A la recherche de l’histoire

Chaque auteur doit partir à la recherche de son histoire. Il ne suffit pas de considérer que l’on a enfin une mouture définitive si l’histoire ne s’est pas trouvée elle-même. Il va falloir s’assurer que le meilleur de ce qui peut être obtenu a été obtenu.
Parfois, l’histoire est condamnée d’avance. Vous ne pourrez pas écrire une histoire forte et passionnante avec une idée qui ne tienne pas la route. L’auteur pourtant s’accroche à son idée mais désespère de ne pas pouvoir la faire accepter par les autres avec autant de clarté et de zèle que lui-même a placés en elle.

Il faut donc aller à la découverte de son histoire. Le brainstorming peut y aider. Planifier les événements ou points majeurs de l’histoire est aussi un bon moyen de procéder.
En fait, la recherche  pour documenter votre sujet est l’essence du processus de développement. Considérez que vous devez prendre les décisions optimales car chaque décision définit un chemin (ou une ligne dramatique pour votre histoire, si vous préférez). Faites le bon choix parmi toutes les décisions qui sont à votre portée (et soyez persuadé que votre muse peut vous proposez un nombre incroyable de décisions parmi lesquelles choisisr) et ce chemin essentiellement créatif vous comblera. Prendre ces désisions revient à créer un effet de dominos en créant un lien de causalité entre les événements. Si vous ne parvenez pas à établir un lien de cause à effet entre ce qui se passe dans l’histoire, entre les comportements et attitudes des personnages avec leur biographie (que vous avez préalablement inventée), c’est toute votre histoire qui en souffrira.

Vous devez appréhender une stratégie pour votre histoire, intuitivement ou parce que vous lisez Scenar Mag. Une stratégie narrative consiste par exemple à dessiner sur une carte imaginaire les points par lesquels vous avez décidé de faire passer votre histoire. En effet, il y a un point de départ et de manière tout à fait logique, un point d’arrivée. Mais entre les deux, il existe un certain nombre de passages obligés. Ces points de l’histoire font partie de votre stratégie globale pour raconter votre histoire. On peut dire que la stratégie narrative est votre approche en tant qu’auteur dans l’art et la manière de raconter des histoires.

Cela reste abstrait comme définition. Pour concrétiser un peu les choses, considérons que vous allez manipuler des forces, c’est-à-dire tous ces éléments dramatiques qui sont à votre disposition et dont vous allez vous servir (pour donner un exemple parlant, un personnage est une force donc un élément dramatique que vous mettez en jeu au service de votre histoire).
Vous allez donc manipuler des forces. Votre travail d’auteur consistera alors à optimiser ces forces afin d’obtenir le maximum de valeur et d’impact.
Cela reste encore abstrait : l’idée de cette optimisation est d’obtenir chez votre lecteur (ou votre spectateur) la meilleure réception ou perception ou réponse. Si votre personnage souffre d’un deuil par exemple, votre lecteur ne doit pas seulement comprendre que le personnage fait son deuil, il doit ressentir la souffrance de votre personnage.
Optimiser revient donc à savoir ce qui doit être mis en jeu – techniques ou astuces narratives, choix des situations, choix des comportements, choix des événements – mieux, vous devez connaître ce dont vous avez besoin de mettre en jeu dans votre narration pour que votre histoire puisse offrir ce qu’elle peut de mieux offrir pour provoquer chez votre lecteur un impact maximum (généralement sur le plan émotionnel, voire viscéral).

C’est donc votre sensibilité qui sera sollicitée. Il ne s’agit pas d’une méthode pour obtenir une meilleure empathie du lecteur envers votre héros mais plutôt un état d’esprit qui ouvre en grand votre sensibilité. Celle-ci doit vous permettre de sentir votre histoire afin qu’elle ait un impact maximum sur votre lecteur. Vous pouvez y arriver en alternant les moments très intenses et des moments plus calmes. C’est la tension dramatique, c’est un exemple des forces à l’œuvre.

L’idée

Au départ est l’idée. Mais l’idée n’est pas l’histoire. L’erreur généralement est de partir de cette idée et de se lancer dans le processus d’écriture. Ce n’est pas suffisant pour écrire une bonne histoire.

Vous devez considérer cette idée. Vous devez la travailler jusqu’à obtenir un concept plus fort, plus pur à partir de cette idée. il faut que cette idée devienne un concept.
Qu’est-ce qu’un concept ? C’est une idée qui a évolué en quelque chose de plus puissant qui autorise (contrairement à l’idée) à créer une véritable histoire. Le concept est une prédisposition à l’histoire, un substratum sur lequel s’établiront les fondements d’une histoire.
Une idée seule ne le permet pas.
Par exemple, avoir une idée de Love Story, c’est bien. La situer dans un monde post-apocalyptique, c’est mieux mais lui permettre de se développer dans ce qui ressemble à des jeux de gladiateurs, c’est beaucoup mieux (Hunger Games). Ainsi, votre idée initiale de Love Story est devenue un concept novateur.

Couver une idée pour une histoire n’est pas suffisant pour aller à la recherche de celle-ci car vous n’aboutirez pas aux choix créatifs qu’implique la construction d’une histoire. Les différents points de l’histoire, les rebondissements, le contexte, le message sous-jacent, toutes ces forces dramatiques seront sous-utilisées. Elles ne seront pas optimisées.
Vous devez construire un TOUT maintenu par l’action conjointe de forces optimales.

Les éléments dramatiques (pour rappel autant les techniques narratives employées que vos choix en matière d’événements ou de personnalités pour vos personnages) possèdent une énergie propre. Cette force participe à la cohésion de l’ensemble.
En travaillant votre concept (par le brainstorming, par les biographies de vos personnages, par les contextes dans lesquels votre concept peut s’affirmer), vous serez capable d’une puissance narrative comme de nuances dans le déroulement de votre histoire avant même que ne commence le processus d’écriture.

L’astuce consiste donc à réfléchir à votre idée pour élaborer un concept. L’idée n’est que la toute première étape d’un long et créatif voyage. Si, pressé par le désir irrépressible de commencer votre histoire sans développer davantage votre idée, vous ne ferez que suivre une lanterne magique dont vous aurez vite fait le tour (autrement dit, blocage créatif en vue, muse au point mort).
Le risque est alors grand d’user d’artifices pour vous sortir des impasses et autres ornières dont le seul résultat ne sera qu’une histoire bancale.

Une histoire est plus qu’une simple idée

Une  histoire se compose de quatre rouages principaux : le concept, les personnages, le thème et la structure (c’est-à-dire l’ordre dans lequel sont exposés les événements).
Une histoire s’exécute à travers des scènes. Avec des paragraphes et des mots, vous appliquez votre propre style à ces scènes. Ce que vous devez sentir, c’est que les forces dont nous parlons depuis le début de cet article s’appliquent dans les scènes. Elles se manifestent dans ces scènes ou bien directement ou bien intelligemment voilées, mais elles sont pourtant bien présentes. Elles sont non seulement l’essence de la scène mais aussi ce qui lui donne une réalité.

Le concept, vos personnages, le thème, la structure sont des critères qui peuvent vous permettre de juger si une scène est efficace car si elle semble s’éterniser (vous ne savez pas comment en sortir) ou si elle contribue faiblement à l’histoire (le TOUT dont nous parlions) et comme Aristote l’a dit en son temps, vous devez vous en séparer.
Si vous retirez une scène et que l’histoire tient toujours debout, c’est que celle-ci était inutile, c’est ce que Aristote dit. Si l’histoire s’effondre, c’est que cette scène est efficace mais peut-être que vous pourriez encore l’optimiser.

Là où nous voulons en venir est que ce n’est pas parce que vous avez eu une idée que vous pourrez en tirer une histoire viable. Avant de vous décidez pour un travail d’écriture qui sera rentable, vous devez retravailler votre idée pour en faire un concept.
Ce concept est le point de départ pour vous lancer.