Critique : Charlie Mortdecai (2015)

Charlie Mortdecai 1

Burne-out.

Le tableau s’assombrit pour Johnny Depp. Le travestissement ne paye plus. Ou plutôt si, il se paye, cash. Dead lock, il est, notre cher Jack Sparrow, titubant de peintures gris-voises en estampes vert-moulues, parvenant de moins en moins à haranguer les foules vers ses film-busters. Du haut de ses trente années de bons et loyaux services, il est donc devenu une pièce de musée poussiéreuse, une croute aux effets de plus en plus grandiloquents et patauds. Malheureusement, le cas Charlie Mortdecai dépose une nouvelle pierre à ce monument que l’on oserait dire mortuaire. Il vampirise le cadre, bien sûr, il est le centre du film qui porte son nom. Il en est même l’un des producteurs. Un feuillet de grimaces dans la poche de son veston, il gesticule, il s’agite, il nasille, envahissant l’espace scénique, quand bien même il lui faudrait réduire au silence physique la présence de ses partenaires à l’écran. Sur le papier, son olibrius est un original. Mais derrière la moustache, rien ne différencie réellement son jeu de tous ceux qui ont habillé les huluberlus qui l’ont précédé. La mécanique – voilà bien le problème, la mécanique – est rouillée, désincarnée. Elle ne parvient plus à dessiner sur nos visages ce sourire qui venait jadis les éclairer lorsque l’acteur apparaissait à l’écran. Ce lord anglais persifleur, contemporain de Jacques Clouseau, Austin Powers et Benny Hill, et loin d’être pourvu du même mojo que ces aïeux, ne restera donc pas dans les anales du septième art. Cependant, le comédien, barbouillant la pellicule de ses plus barbantes monomanies, n’est pas le seul et unique responsable de ce voyage aux confins de l’ennui. En effet, David Koepp, peintre américain pour lequel l’acteur avait déjà posé sur le sympathique Fenêtre Secrète, porte également en bonne partie l’échec du film sur ses épaules. Le maitre d’œuvre badigeonne ici sa toile de matières lubriques qui ne tracent rien de plus que ce qui se situe au dessous de la ceinture… sauf quand la situation exige une palpation mammaire auprès d’une nymphomane californienne. Une surpeinture vulgaire, accommodant vagin et testicule à toutes sortes de sauces, qui dissimule bien imparfaitement une trame narrative sans aucun intérêt, monotone – malgré le grossier effort de maquiller les transitions géographiques – et décousue, à l’image de cette décevante distribution dont les éclats ne percent uniquement par la délectable composition de Paul Bettany et la savoureuse apparition de Jeff Goldblum. Il n’y a donc bien que ces deux acteurs, les costumes et la musique rock-punk signée Geoff Zanelli et Mark Ronson qui soient hauts en couleur dans cette comédie d’espionnage monochrome. (1.5/5)

Charlie Mortdecai 2Mortdecai (États-Unis). Durée : 1h47. Réalisation : David Koepp. Scénario : Eric Aronson. Image : Florian Hoffmeister. Montage : Derek Ambrosi, Jill Savitt. Musique : Geoff Zanelli, Mark Ronson. Distribution : Johnny Depp (lord Charlie Mortdecai), Gwyneth Paltrow (Johanna Mortdecai), Ewan McGregor (l’agent Martland), Paul Bettany (Jock), Jonny Pasvolsky (Emil), Olivia Munn (Georgina Krampf), Michael Culkin (Sir Graham).