Critique : Chappie (2015)

Critique : Chappie (2015)

Neill Blomkamp, sur le point de ressusciter le xenomorphe qui sommeillait dans sesflamboyants dessins préparatoires, profite de l'emballement médiatique généré par son ambitieux projet pour confier ses regrets concernant la stérilité des perspectives sociales qu'il avait tenté de semer lors de son voyage vers Elysium. " J'ai le sentiment, au bout du compte, qu'on ne raconte pas la bonne histoire. [...] Je ne suis pas comme quelqu'un de normal qui a besoin d'une bonne histoire pour s'intéresser à quelque chose. Les concepts et idées sont aussi intéressants que les récits. ". Le cinéaste, souhaitant faire table rase de ce passé, ré-installe son action dans la banlieue de Joburg, dont il avait auparavant arpenté, avec fracas, le 9ème District. Ainsi, dans ce futur proximal, la mégalopole sud-africaine, en réponse à la croissance exponentielle et à la radicalisation de la criminalité et de la corruption, détache des escouades de boy-scout électronique afin de prêter main forte aux forces de l'ordre. Recyclant confusément la forme du reportage afin d'appuyer la véracité de son contexte social, et renouer par la même avec le succès de son premier long-métrage, le cinéaste pose ses caméras dans les décombres des vieux quartiers désaffectés en faisant se croiser une galerie de pantins, dealers de secondes zones, génie de l'informatique et autre ingénieur militaire envieux. Entre eux, il y a Chappie, un Pinnochio de métal auquel on tente d'imprimer à ses circuits une intelligence, une conscience, celle d'exister, de peindre et de donner l'amour, mais aussi celle du monde " pas très chouette " qui l'entoure. Car, ici, il n'y a pas d'autres chemins que celui de la violence. Tu bouffes ton prochain, ou tu crèves comme un chien. La mécanique sur laquelle repose ainsi le cinéma de Blomkamp a toujours fonctionné sur des schémas simplistes, témoignant autant de la conception manichéenne du monde qu'il entretient, que des capacités à planter efficacement ses décors et ses enjeux. Des principes narratifs satisfaisants dès lors que les personnages qui la peuplent et les émotions qui la traversent s'organisent de manière à produire un ensemble tout à la fois sensible et harmonieux, aux effets profonds et durables. Dans le cas de Chappie, les éléments composants le long-métrage sont désarticulés. Les personnages - aussi ridiculement artificiels soit-ils - les connecteurs logiques, les sentiments, les évènements entrent en scène, puis ressortent, sans prendre le soin d'assurer la continuité et l'élévation de ses grands thèmes, passant d'une réflexion sur l'intelligence artificielle à une critique de la compétitivité sociale et salariale sans véritablement qu'aucune de ces pistes ne viennent densifier la lecture du film, bien trop occuper à jouer le jeu de la forme par laquelle le récit transite. Le réalisateur n'a pourtant pas son pareil pour faire éclore de jolies bourgeons mélancoliques, des trésors éphémères toutes produits par le robot titre, nouvel instantané des obsessions du réalisateur pour l'avenir de l'humanité, dont l'anthropomorphisme force l'assentiment. Mais lorsque cette fraicheur est balayé par des postures bruyantes comme les hurlements d'une scie à métaux (les références à RoboCop, les attitudes ronflantes des Die Antwoord), l'inélégance de la réalisation, et les vociférations musicales beugler du fin fond des boyaux du studio Remote Control par le maitre des lieux (Hans Zimmer) et deux de ses suppôts (Steve Mazzaro et Andrew Kawczynski), on oublie bien vite les rares, et donc précieuses, qualités que l'on avaient entrevu en Chappie. (2/5)

Critique : Chappie (2015)

Chappie (États-Unis, 2014). Durée : 1h54. Réalisation : Neill Blomkamp. Scénario : Neil Blomkamp, Terri Tatchell. Image : Trent Opaloch. Montage : Julian Clarke, Mark Goldblatt. Musique : Hans Zimmer, Steve Mazzaro, Andrew Kawczynski. Distribution : Sharlto Copley (Chappie), Dev Patel (Deon Wilson), Yolandi Visser (Yolandi), Ninja (Ninja), Jose Pablo Cantillo (Amerika), Hugh Jackman (Vincent Moore), Sigourney Weaver (Michelle Bradley).