Paulina

Date de sortie 13 avril 2016

Paulina


Réalisé par Santiago Mitre


Avec Dolores Fonzi,

Oscar Martinez, Esteban Lamothe, Cristian Salguero

Titre original La Patota


Genres Thriller, Drame


Production Argentine

Paulina

Prix Fipresci - Semaine Internationale de la Critique

 Paulina

Grand Prix Nespresso - Semaine Internationale de la Critique 2015

Synopsis

Paulina (Dolores Fonzi), 28 ans, décide de renoncer à une brillante carrière d’avocate pour se consacrer à l’enseignement dans une région défavorisée d'Argentine.

Confrontée à un environnement hostile, des élèves peu motivés, elle s’accroche pourtant à sa mission pédagogique, seule garante à ses yeux d’un réel engagement politique; quitte à y sacrifier son petit ami et la confiance de son père, un juge puissant de la région.

Peu de temps après son arrivée, Paulina est violemment agressée par une bande de jeunes et découvre que certains d’entre eux sont ses élèves. Elle se découvre enceinte quelque temps après.

Doit-elle garder cet enfant issu d’un viol ou opter pour un avortement ?

Le choix de Paulina va susciter l’incompréhension de son entourage…En dépit de l’ampleur du traumatisme et de l'incompréhension de son entourage, Paulina va tâcher de rester fidèle à son idéal social.

Paulina - Dolores Fonzi

Dolores Fonzi

Entretien avec le réalisateur relevé dans le dossier de presse.

Votre film est une critique sociale, dans une forme frôlant parfois le thriller, sur les différents points de vue de la justice face à la violence.

Comment avez-vous concilié cela ?


Je ne sais pas comment vous répondre... Je peux en revanche vous dire que je suis un adepte du récit classique, avec une ligne narrative simple, un point de vue clair. Ce qui m’obsède c’est la tension et le rythme. Le récit surfe sur des dysfonctionnements actuels et aborde de fait un sujet de société. Mais cet aspect n’est jamais déclencheur de l’écriture chez moi. Ce qui m’intéresse, c’est de plonger un personnage dans une situation aussi complexe que celle-ci ; et de le suivre en utilisant pleinement les règles de la dramaturgie. En apprenant l’agression, le fiancé de Paulina ne rêve que de vengeance. Son père voudrait qu’elle se fie sans réfléchir à la justice que lui-même représente. L’amie qui l’accompagne dans son malheur lui apporte sa chaleur, mais se garde d’intervenir. Et puis il y Paulina, seule face à la violence terrible qu’elle a subie. Nous vivons dans un pays potentiellement riche, mais dont l’indice de pauvreté est l’un des plus élevés au monde. Sans parler du taux de mortalité infantile. La pauvreté y génère naturellement de la violence. L’action se déroule dans les faubourgs de Posadas, une ville moyenne d’Argentine. Vivent là, dans le dénuement absolu, des Argentins mais aussi des immigrants Paraguayens qui s’entassent dans des bidonvilles en bordure de forêt, exploités avec des salaires indignes.

Comment avez-vous appréhendé la scène de l’agression ? Pensez-vous qu’il y ait toujours une part d’inexplicable dans un crime, et que l’auteur revêt parfois deux visages très différents, à la fois de la sauvagerie et de l’innocence ?


Pendant la préparation je me suis entretenu avec diverses femmes qui font un travail de soutien psychologique auprès de femmes victimes d’agression. J’ai compris que chaque histoire était un cas particulier, Paulina n’est donc pas emblématique de ces femmes. L’autre intérêt pour moi dans cette histoire était de m’attacher à dépeindre les agresseurs. Le garçon qui commet cet acte exprime à ce moment précis une violence et une haine dont Paulina est la victime pour avoir été au mauvais endroit, au mauvais moment. Sans que je puisse dire si cela fait de lui un pervers sexuel appelé à récidiver, ce n’est pas le sujet.

Au moment de l’acte, le violeur est un enfant, ou l’enfant qu’il était encore il y a peu. Quelqu’un qui a grandi dans la précarité, en marge de la société, mais qui d’un coup va le rattraper dès lors que l’appareil répressif va faire son travail. Et ce sera à lui de subir une autre forme de violence.

Un des dialogues qui résume le plus fidèlement l’intention du film est peut-être cette phrase de Paulina :

"la justice ne cherche pas la vérité quand des pauvres sont suspectés.

Elle cherche des coupables."


Paulina est fille de juge, mais n’a clairement pas la même conception de cette justice. Ses idéaux sont forts, sauf lorsqu’elle subit cet acte barbare, durant lequel elle cherche juste à survivre. Alors elle accepte une situation étrange. Et intenable. En tant que spectateur on peut éprouver de l’empathie pour elle ; et comprendre en même temps les arguments du père. Mais Paulina est mue par une conviction inébranlable, qui la conduit pourtant malgré tout à être dans l’erreur. En parlant avec Dolores Fonzi, nous avons admis tous deux qu’il était inutile de chercher à la comprendre, mais primordial de la suivre. Spécialement après l’agression quand elle décide de retourner dispenser ses cours dans ce quartier.

Paulina (La Patota)

Vous avez grandi dans une famille de "hauts fonctionnaires d’état", c’est un milieu qui vous inspire ?


Comment le nier ? Mon arrière-grand père fut ministre de l’agriculture dans les années 30. Mon grand père, député et ambassadeur. Mon père, ancien secrétaire à la Présidence, occupe toujours une charge diplomatique. Et ma mère est spécialiste des questions de protection des mineurs, attachée à un tribunal pour enfants.
Par exemple, dans le film El estudiante, je m’étais attaché à suivre un personnage aux antipodes de celui de Paulina. Il s’agissait d’un homme qui ne manifeste un intérêt pour la chose politique que par stratégie et sans regard personnel sur le monde. Paulina, elle, a grandi dans un milieu bourgeois, favorisé ; c’est à l’inverse une femme pétrie de convictions sociales. Elle veut se rendre utile envers les plus défavorisés et décide pour ça d’aller enseigner dans un quartier difficile.

Quel est votre parcours en tant que cinéaste, quelles sont vos références ?


Mon premier souvenir de cinéma remonte à l’âge de 13 ans, en bricolant pour ma prof d’histoire un courtmétrage sur Charles Quint. Au lieu de nous donner un devoir traditionnel, elle voulait qu’on décrive la leçon en images. C’est ce jour-là que j’ai découvert (et compris) qu’il y avait quelqu’un derrière une caméra, autorisé à la placer où il voulait, en disant "moteur", "coupez" et à demander entre deux prises à des "acteurs" d’entrer et sortir du champ. Une révélation !
J’ai étudié le cinéma pendant deux ans et puis j’ai abandonné quand j’ai commencé à réaliser que je pouvais tracer ma route comme auteur. Parallèlement aux cours, j’avais écrit et coréalisé un film à sketches avec un petit groupe d’amis. Ça s’appelait El Amor - Primera Parte (L’amour – acte un) et mettait en scène la dissolution d’un couple, abordée sous plusieurs angles. Nous avions 21 ans et on courrait derrière François Truffaut, qui nous fascinait. En Argentine, le film avait eu son petit succès, après avoir bénéficié d’une programmation à Venise pendant la Semaine de la Critique. On a commencé à me solliciter régulièrement pour l’écriture. Et l’un dans l’autre, poursuivre mes études m’a alors paru inutile.
Los olvidados de Buñuel mais aussi Viridiana font partie des classiques auxquels nous nous sommes référés pendant l’écriture. Buñuel avait le talent de se montrer ironique tout en racontant des choses terribles. Ma stratégie est différente. Parce qu’au contexte social vient s’ajouter le poids du hasard. Paulina se fait agresser pour avoir pris à moto un chemin de retour qu’elle n’aurait jamais dû emprunter.

L’avortement est-il légal en Argentine ? Votre film se prête amplement à l’interprétation, à l’analyse.


Non, l’avortement est interdit. Avoir depuis dix ans une femme présidente n’a rien fait bouger. Nombre de groupes luttent pour sa légalisation. Et d’autres, proches de l’Église, s’y opposent avec efficacité. Vous n’êtes pas sans ignorer que le pape est Argentin et que les choses ne risquent pas d’aller vers une légalisation. Nous sommes une société progressiste sur bien des points, comme sur le mariage gay admis depuis longtemps par exemple, mais nous n’admettons pas l’interruption de grossesse, qui devrait être selon moi un principe de base. Je pense que sur ce point précis, le film ne manquera pas de faire débat en Argentine.
Dans mon pays où la psychanalyse trouve tant d’adeptes, on me demande souvent "mais qu’as-tu voulu dire ? Quel est ton message ?" Si j’avais quelque chose à dire, je le dirais simplement.

Mais je fais des films pour construire des images, au milieu desquelles évoluent des personnages. Et s’ils soulèvent des questions, tant mieux !

Paulina

Mon opinion

Au sujet de ce dernier long-métrage, Santiago Mitre a déclaré : "Nous vivons dans un pays potentiellement riche, mais dont l’indice de pauvreté est l’un des plus élevés au monde. Sans parler du taux de mortalité infantile. La pauvreté y génère naturellement de la violence."

Qui mieux qu'un réalisateur et scénariste Argentin pour mettre en images des personnages dans ce contexte douloureux et violent ?

Le scénario est particulièrement ambitieux, fouillé, intelligent et parfaitement écrit. Les premières images, mettent en scène un père et sa fille. Tout les sépare. La réussite de l'un, ancien communiste devenu un juge influent, et sa fille promise à un brillant avenir, et qui choisira une autre voie.

D'emblée, le film démontre les difficultés que les femmes rencontrent pour faire accepter leurs décisions. Il sera question de l'enseignement promulgué à des jeunes gens qui vivent en marge de tout. De la déforestation massive, aussi, au seul profit de quelques nantis.

À aucun moment, Santiago Mitre n'impose un quelconque point de vue. Il réussit toutefois ce qu'il souhaitait … "Je fais des films pour construire des images, au milieu desquelles évoluent des personnages. Et s’ils soulèvent des questions, tant mieux !". Mais celles-ci, ne trouvent pas les réponses.

Le film est porté de bout en bout par l'excellente Dolores Fonzi.

Paulina (La Patota)

24 ème Festival Biarrtz Amérique Latine

Festival d'Amérique Latine à Biarritz .

Interview du réalisateur réalisé par Leslie Diaz

Traduction de l'interview (Réalisée par Laura Faucon)


"Sans le travail mystérieux et si sensible que réalise Dolores, le film n’aurait aucun intérêt. C’est une actrice fantastique qui réussit à transmettre une grande intériorité. La seule chose que je lui ai demandé, en plus de tout le travail que l’on a réalisé, c’est qu’elle puisse raconter un autre film, aller au-delà des scènes et dire ce que le scénario ne raconte pas à propos du développement de l’identité  de ce personnage, et elle, c’est une actrice qui peut faire ces choses-là car elle possède une grande intériorité. Même lorsque la caméra n'est pas proche d'elle, on perçoit ses attitudes. Outre l’histoire du film évidemment, c’est ce qui représente pour moi le plus intéressant. Le film ne serait jamais arrivé jusqu’ici aujourd’hui sans sa force en tant qu’actrice. Lorsque j’écrivais le scénario c'est déjà à elle que je pensais."


"Pour le film précédent, j’ai travaillé sur le personnage d’un jeune homme qui commence à s’engager dans la politique, sans savoir vraiment pourquoi il le fait, jusqu’à ce qu’il se rende compte qu’il a de réelles capacités sans pour autant avoir un objectif concret. C’est un personnage pragmatique et ambitieux. Puis quand j’ai commencé à travailler sur Paulina, j’ai voulu imaginer un personnage totalement opposé à ce jeune homme. J’ai voulu aborder ce problème, ce thème qu’est la conviction, d’un point de vue tragique et c’est comme cela que l’on a réalisé Paulina."


"Les institutions font la politique, et ce sont également elles qui mettent les limites. Les personnes qui font de la politique pensent, comme le père de Paulina, que les transformations doivent venir de ces institutions, de l’intérieur de la politique. D’autres pensent au contraire qu’il faut aller outre ces institutions. Néanmoins, Paulina travaille pour le gouvernement car elle participe à un programme de promotion des droits de l’Homme et de réinsertion sociale mis en place par le ministère du développement social. D’un côté, elle fait également partie de ces institutions.


A la suite de l’attaque, elle commence à réagir de façon bien moins rationnelle. Elle décide de garder l’enfant sans savoir vraiment pourquoi, mais car elle sent qu’elle doit le faire. À partir de ce moment-là, on cesse d’expliquer le personnage et d’essayer de la comprendre. On essaie plutôt de la suivre, et de voir où la mènent les décisions étranges qu’elle prend. Le point de vue ou la perception d’une situation et les diverses opinions qui émanent d’une situation sont des thèmes que traite le film.


Le travail d’écriture est assez intuitif. Lorsqu’on a commencé à écrire avec Mariano on a d’abord eu l’idée de commencer par ce moment où elle passe devant le bâtiment abandonné en mobylette puis, à partir de là, revenir en arrière. Nous avons voulu revenir en arrière d’une façon étrange. A certains moments la temporalité reste assez confuse mais au fur et à mesure que la séquence progresse, que Paulina fait ses choix, et qu’elle accepte cette violence, cette temporalité s’éclaircit.

C’est la première fois que je viens à Biarritz. J’aime beaucoup la ville et le festival, et le fait que les salles soient à ce point remplies. Je suis très content."