[Critique Cinéma] The Imitation Game

130464.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxxThe Imitation Game est un film de Morten Tyldum

Date de sortie : 28 janvier 2015

Casting : Benedict Cumberbatch, Keira Knightley, Matthew Goode, Mark Strong, Charles Dance

Synopsis : La vie du mathématicien Alan Turing, déchiffreur du code Enigma qui a eu des conséquences énormes sur la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

Alan Turing est probablement l’un des personnages ayant eu le plus d’influence sur la façon dont nous vivons actuellement, il est l’inventeur des Machines de Turing qui ont révolutionné notre civilisation et qui sont les ancêtres des ordinateurs. Rien que pour cela il méritait qu’un biopic lui soit consacré, bien plus qu’à Steve Jobs en tout cas, mais passons…

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Mais au-delà de ça l’histoire de Turing est incroyable. Mathématicien de génie, il est embauché par le Royaume-Uni pour trouver le moyen de casser le code Enigma qui crypte toutes les communications allemandes. Sa réussite va changer le cours de la guerre et son travail continu avec les équipes de cryptographes britanniques et américains va la raccourcir de plusieurs années, sauvant par là même des centaines de milliers de vies humaines et épargnant des souffrances à des populations entières. C’est à la fois l’un des plus grands héros de notre histoire, l’un des plus méconnus et l’un des plus maltraités. Son rôle dans la guerre a été occulté au nom du secret, son homosexualité a par contre été dévoilée au grand jour. Déchu de ses fonctions, humilié, il fut condamné pendant un an à la castration chimique qu’infligeaient les lois britanniques de l’époque pour ce « crime ». Cette condamnation lui ferme les portes de la recherche. Turing mourra d’un empoisonnement au cyanure quelques années plus tard, très probablement un suicide.

Le matériau de départ est donc excellent, dense, plein de drame, de grandes implications. Selon la règle il ne reste donc plus qu’une seule chose à faire à un biopic sur un personnage de cette envergure : tout foirer.

Et cela commence par la musique. Alexandre Desplat est le compositeur de musiques de films, encensé partout, il se rate ici dès l’entrée. Grandiloquente, pompeuse, guimauve, sa musique ne colle pas du tout à cette histoire d’un personnage renfermé, secret, discret. Elle donne l’impression de la musique d’un blockbuster collée sur un film qui n’a rien à voir.

Mais le réel problème du film c’est à la fois sa date de sortie et ses producteurs, sorti début 2015, produit par les frères Weinstein, c’est donc un film à Oscars, formaté pour gagner des statuettes, il sera donc lissé, les éléments gênants seront expurgés et le personnage principal sera le seul et unique point de focus. Cumberbatch DOIT gagner le prix, il doit donc tout faire.

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C’est donc lui qui est appelé alors que la guerre a démarré (dans la réalité Turing faisait partie d’une école spéciale de cryptographie lancée par le gouvernement anglais avant la guerre). Il a toutes les idées, ses collègues ne sont que des sous-fifres. Et il construit lui-même sa machine (et non pas l’équipe d’ingénieurs qui l’ont bâtie d’après ses plans). Il est seul, face à l’adversité et un vilain commandant qui juge ses travaux inutiles car n’ayant pas jusqu’ici montré leurs preuves, ce qui est encore complètement erroné, les polonais disposaient déjà d’une machine qui décryptait les codes d’Enigma avant la modification du codage par les allemands, les membres du projet et leurs supérieurs savaient que cela était possible.

Mais qu’importe, il faut une statuette, et pour cela il faut un acteur. Et heureusement Benedict Cumberbatch est à la hauteur du rôle. Son interprétation est excellente, il ne se contente pas de jouer un autre génie dérangé comme son Sherlock Holmes, c’est un autre personnage et il porte de fait le film sur ses épaules comme cela était entendu.

Le film est à la fois drôle, émouvant et pénible à regarder, il traîne un peu en longueur et la réalisation n’a rien d’exceptionnel. Le thème de l’acceptation des différences de chacun est rabâché inutilement et pourtant c’est l’histoire centrale qui aurait dû concerner ce thème, la condamnation de Turing pour son homosexualité, qui passe presque complètement à la trappe dans une fin donc j’aurais du mal à décrire à quel point elle m’a paru bête.

Turing humilié et poussé à la castration chimique nous est expédié en quelques minutes, réapparition de Keira Knightley qui lui explique qu’il est un héros et lui refait un speech sur la différence et le fait qu’un homme « normal » n’aurait pu accomplir ce qu’il a fait, Turing paraît rassuré, en paix, éteint ses lumières, nous revoyons l’équipe dans un moment de joie et de communion, un happy ending. Et puis c’est un bête carton sur fond noir qui nous annonce que oui, au fait, il s’est suicidé un an plus tard…