Nous Trois ou Rien, critique

Nous Trois ou Rien, critique

Au Cinemed, @JM_Siousarram a eu l’occasion de découvrir le film de Kheiron, Nous Trois ou Rien qui vient justement de sortir en salles et semble mettre tout le monde d’accord. Voilà donc son ressenti.

Nous Trois ou Rien, critiqueNotre histoire est celle d’une migration d’Iran jusqu’à notre belle contrée française. Lorsque l’on évoque les deux mots Iran et Cinéma ces dernières années, on touche au grandiose. Que ce soit Jafar Panahi, l’homme au Lion et à l’Ours d’or, Abbas Kiarostami et sa palme d’or, ou encore le summum atteint par Asghar Farhadi et l’Oscar du meilleur film étranger remporté par Une séparation, le 7e art iranien a produit parmi ce qui se fait de mieux sur la planète en matière de fiction, fortement inspiré par son vécu géopolitique. Cela donne des œuvres complètes mêlant à la fois nuances dramatiques, propos engagés et métaphores matinées d’humour. On ira pas jusqu’à dire que Nous trois ou rien tient littéralement de la fibre iranienne des origines de son auteur, Kheiron, mais il y pas beaucoup de ça dans cette première réalisation autobiographique.

Notre histoire « vraie» débute sous le régime autoritaire du Shah d’Iran, un peu conté comme une histoire merveilleuse d’Orient, aux basques d’une famille nombreuse dont on devine très vite qu’il s’agit de celle des parents de Kheiron. Car, oui, si on a coutume de dire qu’un premier film contient pas mal d’éléments personnels de l’auteur, lui a carrément décidé de nous narrer la vie de ses parents et leur voyage jusqu’à la banlieue parisienne de Stains. Et très vite, on se rend compte que l’on va passer un excellent moment aux basques d’Hibat et Fereshteh, respectivement interprétés par Kheiron lui-même et la toujours délicieuse Leïla Bekhti. Car l’humoriste découvert dans la mini-série à succès Bref de Kyan Khojandi à la grande idée de transformer son cour de résistance à l’oppression iranienne en bande dessiné teinté d’humour référencé moderne façon Astérix : Mission Cléopâtre.

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Une pure réussite servie par un casting inspiré, que ce soit Alexandre Astier en Shah himself, le trop rare Arsène Mosca en tortionnaire ou Jonathan Cohen en pote bagnard. Cela permet une alchimie, parfois parasitante pour l’émotion, mais jamais plombante pour arracher un sourire, voir un franc éclat de rire. Cette première partie iranienne est aussi grandement réussie grâce à la performance du revenant Gerard Darmon, toujours aussi grande gueule et pince-sans-rire, parfait dans le rôle du père d’Hibat, aux côtés de la non moins remarquable Zabou Breitman. Et au milieu de tout ce remue-ménage politico-satirico-rigolo, le couple formé par Kheiron et Leïla Bekhti dégage une fraicheur bienvenue, et qui contredit grandement le déséquilibre supposé de la femme en Iran. Nombreuses sont les scènes où Leïla et Zabou soumettent avec des répliques saupoudrées de harissa les hommes de leur foyer. On adore cette dénonciation. Tout comme celle en frontale de l’extrémisme religieux représenté par l’avènement de l’Ayatollah Khomeini. Tout comme l’école Judd Apatow, qui a fortement marqué les humoristes du XXIe siècle, Kheiron choisit de mettre du contenu fort et absurde pour mieux s’autoriser à en rire en le dénonçant.

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Cette méthode de travail pour élaborer son premier film, on la retrouve également tout le long de la seconde partie qui traite de cette fuite nécessaire de l’Iran vers la France pour continuer à faire vivre la résistance démocratique qu’il a formé avec ses amis. Si la partie orientale pouvait paraitre exotique pour la plupart d’entre nous, celle-ci trouve un écho presque parfait dans les tensions récentes observées sur les questions d’immigration, d’intégration, et sur la délinquance qui en découle. Encore une fois, c’est avec des seconds rôles très bien écrits, et surtout un humour corrosif et attendrissant à la fois, que Kheiron fait mouche après les quelques minutes de flottement où le film semblait s’effilocher dans une lourdeur narrative et émotionnelle plutôt mal venue. Installés dans la banlieue de Stains, avec un vrai rôle de vecteur social, Hibat va découvrir son pays et apprendre à l’aimer.

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Flanqué d’un message de tolérance XXL, Nous trois ou rien, que l’on pourrait même rebaptiser « Nous tous ou rien », est une furieuse manière de prôner le vivre ensemble à une époque où il semble plus facile de cracher sur son voisin que de lui tendre la main lorsqu’il est au sol. Certains pourront dénoncer un discours naïf, un verre à moitié plein ou un angélisme dû au manque d’expérience de son auteur ; moi, je n’y vois qu’un feel-good movie rempli d’humour et d’engagement qui a le mérite de révéler à la face du monde un humoriste à l’humanité et à l’ambition forte, Mister Kheiron, fils d’un grand homme anonyme.