LE GARÇON ET LA BÊTE : Le voyage de Kyuta ★★★☆☆

L’excellent Mamoru Hosoda est de retour avec un nouveau film aussi inégal que touchant.

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En l’espace de quelques films, Mamoru Hosoda s’est imposé comme l’un des nouveaux maîtres du cinéma d’animation japonais. Par son humanisme galvanisant et sa mélancolie souvent désarmante, son cinéma s’est révélé comme l’un des plus riches et des plus complexes de la production nippone depuis Hayao Miyazaki. Quatre ans après le magnifique Les Enfants loups : Ame & Yuki, lequel bouclait un formidable diptyque sur la famille aux côtés du non moins sublime Summer Wars, on attendait avec impatience de découvrir l’évolution de la carrière du cinéaste. Son nouveau film, Le Garçon et la Bête, était l’occasion de voir sur quelle voie allait s’engager Hosoda après deux œuvres qui semblaient marquer la fin d’un cycle.

En effet, si l’on retrouve certains motifs chers au réalisateur, force est de constater que Le Garçon et la Bête se différencie de ses prédécesseurs, lorgnant plus du côté du parcours mythologique que de la chronique familiale. Le film relate ainsi le récit initiatique d’un petit garçon solitaire, égaré dans un monde peuplé de bêtes étranges. Le petit garçon est alors pris sous l’aile de Kumatetsu, une bête colérique et irresponsable qui décide d’en faire son disciple… Une nouvelle fois, il est ici question d’une œuvre hybride empruntant à de nombreux modèles. Difficile en effet de ne pas penser au Voyage de Chihiro, tant Mamoru Hosoda semble aimer le long-métrage de Miyazaki, tout comme Star Wars (et plus précisément sa trilogie originale). Le film entretient ainsi une filiation évidente avec ses deux mentors cinématographiques (Miyazaki et Lucas), tant au niveau de sa narration que de son socle mythologique. Le dépassement de soi, le rapport au(x) mentor(s) et aux figures parentales, la quête spirituelle sont autant de thèmes mythologiques que l’on retrouve dans les œuvres précitées. Hélas, si la structure se révèle tout à fait efficace et divertissante, elle en constitue aussi la principale limite. Hosoda a très certainement lu (et digéré) les théories de Joseph Campbell sur les mythes fondateurs à l’origine de chaque récit, mais n’en ressort ici que les figures archétypales, découlant sur une narration prévisible et parfois laborieuse, malheureusement trop schématique pour jouer avec nos attentes. Le Garçon et la Bête se fait mécanique là où les précédents opus du cinéaste jouissaient à la fois d’une grande liberté d’écriture et d’une structure imparablement construite.

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Si son déroulement trop mécanique l’empêche de se hisser au niveau des précédents films du cinéaste, Le Garçon et la Bête n’en demeure pas moins une œuvre touchante et parfois galvanisante de par son profond humanisme et l’énergie de sa mise en scène. Paradoxalement, c’est en revenant à ses premiers amours que Hosoda parvient à se renouveler, c’est-à-dire en assumant pleinement sa dimension de shonen. On pense notamment aux scènes de duel jouissives à mi chemin entre Dragon Ball et le chambara (film de sabre japonais), aux séquences d’entraînement dans la tradition des grands films d’arts martiaux ou encore à ce climax démesuré presque sorti d’un kaiju eiga. Mais ce qui fait par dessus tout la force et la vitalité de la mise en scène est évidemment la propension du cinéaste à toujours connecter le spectaculaire à l’intime en ne perdant jamais de vue ses enjeux émotionnels, chose de plus en plus rare aujourd’hui. Le final parvient ainsi à renouer avec la grâce des précédents films de Mamoru Hosoda, synthétisant de manière émouvante les réflexions récurrentes de son œuvre sur la notion d’héritage comme transmission spirituelle. On regrette alors de ne pas voir Le Garçon et la Bête déployer la pleine puissance que son sujet impliquait, malgré un résultat indiscutablement attachant et plaisant.

Réalisé par Mamoru Hosoda, avec les voix de Koji Yakusho, Aoi Miyazaki, Shôta Sometani

Sortie le 13 janvier 2016.