Magic (Le double "Je" d'Anthony Hopkins)

Genre : fantastique, thriller
Année : 1978
Durée : 1h45

L'histoire : Corky, un ventriloque timide et effacé, ne rencontre qu'un succès d'estime dans les salles miteuses où il se produit. Un jour, il décide d'introduire la marionnette Fats à ses spectacles. A l'inverse de son créateur, Fats est un personnage vulgaire et vindicatif. Peu à peu, Corky va laisser son automate prendre le dessus sur sa propre personnalité. Et le gentil marionnettiste va se transformer en psychopathe. 

La critique :

Les poupées démoniaques ont souvent été mises à l’honneur par le cinéma fantastique lors de ces trente dernières années. De The Dolls en 1986 au très surfait Annabelle en 2014, en passant par le célèbre Chucky, les réalisateurs s’en sont donnés à cœur joie pour procurer toujours plus de frissons à un public pubère avide de sensations fortes. Magic de Richard Attenborough aurait pu être l’ancêtre de tous ces films. Oui, il aurait pu si le réalisateur anglais avait cédé à la tentation de la poupée infernale, possédée par un quelconque esprit vengeur.
Mais Attenborough n’a pas eu besoin de recourir à des subterfuges grand guignolesques ni à des malédictions d’outre-tombe pour nous faire pénétrer dans l’univers terrifiant de Corky, le marionnettiste assassin. Car Magic n’est ni plus ni moins qu’un voyage sans retour à l’intérieur d’un esprit désaxé qui va perdre peu à peu le sens de toute réalité. Le film utilise avec ingéniosité le ressort du dédoublement de la personnalité, de l’autre « Moi », celui qui est capable des actes les plus abjects.

Attenborough amène progressivement l’action jusqu’à l’instant précis où son interprète principal va basculer irrémédiable dans la schizophrénie. Bien sûr, le personnage de Corky fait d’emblée penser à Noman Bates dans Psychose. Cependant, son état névrosé ne s’accentue et ne s’aggrave qu’au fur et à mesure de l’histoire, contrairement à Bates qui lui, était déjà dérangé à la base. L’introduction d’une marionnette dans le scénario n’a pas pour but de créer le frisson mais plutôt d’accentuer les effets pervers de la situation. Au début maître en total contrôle de son automate, le ventriloque se retrouve soudain à sa merci, complètement dominé par cet objet qui n’a de cesse de le tourmenter dans le peu de lucidité qui lui reste.
Cet objet à qui il s’adresse comme à un véritable interlocuteur sans même s’apercevoir qu’en fait, il ne se parle qu’à lui-même. A ce sujet, la performance d’Anthony Hopkins est comme toujours remarquable. A ses côtés, on retrouve Ann-Margret, actrice américano-suédoise connue notamment pour avoir jouée dans Tommy de Ken Russell ; et Burgess Meredith, qui prouve ici qu’il peut interpréter autre chose que le vieil entraîneur de Rocky. Attention, SPOILERS !

Corky (Anthony Hopkins) est magicien et ventriloque. Il peine à trouver son public dans les cabarets miteux où il se produit. Devant des salles à moitié vides, ses numéros ne marchent pas fort et découragé, il est tout prêt de laisser tomber son métier. C’est alors qu’un jour, son mentor, le vieux Merlin lui suggère d’introduire un supplément pour donner du piquant à ses spectacles. Ainsi, Corky a l’idée de s’adjoindre une marionnette qu’il baptise du nom de Fats. Et ça marche.
La réussite du duo tient à leur différence. Autant le magicien est d’un naturel timide et effacé, autant sa créature est grossière et agressive. Aussitôt, il est pris en main par Ben Greene (Burgess Meredith), un redoutable impresario que l’âge a rendu avisé. Sous sa tutelle, Corky et son automate rencontrent immédiatement la reconnaissance auprès du public. Il décroche même un contrat pour une émission sur la chaîne NBC et devient une vedette en peu de temps. Mais effrayé par cette soudaine célébrité, il décide de prendre du recul, quitte New York et retourne s’installer dans sa région natale.

Là-bas, il retrouve Pegg, son idylle de jeunesse. Mal mariée et toujours amoureuse de Corky, Pegg projette de partir avec lui. Mais le magicien, de plus en plus possédé par sa marionnette, commence à perdre la raison. Incapable de se séparer de son double maléfique à qui il parle comme à un être humain, Corky change peu à peu de comportement pour basculer définitivement dans la folie. Il tue son impresario qui avait commencé à se rendre compte de ses troubles psychologiques. Puis, il supprime le mari de Pegg avant de se suicider, pour enfin échapper à l’emprise de sa créature.
En 1978, Anthony Hopkins était loin d’être la star qu’il est aujourd’hui. Le Silence des Agneaux n’était pas encore passé par là. Néanmoins, la composition de l’acteur gallois dans ce film mettait déjà en lumière sa nette prédisposition à jouer les rôles de dément et les aliénés en tout genre. Sous le masque de Corky, pointait le sourire carnassier d’Hannibal Lecter. Quant à Richard Attenborough (le réalisateur, pas l’acteur), bien qu’ayant quelques films à son actif à l’époque, il ne connaîtra la gloire internationale que quatre ans plus tard avec Gandhi, récompensé par huit Oscars.

Magic a donc le mérite de réunir ces deux monstres sacrés du Septième Art, quelques temps avant leur plus grand succès. Adaptation du roman éponyme de William Goldman, Magic est un film comme on n’en fait plus. Aux effets spéciaux grandiloquents, le réalisateur a préféré la carte de l’étude psychologique, l’analyse d’une plongée dans le subconscient destructeur d’un homme prisonnier de lui-même. L’originalité du film tient par la minutie avec laquelle le réalisateur développe le processus d’humanisation de la marionnette. Devenue un autre « Je » et une caricature monstrueuse de son maître, Fats exerce sur Corky une emprise de plus en plus étouffante qui conduira le magicien jusqu’à l’irréparable.
Et cette emprise s’exerce surtout, c’est là le côté original du film, par la parole que la marionnette confisque à son profit. La mise en scène est d’un classicisme absolu, solide, ce qui fait que le film n’a pas trop subi les outrages du temps, contrairement à beaucoup de ses homologues estampillés « seventies ». Avec Magic, Richard Attenborough signe une œuvre remarquable de justesse et d’intelligence. Aidée par des acteurs au meilleur de leur forme, l’histoire se révèle accrocheuse et tient en haleine le spectateur, qui ne sait plus au final qui est qui. Bref, le réalisateur a parfaitement réussi son pari. Un excellent film.

Note : 16/20

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