La Fureur de Vaincre ("Et pour la dernière fois, les Chinois ne sont pas des malades !")

Fureur Vaincre (

Genre : arts martiaux (interdit aux - 12 ans)
Année : 1972
Durée : 1h40

L'histoire : Le meilleur élève d'une école d'arts martiaux de Shanghai décide de venger la mort de son maître disparu dans des circonstances mystérieuses. 

La critique :

C'est vraiment à partir de 1971 que débute la carrière cinématographique de Bruce Lee. Après avoir tenté l'expérience aux Etats-Unis dans la série télévisée Le Frelon Vert et dans le rôle de Kato, Bruce Lee est de retour en Chine. L'artiste martial triomphe dans son pays avec Big Boss de Lo Wei la même année. Mais le tournage se déroule dans les acrimonies et les anathèmes.
Mais peu importe, en l'espace d'un seul film, Bruce Lee est déjà devenu une star dans son pays. Bien que fâchés, Lo Wei et Bruce Lee tournent dans la foulée (en 1972) La Fureur de Vaincre, un nouveau film d'arts martiaux, inspiré par la véritable histoire de Huo Yuanjia, un héros populaire chinois. Cet homme mythique et symbole de l'insubordination chinoise contre l'hégémonie japonaise va influencer plusieurs longs-métrages, notamment Fist of Legend (le remake de La Fureur de Vaincre), Le Maîtres d'Armes (Ronny Yu, 2006), ainsi qu'une série télévisée, Legend of the Fist : the return of Chen Zhen en 2011.

Avec La Fureur de Vaincre, Lo Wei et Bruce Lee inventent un nouveau genre : le film d'arts martiaux qui raconte l'histoire d'un chinois répudié et fustigé par les citoyens japonais. En ce sens, La Fureur de Vaincre a une vraie consonance historique, à condition de le prendre pour ce qu'il est, à savoir un film de propagande, tout du moins partial, inique et manichéen.
En outre, le long-métrage ouvre une nouvelle ère dans le cinéma d'arts martiaux. Par la suite, de nombreux films reprendront peu ou prou le même schéma narratif. Entre la fin des années 1970 et les années 1980, c'est un nouvel artiste martial, Jackie Chan, qui triomphera lui aussi dans la peau d'un héros chinois voué à l'opprobre et aux gémonies. Et puisqu'il est question de Jackie Chan, l'acteur effectue, dans La Fureur de Vaincre, une apparition furtive dans le rôle d'un élève de Jing Wu.

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Autre anecdote, la fameuse séquence opposant Bruce Lee à plusieurs combattants japonais a été reprise... pardon photocopiée par Quentin Tarantino dans Kill Bill. Scène sur laquelle nous reviendrons. Autre artiste martial visible à l'écran, un certain Corey Yuen. A l'instar de Jackie Chan, lui aussi joue les cascadeurs pour les besoins du film. Attention, SPOILERS ! (1) Après de longues vacances, Chen Zhen (Bruce Lee) rentre dans son école de kung-fu, et y découvre que son maître, Huo, est mort.
Peu de temps après, les représentants d'une école japonaise rivale viennent humilier l'école de Chen Zhen en leur donnant un écriteau sur lequel est inscrite une insulte raciale envers les Chinois. Le lendemain, Chen Zhen décide seul d'aller voir l'école japonaise, et de leur rendre leur écriteau.

Les japonais, trouvant Chen Zhen trop téméraire, le défient : Chen Zhen abat tous les élèves de l'école, sans avoir une égratignure. Il découvre, un soir, que l'une des personnes de son école faisait partie des Japonais, et qu'il a empoisonné le maître Huo. Chen Zhen va déchainer sa fureur, jusqu'à tuer, et à devoir se déguiser pour ne pas être reconnu par la police (1).
Autant le dire tout de suite : on tient là un véritable classique du cinéma d'arts martiaux. Souvent imité mais jamais égalé. Suite à l'énorme succès de Big Boss, le réalisateur, Lo Wei, dispose d'un énorme budget. Ce qui change beaucoup de l'amateurisme parfois affiché dans son précédent film. Mais depuis Big Boss, les choses ont beaucoup changé. Bien que réalisateur du film, Lo Wei ne dirige (quasiment) plus les débats.

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Désormais, c'est Bruce Lee qui dicte les règles, les conditions de tournage et les nombreuses chorégraphies du film. Finalement, il est le véritable réalisateur du film, ainsi que le scénariste et le directeur des opérations. Bruce Lee s'approprie totalement La Fureur de Vaincre. Durant le tournage, nombreux sont ses contempteurs et ceux qui tentent de le rudoyer avant d'être promptement envoyés au tapis. A l'image de la fameuse scène où Chen Zhen ferraille avec une dizaine d'adversaires qu'il expédie dare-dare.
Certes, La Fureur de Vaincre est bel et bien un film de vengeance puisque le long-métrage raconte (encore une fois) l'histoire d'un jeune chinois qui cherche à connaître la vérité sur la mort énigmatique de son maître. Mais avant tout, La Fureur de Vaincre a une vraie connotation historique.

La Fureur de Vaincre s'inscrit dans cette humiliation chinoise vécue pendant l'Occupation japonaise. Ce qui explique cette histoire de vengeance et d'affrontement entre deux écoles d'arts martiaux. Quant à Chen Zhen, il préfigure cette insubordination chinoise comme peut l'attester la fameuse séquence du square. L'endroit est à la fois interdit aux chinois et aux canidés.
Or justement, un cabot entre sans difficulté dans le parc, provoquant ainsi l'ire de Chen Zhen toujours prêt à débattre avec ses poings lorsqu'il se sent répudié par les Japonais. Oui, La Fureur de Vaincre est bel et bien un long-métrage à sens unique ou plutôt inique (si j'ose dire...). Dans le long-métrage, il existe deux axes : celui du courage, de l'abnégation et de la probité représenté (évidemment) par les Chinois ; et celui de la fourberie symbolisé par la fameuse école japonaise.

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Ainsi, Chen Zhen est à l'image de Bruce Lee, à la fois rogue, cuistre et condescendant, n'hésitant pas à donner la leçon à plusieurs combattants japonais. "Et pour la dernière fois, les Chinois ne sont pas des malades", clame et pérore un Chen Zhen atrabilaire, véritable bloc de rage et de hargne. La Fureur de Vaincre contient donc son lot de séquences cultes destinées à marquer durablement les esprits.
Le long-métrage est même parfois assez violent. Presque chaque combat se termine dans le sang, la mort, la douleur, le deuil, le meurtre ou la perte d'un être cher. Seul petit bémol, la pseudo romance amoureuse entre Chen Zhen et son énamourée ne présente guère d'intérêt.
En revanche, la fin est à la fois symbolique et magistrale avec la mort de Bruce Lee, qui parvient tout de même à asséner un dernier cri de fureur avant de se faire fusiller. Bref, on tient là le ou l'un des films (en même temps, ils ne sont pas si nombreux) les plus emblématiques de l'artiste martial.

(1) Synopsis du film sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Fureur_de_vaincre

Note : 16/20

Fureur Vaincre ( Alice In Oliver