Avant toi…

AVANT TOI…

De: Jojo Moyes.

Résumé: Quand Lou apprend que le bar où elle est serveuse depuis des années, met la clé sous la porte, c’est la panique. En pleine crise, dans ce trou paumé de l’Angleterre, elle se démène pour dégoter un job qui lui permettra d’apporter à sa famille le soutien financier nécessaire. On lui propose un contrat de six mois pour tenir compagnie à un handicapé…

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AVERTISSEMENT: Je ne suis pas sortie indemne de cette lecture aussi ma chronique du jour promet d’être décousue, personnelle et remplie de spoilers. Aussi, passez votre chemin si vous ne l’avez pas encore lu. Je n’aimerai pas gâcher votre plaisir. Mille excuse encore.

Commençons par le commencement si vous le voulez bien. Je ne sais pas comment je suis tombée sur la BA du film Before you avec Sam Claflin et Emilia Clarke. Surement un hasard qui ressemble à un hasard qui n’en est pas un. J’ai le chic pour faire venir à moi des livres qui me ressemblent et dont j’ai besoin. Une sorte de loi de l’attraction dédié au monde livresque. Avec, toujours une leçon derrière.

Jamais je n’avais imaginé que l’absence de travail pouvait provoquer la même sensation douloureuse que l’amputation d’un membre. Outre les craintes évidentes pour l’avenir et les fins de mois, le chômage avait le don de vous faire sentir inutile et de vous donner la désagréable impression de ne pas être à votre place.

Malgré le fait de trouver Emilia Clarke un brin caricatural, je me dis que c’est un film que j’aimerai; et plus encore, lire le roman dont il est tiré. J’avais dans l’idée que c’était une histoire romantique, le genre d’histoires qui n’arrive que dans les livres mais qui fait du bien. Comme si cela ne suffisait pas, j’avais en tête la chanson de Calogero: Avant toi. Avec le recul, je me dis que j’étais vraiment dedans mais que je ne savais pas à quel point j’y étais vraiment.

Je me lance donc dans la lecture et j’ai un peu de mal au début. L’ensemble prend du temps à démarrer mais au fil des pages, la magie opère. Me voilà, partager entre l’irrésistible envie de le terminer ou d’être moins gourmande car je sens que les adieux vont être difficiles tant les enjeux, l’histoire sont prenants. Je trouve finalement un compromis entre les deux; je me surprends même à penser, vivre comme les personnages du roman Lou et Will.

Et puis, bam saut dans le temps. Il est minuit, j’ai fini de le lire et je suis en larmes. Incapable de dormir, incapable de réfléchir. Les avis, les pensées se bousculent dans ma tête; moi aussi j’ai le sentiment d’avoir perdu l’homme de ma vie, d’avoir perdu Will. Mais, qu’est-ce qui se passe à la fin? C’est rude comme dirait Stéphanie Tanner. Une fin qui remet tout en perspective; aussi bien l’ensemble de la lecture que ma propre vie. Des choses que je croyais oubliées, pardonnées et dépassées.

Quand on se retrouve catapulté dans une nouvelle vie – ou du moins, poussé si fort contre celle de quelqu’un d’autre que c’est comme d’avoir le visage collé à sa fenêtre -, on finit par être obligé de reconsidérer sa propre image. Ou plus précisément, l’image de soi qu’on donne aux autres.

Du coup, je comprends mieux les gens qui lisent la dernière page avant de commencer un livre. Inconsciemment ou non, c’est peut-être pour se prémunir de ce genre de situation; Mais, le problème ici c’est qu’on risque de passer à côté de quelque chose, de quelqu’un. Et, on ne peut pas toujours se protéger,s ‘immuniser de tout, n’est-ce pas Will?

Louisa ou Lou c’est un peu beaucoup ma sœur jumelle cosmique. Je me suis vue, reconnue en elle. Cette femme qui a peur de sortir de sa zone de confort; piégée et prisonnière du regard de ceux qui l’ont vu grandir.  Lou est à la traine, une laggie sans doute; celle qu’on critique aussi.  Pourtant, c’est elle qui est toujours là pour tout le monde. Pour sa famille, son petit ami. Lou a plein de rêves mais elle croit que ses derniers sont trop grands pour elle.

Alors, elle se limite à ce qu’elle connait. A sa routine bien huilée et calculée; sans surprise et confortable. Ce n’est pas le grand huit mais au moins elle ne risque ni les surprises ni les déceptions. Ses ambitions sont à la hauteur de sa chambre qu’elle surnomme le cagibi; tout est dit. Elle n’est pas exceptionnelle, elle ne fera sans doute rien de grand ni de magique. Et, elle était en paix avec ça enfin avant Will.

Je ne suis pas en train de te dire de te jeter du haut d’un immeuble ou d’aller nager avec les baleines (même si j’adorerais que c’est ce que tu fais), mais juste de vivre pleinement. Bouge, remue-toi, ne t’installe pas. Porte fièrement des collants à rayures.

Alalala, rien que d’en parler même maintenant ça me fait quelque chose. Comme si je l’avais connu et reconnu. Ce qui est un peu le cas quand j’y réfléchis.  Il y a longtemps j’ai perdu quelqu’un de ma famille, suicide. Je ne lui en veux pas; comment en vouloir à quelqu’un après avoir tout perdu et pourtant essayé? Ironiquement, j’en ai voulu à Will; je l’ai trouvé égoïste et je me suis sentie trahie. L’amour a ses limites je le crains surtout quand on est pas dans la tête et le corps de l’autre. Quand on veut le bonheur de l’autre, quand on prétend l’aimer alors il faut le laisser partir quoiqu’il en coute à ceux qui restent derrière. Parfois, il faut lâcher prise.

Seulement, cette question – d’actualité – sur le suicide médicalement assisté trouve ses limites aussi. D’où le traitement cas par cas vu le caractère unique de chaque affaire. Je me rappelle d’avoir entendue parlé d’une affaire qui m’avait marquée et dont je n’ai plus entendue parler depuis. C’était une jeune femme de 27 ans ( mon âge en plus) qui souffrait depuis son enfance de dépression sévère. Elle voulait donc mettre fin à ses jours. Je ne veux pas juger; je ne la connaissais pas ni elle ni son parcours de vie. Mais, il y a quelque chose dans cette volonté de mourir alors que son corps va bien qui me perturbe; qui va peut-être au delà de ce que moi je voudrai pour elle.

Et c’est là tout le problème d’ailleurs. Je ne peux pas décider pour elle et je ne dois pas le faire car je ne suis pas à sa place. Alors, qui suis-je pour dire oui ou non? Reste quand même que je voudrai quelque chose de mieux pour elle, qu’elle subsiste et guérisse. C’est sans doute naïf ou c’est le propre de l’Homme; son instinct de survie. Donc oui, je croyais dur comme fer que Lou allait réussir d’autant que la BA du film m’a bien tourné en bourrique.

Le visage que tu avais quand je t’ai vue revenir de la plongée sous-marine m’a tout dit :il y a une faim en toi,Clark ,et une grande audace. Tu les as juste enfouies au plus profond de toi , comme la plupart des gens .

Quant à Will, il m’a rappelé une amie du lycée qui a disparue dans un accident de voiture. Nous n’étions pas particulièrement proches mais c’était quelqu’un que j’appréciais, quelqu’un de bien. Sa disparition a été le déclic du même genre que Will pour Lou. Qu’il fallait que je cesse de me retenir, d’avoir peur de tout et de rien. Et surtout, que la vie c’est tout de suite maintenant.  » Carpe diem  » comme disait sa meilleure amie. Après ça, ça a été une réaction en chaine: l’écriture, une histoire finie, un concours de création de bijoux que j’ai remporté et plein d’autres choses. Petit à petit, j’ai eu l’impression d’être l’artisan, l’actrice de ma propre vie; de me la réapproprier. Que je devais vivre tout ce dont elle ne pourrait plus faire à présent. C’était aussi une façon de lui rendre hommage; elle qui était toujours en action.

Cela dit, ce n’est pas évident. C’est un long travail, un long cheminement semé de doutes, d’angoisses et de tiraillement. Mais, je me découvre comme Lou des ressources et des talents insoupçonnés. Mieux encore, mon instinct et mon cœur me disent que je suis sur la bonne voie. Celle qui nous révèle à nous-mêmes.  » Connais-toi toi-même », disait Socrate.

J’ai la curieuse impression d’en avoir trop dit et en même temps, je n’aurai pas pu écrire cette critique autrement. Un lecture qui m’a donné un bon coup de pied aux fesses et ce n’est pas fini. En effet, ce jeudi sort la suite de Avant toi en français. Inutile de vous dire que j’ai la ferme intention de la lire même si je sens que ça ne sera pas qu’une partie de plaisir.

20 SUR 20