Folles de Joie (La Pazza Gioia)

Date de sortie 8 juin 2016

Folles de joie


Réalisé par Paolo Virzì


Avec Valeria Bruni Tedeschi, Micaela Ramazzotti,

Valentina Carnelutti Bob Messini, Tommaso Ragnon Sergio Albelli,

Anna Galiena, Marisa Borini, Marco Messeri Bobo Rondelli

Titre original La Pazza Gioia


Genre Comédie dramatique

Production Italienne, Française

Synopsis

Beatrice Morandini Valdirana (Valeria Bruni Tedeschi) est une mythomane bavarde au comportement excessif.
Donatella Morelli (Micaela Ramazzotti) est une jeune femme tatouée, fragile et introvertie.
Ces deux patientes de la Villa Biondi, une institution thérapeutique pour femmes sujettes à des troubles mentaux, se lient d’amitié.
Une après-midi, elles décident de s’enfuir bien décidées à trouver un peu de bonheur dans cet asile de fous à ciel ouvert qu’est le monde des gens "sains".

Folles de Joie (La Pazza Gioia) - Micaela Ramazzotti et Valeria Bruni Tedeschi

Micaela Ramazzotti et Valeria Bruni Tedeschi

Entretien avec le réalisaateur Paolo Virzi relevé dans le dossier de presse.


Après avoir réalisé un thriller noir, aux tons froids et sarcastiques, Les Opportunistes, peut-on dire, qu’avec ce nouveau film, vous revenez à une comédie aux tons plus chauds ? Ou au contraire, vu les thèmes abordés comme la maladie mentale, s’agit-il d’un film encore plus dramatique ?


Nous avions entre les mains une douzaine de pages d’un sujet avec pour protagonistes deux patientes en psychiatrie aux caractères opposés qui, un peu par hasard, s’enfuient de la structure clinique qui les accueille. Un refus des mesures de sécurité, des contraintes de la cure qui devient une errance euphorique et sans fin dans le monde extérieur.


Nous pouvons donc le défi nir comme une comédie d’aventure ?


Je voulais que ce soit une comédie, divertissante et humaine, une histoire qui, à un moment donné, finirait par s’approcher d’un conte, ou carrément d’un trip psychédélique, mais sans être dépourvue de sens. Nous voulions raconter aussi l’injustice, l’oppression, le martyre de personnes fragiles, de femmes stigmatisées, méprisées, condamnées, recluses. Mais sans que cela ne devienne un pamphlet. Nous cherchions des traces de bonheur, ou pour le moins d’euphorie, dans l’internement. Peut-on sourire ou même rire en racontant la souffrance, ou est-ce quelque chose d’impudique, de scandaleux ? Espérons que oui, parce que c’est ce que je préfère quand je fais un film, au fond, c’est la seule chose qui m’intéresse. Par exemple dans ce film, nous mettons en scène un épisode parmi les plus féroces qu’il m’ait été donné de filmer. Et pourtant je me rends compte que j’ai essayé de le raconter sur un ton heureux. C’était, il me semble, l’unique façon de parler d’un sujet aussi terrible que mystérieux.

Voulez-vous nous raconter votre travail sur le scénario, écrit cette fois avec Francesca Archibugi ?


Avant de nous lancer dans l’écriture du scénario, nous avons commencé par interroger de vrais psychiatres et psychothérapeutes et leurs avons demandé de nous accompagner dans le monde des structures cliniques.

Folles de joie (La Pazza Gioia) - Micaela Ramazzotti et Valeria Bruni Tedeschi

Nous avons rencontré toutes sortes de patients : catatoniques, hystériques, mélancoliques, importuns, paranoïaques, prolixes. Et j’ajouterais: comme dans la vie de tous les jours. Parmi eux, il y avait aussi des personnes que les institutions, les juges, les services sociaux avaient jugées dangereuses car elles avaient commis des délits et risquaient un internement dans des hôpitaux psychiatriques judiciaires. Nous y avons rencontré bon nombre de Beatrice et de Donatella. On ne pouvait s’empêcher de poser les questions classiques et stupides : quel est son trouble ? Quelle maladie a-t-elle ? Est-elle, bipolaire ? Dépressive ? Borderline ? En s’intéressant aux histoires de chacune, en fouillant dans leurs vies souvent tumultueuses, nous avons trouvé une grande partie de cette trame passionnante justement parce que l’identité de ces personnes n’est jamais définie par un compte-rendu médical, le nom d’une maladie, les médicaments à prendre. Nous voulions surtout adopter leur point de vue.

Et adopter le point de vue  de Beatrice et de Donatella, cela signifiait affirmer l’importance de leur histoire, faite de tribulations, d’abus subis et perpétrés, une histoire qui par bien des aspects peut se révéler drôle, délirante, comique. Nous les avons aimées quand nous les avons écrites, nous les avons aimées quand nous les avons filmées, parce qu’elles nous faisaient rire, parce que même durant le tournage, au moment où elles sont devenues deux êtres en chair et en os, ensemble, elles transmettaient une joie mystérieuse, irrésistible, contagieuse. Et s’il est vrai que dans ce film nous avons mis en scène des moments sombres, désolés et parfois violents, il m’a semblé par d’autres aspects n’avoir jamais filmé autant d’exaltation, d’ivresse, d’hilarité.

Parlez-nous de la Villa Biondi... Est-ce une structure qui existe réellement ?


Durant les repérages, nous avons visité des endroits décourageants, où les patients étaient traités de manière expéditive : placés sous sédatifs, attachés par des lanières, ou oubliés. Mais nous avons aussi découvert des endroits très beaux chargés d’énergie, où on essaie de mettre en place des projets de réinsertions, qui vont au-delà de la surveillance, où il fait bon vivre.

Surtout, nous avons rencontré beaucoup de médecins, psychiatres, psychothérapeutes, personnel paramédical, bénévoles et motivés, compétents et passionnés, dont le dévouement était total et touchant, malgré une carence en structures et en personnel adéquat.


Nous avons créé la Villa Biondi en nous inspirant d’éléments observés sur les collines de Pistoia, dans les pépinières, où travaillent des personnes venant d’un centre comme celui-ci. À la Villa Biondi, il y a aussi une assistante sociale sceptique, obtuse et normative, des règles strictes, une pluie de médicaments, pouvant donner l’envie de s’enfuir. Nous avons cependant voulu imaginer un endroit accueillant où on aimerait revenir.


Parlez-nous de Valeria Bruni Tedeschi et Micaela Ramazzotti, les interprètes de Beatrice et Donatella : aviez-vous pensé à elles dès le début ?


Je n’aurais jamais réalisé Folles de joie sans Valeria et Micaela. La toute première inspiration est née d’une situation observée de loin alors qu’elles marchaient dans l’herbe, la boue et la neige. Nous étions sur le tournage des Opportunistes et Micaela était venue en visite, le jour de mon anniversaire. Je tournais la dernière prise avant la pause déjeuner. Et je vois justement sur le terrain où se trouvaient les mobile-homes des acteurs et de la production, Valeria emmenant Micaela vers le chapiteau du traiteur, la première portant une robe dorée et élégante, trottinant sur ses talons, tandis que l’autre la suivait péniblement, avec un mélange, m’a-t-il semblé, de confiance et d’effarement. Et à un moment, comme le terrain était inaccessible et détrempé par la neige fondue, Valeria a tendu la main vers Micaela pour l’aider. C’est à cet instant que j’ai eu une envie soudaine de pointer la caméra vers ces deux filles intrigantes, très belles, drôles et peut-être un peu folles.

Folles de joie (La Pazza Gioia) - Valeria Bruni Tedeschi et Micaela Ramazzotti

Deux protagonistes féminines, une clinique qui n’accueille que des femmes... c’est aussi pour cela que vous avez voulu écrire le film avec une co-scénariste ?


J’ai toujours été très intéressé par les personnages féminins, aussi bien comme lecteur que comme spectateur. De Madame Bovary à Anna Karénine il y a une littérature qui tire son inspiration du récit de l’esprit féminin. Je pense aussi à Carlo Cassola, et au cinéma de Pietrangeli, Scola, Woody Allen… Pourtant il n’y a pas de doute qu’avoir Francesca comme partenaire a été utile. C’était un désir que nous avions depuis longtemps, et au fond nous l’avions déjà fait de manière non officielle, lorsque nous étions ensemble élèves de Furio Scarpelli, jeunes diplômés du Centro Sperimentale. En 1987, Francesca avait déjà tourné son premier film, quand j’étais encore à l’école. Nous avions pris l’habitude de nous échanger les scripts, d’y fourrer notre nez, et nous avons continué à le faire. Mais nous n’avions jamais écrit un film ensemble et il m’a semblé que c’était le bon projet. Nous partageons de nombreuses passions, politiques, narratives et psychiatriques. Nous avons eu des expériences avec des amis et des parents un peu fous et peut-être que nous attirons tous les deux certains cinglés, psychotiques, dérangés en tout genre.


Pouvons-nous définir ainsi Folles de joie comme un film thérapeutique ?


Tous les films sont une thérapie. Ils aident, je ne dis pas à guérir, mais au moins à mieux supporter les choses de la vie, surtout s’ils vont débusquer la comédie précisément au coeur du drame et de la tragédie.

Folles de joie (La Pazza Gioia) - Valeria Bruni Tedeschi et Micaela Ramazzotti

Entrtien avec Valeria Bruni Tedeschi.


Comment avez-vous abordé votre rôle ?


Je pense que le personnage de Beatrice a quelque chose de très puissant. En jouant le rôle de Beatrice j’ai beaucoup pensé à Blanche Dubois, au personnage en soi, à sa fragilité, à sa solitude, à sa manière de sortir de la douleur, de s’en protéger par la folie. J’ai éprouvé physiquement comment la folie protège de la douleur, comment l’imagination et la folie, qui chez elles vont ensemble, la préservent de la douleur insupportable et de la solitude. Quand un personnage comme celui de Beatrice est aussi bien écrit, si complet et si parfait – parce qu’il contient toutes les guerres intérieures, les dynamiques, les motivations, les besoins, les actions, les rêves – alors pour un acteur tout est plus facile.


Quel genre d’approche avez-vous eu avec ce personnage ?


Parfois j’aurais voulu être encore plus précise, encore plus profonde, fantaisiste, inventive. Peut-être que je ne me sentais pas à la hauteur et d’une certaine manière, j’ai l’impression que cette frustration a été positive pour le personnage parce que Beatrice n’est pas une femme satisfaite. J’ai essayé de lui offrir aussi mon insatisfaction personnelle, ma nervosité, ma fatigue, parfois aussi mon incapacité, parce que c’est une incapable. Je sentais que la Beatrice que j’interprétais me prenait et me faisait faire un petit pas, pour pénétrer dans sa maladie, dans sa mythomanie, dans sa méchanceté, dans son besoin d’amour. Je n’ai pas eu l’impression d’être moi saine et elle malade, mais que je devais me déplacer un petit peu, un tout petit peu par rapport à moi-même. Par exemple sa mythomanie a quelque chose de très naturel, on comprend pourquoi elle est aussi mythomane, pourquoi elle est aussi méchante à certains moments et pourquoi à d’autres elle perd le sens de l’orientation. De plus, comme je disais, j’utilise toujours des éléments personnels... la solitude de Beatrice ne me semble pas si lointaine. Dans la vie je ne suis peut-être pas aussi mythomane, pourtant la première scène que nous avons tournée est une vraie scène de mythomanie et j’ai compris aussitôt que la mythomanie de cette femme représentait une manière de ne pas tomber dans la dépression. Curieusement Beatrice est une mythomane qui dit de nombreuses vérités. Par la suite, on voit que qu’elle dit presque toujours la vérité...


Comment avez-vous réussi, avec Micaela Ramazzotti, à faire vivre votre couple sur le plateau ?


Tout doucement, scène après scène. Une des premières séquences que nous avons tournées avec Micaela est celle où je fais semblant d’être une psychiatre. Une scène fondatrice de notre amitié orageuse. Je l’accueille, la comprends et elle se sent comprise et accueillie. Mais ensuite elle se sent trompée. C’est comme ça que j’ai été animée par mon besoin de sauver et de protéger, et puis est né son besoin à elle d’être sauvée et protégée ; ensuite encore une déception, après quoi nous nous retrouvons de nouveau... Voici toutes les étapes de l’amitié de ce couple, où l’une et l’autre, en quelque sorte, tombent amoureuses. Avec Micaela, nous avons avancé courageusement, avec des instants diffi ciles aussi, parce qu’il y avait des moments de joie mais aussi de violence entre nos deux personnages, et nous les avons tous vécus, avec une vraie joie et aussi avec une vraie violence. Nous avons toutes deux accepté de nous montrer, de nous faire du mal et de nous faire du bien, mais surtout de ne pas faire les choses de manière conventionnelle, mais de la façon la plus authentique possible. J’espère que le couple auquel nous donnons vie est plein de tout ce que nous avons vécu vraiment, avec des moments où nous étions ensemble mais où nous nous sentions seules, exactement comme nos personnages.

Folles de joie

Et puis nous avons vécu aussi des moments de grande joie et de grande "compassion" l’une pour l’autre, de vraie tendresse.

Nous n’avons pas été "correctes", nos personnages étant mal élevés, c’est pourquoi il me semble important de l’avoir été nous aussi, comme actrices.

Entretien avec Micaela Ramazzotti.


Comment avez-vous construit votre personnage ?


Je suis partie de ce qui semblait être le diagnostic de Donatella, du moins celui que fait Beatrice à son propos : borderline avec une grave dépression. La psychiatrie étant une matière fascinante, je me suis plongée dans des textes médicaux, mais j’avais l’impression de tomber dans un puits sans fond. J’ai surtout cherché à mettre au point l’histoire de Donatella, son rapport avec des parents qui l’ont méprisée ou ignorée, sa nature réservée, sa personnalité méfiante, blessée utilisant avec peine un vocabulaire de quelques mots, ses pulsions d’autodestruction et d’automutilation, ayant subi des injustices toute sa vie durant. Une personne à la vie décousue qui, adolescente, a certainement abusé de drogues et qui ensuite est devenue dépendante aux psychotropes, qui a travaillé dans le monde de la nuit, a cherché l’affection des hommes et qui n’y a trouvé que méchanceté et mépris. Il fallait donc partir de là, de son passé et puis essayer d’imaginer comment elle était devenue aujourd’hui. Puis j’ai eu envie de jeter un oeil aux hôpitaux et aux cliniques pour mieux comprendre quelle était la situation actuelle. J’ai visité différentes structures à Rome aux réalités très différentes. Des endroits très durs comme les services de psychiatrie de Sant’Andrea ou de San Filippo Neri, où le personnel médical est compétent mais où l’atmosphère n’aide pas. Il n’y a pas un tableau, pas un dessin, pas de couleur sur les murs... Ou comme la Samadi, une structure privée qui a le même style sévère. Mais ensuite, avec Valeria, Paolo et Valentina Carnelutti, qui interprète Fiamma, la psychiatre, nous avons visité aussi la Maieusis à Porta Capena, un centre plus comparable à celui dont nous parlons dans Folles de joie, autrement dit une villa à la campagne, avec un jardin, des graffitis pleins de couleurs, où les patients aux troubles mentaux très graves suivent des thérapies pour se réinsérer.

Folles de joie (La Pazza Gioia) - Micaela Ramazzotti

On y enseigne la technique des mosaïques en céramique, les décorations pour les maisons et les villas du secteur, avec un projet pouvant offrir quelque perspective après leur séjour. Même si cela n’arrive pas toujours, les opérateurs sanitaires nous ont racontés que souvent le patient revient.

La rencontre avec les patients a été une expérience très intense. Nous avons découvert des cas douloureux mais aussi des personnes au contact desquelles nous avons pu parler de choses concrètes notamment combien il est difficile de vivre quand on est vulnérable. Nous avons parfois assisté à une énergie mystérieusement joyeuse, parce que la maladie mentale est aussi comique, poétique, surréelle, irrévérencieuse, c’est même une forme de rébellion. Ensuite j’ai travaillé sur l’aspect physique. Lorsque Paolo dessinait Donatella il avait à l’esprit un physique très maigre et un peu masculin. Un psychiatre m’a expliqué que les jeunes filles borderline ont souvent un style bien à elles : elles sont un peu sombres, tatouées, parfois anorexiques ; elles tiennent à être maigres, à avoir des tatouages sur le corps parce qu’ils donnent une identité et donc de la force, tu écris sur toi ce que tu es. Donatella a vingt-trois tatouages, une dizaine de cicatrices... Nous avons coupé les cheveux courts, mal, très mal même, comme si elle se les était coupés toute seule ; puis j’ai perdu quelques kilos pour obtenir cet effet – comme dit Beatrice lors de leur première rencontre - “anorexisant”. Une fois l’aspect physique établi et la manière de bouger, j’ai écouté ce que m’a dit Paolo : “Tu es toujours un pas derrière Beatrice, tu te fais porter, ce n’est pas toi qui prends des initiatives, tu as peur de tout, à un moment donné tu décides de te fier à elle et tu te laisses guider, mais toujours avec un air soupçonneux, toujours plongée dans tes pensées obsessionnelles”. Donatella, c’est comme si elle avait autour de la tête une nuée bourdonnante de moucherons, c’est comme si elle regardait toujours derrière elle, prisonnière d’une idée fixe, du désir de revoir son fils qu’on lui a enlevé, du désastre dont elle est l’auteur, mais aussi de l’injustice qu’elle a subie. Voilà ce que dit le silence de Donatella, elle pense seulement et exclusivement à ça. C’est un personnage asexué, une préadolescente. Emmener avec elle pendant trois mois cette nuée de moucherons, de pensées têtues n’a pas été facile, cela a un peu changé mon humeur. Sur le tournage je ne pouvais jamais rire, au contraire... Quelquefois j’avais soudain envie de pleurer sans raison précise. Qu’est-ce que nous avons pleuré durant le tournage, Valeria et moi ! Et quelquefois nous avions de la peine à sortir du personnage, nous le traînions un peu derrière nous, ces jours-là, même à la maison. La seule scène où nous voyons Donatella sourire, c’est quand elle rencontre ce fils qu’elle ne connaît pas. Là, elle semble s’ouvrir, c’est peut-être la première fois que nous la voyons mûrir, comme si elle avait le désir de prendre soin d’elle, de sa vie, et voir cet enfant de temps en temps.


Quelle est la scène qui vous tient le plus à coeur ?


La scène de la mer est très belle parce que je ne m’attendais pas à la légèreté avec laquelle elle serait tournée. Ce fut une scène pleine de chaleur et d’apaisement. Donatella rencontre un jeune garçon, le bébé qu’elle avait connu est devenu un jeune garçon plein de santé. De l’intérieur je l’ai vécue comme un bain entre deux copains du même âge. Donatella voudrait être maternelle mais elle ne sait pas comment on fait, elle n’a pas appris à prendre soin de son fils, on le lui a enlevé trop tôt, elle est surtout empruntée et émue. C’est une scène de timidité, mais aussi de joie, de désir de commencer à guérir.

Folles de joie (La Pazza Gioia) - Valeria Bruni Tedeschi et Micaela Ramazzotti


Sur le tournage vous avez travaillé avec de véritables patients. Comment a été votre rapport avec eux ?


Il y a eu une grande générosité de la part des jeunes filles de Pistoia qui sont venues sur le tournage, disposées à raconter leurs histoires, leurs vies pleines de péripéties, leur désir de guérir, de ne pas prendre plus de vingtcinq cachets par jour : des femmes et des jeunes filles d’une grande douceur, au désir de vie et de contact humain qui nous ont tous bouleversés. Je ne me suis jamais sentie écoutée avec une telle attention et compréhension. Ce fut un rapport thérapeutique, avant tout pour moi, qui m’a permis d’enquêter sur certaines de mes zones d’ombres, sur ces mélancolies que les psychiatres appellent moments crépusculaires. Ce n’est pas un hasard si de nombreuses scènes ont été tournées au crépuscule. Paolo a souvent cherché la lumière entre le jour et la nuit, pour donner un air romanesque mais aussi une idée de la peur des personnages, le crépuscule et l’aube font naître un sentiment de beauté et de déchirement en même temps. Nous avons vécu ces différentes phases crépusculaires durant le fi lm, avec toute la troupe, qui pouvait donner l’impression d’un groupe de patients en cure, et ce fi lm nous a peut-être appris à tous à accepter notre propre côté psychopathologique, les troubles que nous portons en nous et qui nous tiennent compagnie.


Entretiens de Valeria Bruni Tedeschi et Micaela Ramazzotti

réalisés par Fabrizio Corallo.

Folles de joie (La Pazza Gioia) - Micaela Ramazzotti et Valeria Bruni Tedeschi

Mon opinion

Deux femmes. La première d'une curiosité maladive, et toujours pourvue d'une joyeuse extravagance, est issue d'un milieu favorisé, dont il semblerait que la fortune initiale ait été mise à mal par ses excès. La deuxième, mère d'un petit garçon, victime de la lâcheté d'un homme méprisable, est sombrée dans la marginalité et une profonde dépression.

Paolo Virzì, s'appuie essentiellement sur ce duo pour réaliser avec une belle efficacité ce nouveau long-métrage. Entre discordes et hurlements, rires ou pleurs, conflits quasi permanents et divergences en tout, sa réalisation, à la fois simple et maîtrisée, fonctionne parfaitement. Les dialogues trouvent, dans la version originale, une résonnance toute particulière.

Une magnifique bâtisse en plein cœur de la Toscane, se veut être le lieu pour remettre sur les rails ces femmes qui, au milieu de quantité d'autres, feront tout pour recouvrer une certaine forme de liberté.

Le rôle tenu par Valeria Bruni Tedeschi lui offre toutes les possibilités. Agacer au plus au haut point par son incroyable débit vocal, faire rêver au travers de ce que fut sa vie dans des endroits magiques, émouvoir quand elle se tourne vers ce qui reste d'elle au plus profond. Elle est remarquable de bout en bout.

Micaela Ramazzotti, méconnaissable est tout aussi parfaite dans des beaux moments d'émotion pure, d'hystérie complète ou de désarroi profond.

Deux grandes actrices dans ces rôles opposés avec un seul point commun, beaucoup de souffrances psychologiques derrière un semblant de vie et des fous rires pour oublier.

Folles de joie (La Pazza Gioia) - Valeria Bruni Tedeschi