères de qualité arbitraires et trop facilement identifiables : le cinéma mainstream hollywoodien est ennemi de la connaissance, et toute production indépendante saluée par la critique parisienne est pépite. Il y a le cinéma des masses, stupide et divertissant, auquel il ne fait pas bon s’intéresser, et puis la vraie création, celle dont on papote au Baron en sirotant un Mojito glacé.

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Ce sont des comportements comme ceux-là qui m’éloigne – par réaction – d’une partie des productions auteurisantes (sans pour autant m’en dégouter totalement) et me pousse à défendre cet « autre » cinéma dit populaire, pour reprendre une expression que j’abhorre. J’ai moi-même succombé au chant des sirènes élitistes pour un exercice dans lequel nous devions présenter et analyser une scène de film. J’ai choisi un métrage que j’aime beaucoup, Amadeus de Milos Forman, par goût personnel mais aussi et surtout pour « faire bien ». Un grand film à n’en pas douter, superbe opposition de caractères et récit fictionnel de qualité. Une œuvre adorée des spectateurs et des critiques, ni tout à fait film d’auteur ni blockbuster, un consensus et donc – un choix facile. Je n’ai pas grandi avec le cinéma de Forman, Bergman, Wells, Chabrol, Truffaut mais avec celui de Spielberg, Cameron, Scott, Burton, Lucas. Pour moi ça ne change rien, mais pour Les cahiers du Cinéma et Télérama, ce sont deux mondes différents qui à défaut de s’affronter se font face. L’artistique contre le commercial. Le caviar et les œufs de lompe. Je n’aurai pas du craindre de choisir Terminator, Pretty in Pink ou Godzilla.

J’ai donc pour habitude de défendre corps et âme le cinéma « mainstream », « populaire », en bref celui qui fait des entrées (sauf accident de parcours du type John Carter). J’ai grandi avec « ce » cinéma, rêvant des lointaines galaxies et de Vulcain, de l’Amérique des années 60, de cet aventurier au fouet et chapeau qui séduit la belle. Hollywood c’est l’enfance. Pour ma génération les références viennent de là, qui peut dire qu’il a grandi avec Werner Herzog et Tinto Brass et pas Steven Spielberg ou John McTiernan ?

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Je ne nie pas le caractère putassier ou purement économique de certaines productions, mais la recherche de profit empêche-t-elle toute création artistique ? Tout travail mérite rétribution, et l’enjeu économique concerne tous « les » cinémas. Les derniers films estampillés Planète des Singes par exemple ne prouvent-ils pas que l’on peut proposer des divertissements rentables et de qualités qui soulèvent des thèmes passionnants et tout à fait sérieux ? A contrario, si un film à petit budget comme The man from Earth est une pépite de science-fiction qui exploite à merveille son sujet principal, les indépendants new-yorkais Frances Ha et Mistress America du chouchou des critiques Noah Baumbach n’ont, sous des dehors bobos branchés, absolument rien à dire.

On trouve donc de tout, partout. Le cinéma est à la fois multiple et indivisible –  une diversité plurielle ne formant qu’une seule et unique matrice.

Emir Kusturica et Tsui Hark sont cinéastes, Jean Pierre Léaud et Arnold Schwarzenegger jouent la comédie. Tous sont au service d’une même discipline.