Le Triomphe de la Volonté (Panorama sur le IIIe Reich)

triomphe de la volonté

Genre : documentaire (aujourd'hui censuré)
Année : 1935
Durée : 1h46

Synopsis : Un documentaire sur un congrès du parti national-socialiste à Nuremberg.  

La critique :

Dès 1933, avec l'arrivée des nazis au pouvoir en Allemagne, un certain nombre d'artistes, d'acteurs et de cinéastes sont clairement évincés du Noble Septième Art, sous l'égide de Goebbels, ministre de la Propagande et de l'Éducation du peuple. Privé d'un nombre important de réalisateurs de prestige, dont Fritz Lang, Robert Wiene et Henrik Galeen, partis se réfugier à l'étranger, le régime fasciste tente néanmoins de flagorner certains cinéastes indociles.
C'est par exemple le cas du même Fritz Lang malgré ses origines juives. Mais l'artiste se désiste et fustige (hélas dans le silence et l'indifférence) la politique autoritaire et de persécution menée par Hitler et ses prosélythes. Passionné par le cinéma, Goebbels a conscience du pouvoir que peut exercer cet art sur la plèbe.

Pour ce faire, il se tourne vers plusieurs réalisateurs nûment ralliés au Parti Nazi. Il s'adjoint les services de Leni Riefenstahl, à la fois danseuse, actrice, réalisatrice et photographe. Dès 1932, l'artiste est profondément marquée par une longue homélie anônnée par un Adolf Hitler emphatique et hiératique lors d'un meeting politique. Le Führer a alors écho de la présence de Leni Riefenstahl et organise une entrevue avec la cinéaste. Dès son accession au pouvoir, Hitler demande à la réalisatrice de participer activement au cinéma de propagande orchestré par les nazis.
Evidemment, Leni Riefenstahl accepte. Entre 1933 et 1938, elle tourne plusieurs films qui vont devenir célèbres, non seulement en Allemagne mais dans l'Europe toute entière : La Victoire de la Foi (1933), Jour de la Liberté : Nos Forces de Défense (1935), Les Dieux du Stade (1938) et Le Triomphe de la Volonté (1935).

photo_genese_film

Après la Seconde Guerre Mondiale, le suicide d'Adolf Hitler dans son bunker et la défaite du IIIe Reich, le ton change. L'histoire aussi. Dès 1948, Leni Riefenstahl est traînée devant les tribunaux et priée de s'expliquer sur ses accointances avec le régime nazi. Au cours des années suivantes, s'ensuivent de nouveaux (et nombreux) procès pour "travail de propagande". 
Leni Riefenstahl est à la fois tancée et morigénée par les Alliés et une grande majorité de la profession cinématographique. Répudiée du système et vouée aux gémonies, elle réalise pourtant en 1954 Tiefland, qui se solde par un échec commercial. Leni Riefenstahl disparaît plus ou moins des radars jusqu'à la publication d'un livre autobiographique en 1987. Elle meurt en septembre 2003 à l'âge de 101 ans.

Durant ses procès successifs, elle reçoit le soutien de plusieurs réalisateurs éminents, dont Jean Cocteau fait partie. Indubitablement, les longs-métrages propagandistes de Leni Riefenstahl provoquent à la fois l'admiration et les quolibets de la profession. A l'heure actuelle, ses films sont encore analysés, décortiqués et "radioscopés" (si j'ose dire) dans certaines écoles de cinéma.
Ou lorsque l'art s'associe à une propagande à la fois antisémite et "national socialiste". Telle est la dialectique du Triomphe de la Volonté, soit le film qui nous intéresse aujourd'hui. Evidemment, il s'agit d'un documentaire choc, scandale et polémique ; certes populaire en son temps et érigé en figure de proue du nazisme. A l'époque, le but d'un tel long-métrage est d'imiter, d'égaler voire même de surpasser le cinéma d'Eisenstein, un autre louangeur propagandiste, cette fois-ci du Parti Communiste Soviétique.

small

Peu ou prou de surprises au niveau des critiques actuelles. Il suffit de prendre l'allocution péremptoire de Jean-Pierre Delarge qui qualifie Le Triomphe de la Volonté comme un "chef d'œuvre de haine, de vanité provocante, d'orgueil démoniaque, mais un chef-d'œuvre tout de même". L'introduction de ce documentaire a le mérite de présenter les inimitiés via l'apparition impromptue d'un aigle surmontant une couronne entourant un svastika. Le ton est donné.
Puis, Leni Riefenstahl opère plusieurs plongées panoramiques sur les marches militaires effectuées frénétiquement par l'armée d'Hitler. Le Führer harangue les foules. Ici point de critiques ou de remise en cause du pouvoir et de l'hégémonie du IIIe Reich. L'objectif est de flagorner et de magnifier l'image du Führer, souvent filmé en gros plan.

Les mouvements de caméra se focalisent essentiellement sur les mimiques gestuelles, faciales et les tics langagiers d'un dictateur despotique mais toujours souriant devant la caméra compatissante de Leni Riefenstahl. Hormis Adolf Hitler, c'est l'ensemble du Parti Nazi qui est nûment louangé par le film. Ainsi, on remarque la présence de personnalités tristement célèbres : Hans Frank, Joseph Goebbels, Hermann Göring, Heinrich Himmler ou encore Julius Streicher font partie des festivités.
Evidemment, Le Triomphe de la Volonté est un film éminemment politique. Leni Riefenstahl utilise le prétexte d'un congrès politique du Führer pour psalmodier une idéologie fallacieuse. On retrouve donc toutes les obsessions du IIIe Reich, en particulier sa conception nazie de l'Etat, un Peuple soi-disant souverain mais qui doit marcher au pas et admirer sa nouvelle figure omnipotente, donc Adolf Hitler.

triomphe-de-la-volonte-05-g-1

Le documentaire se concentre largement sur la jeunesse. Le film ne doit pas seulement exalter l'enthousiasme du peuple, mais aussi ériger une jeunesse (hitlérienne) en liesse et en ébullition devant cette homme à l'autorité irréfragable. Evidemment, le documentaire élude tout discours antisémite ou de persécution contre les Juifs. Au contraire. Leni Riefenstahl s'attarde longuement sur un discours grandiloquent d'Adolf Hitler qui louange à la fois le courage, la probité et le pacifisme.
Un oxymore. Le Triomphe de la Volonté est aussi un film historique avec pour objectif de convaincre une populace déjà soumise à une dictature infrangible : "Quoi que tu ordonnes Führer, nous l'accomplirons". Bref, un documentaire parfaitement "non notable" (si j'ose dire), mais qui passionnera probablement les historiens pour son caractère (encore une fois) pernicieux et hautement propagandiste.
Quant aux futurs orfèvres de la caméra, ils y verront un documentaire virtuose réalisé par une véritable érudite des vues aériennes et panoramiques. 

Note : ?

sparklehorse2 Alice In Oliver