Critique B.O. : Interstellar

Interstellar BO 1

L’orgue des étoiles.

Matière noire, imposante, puissante, Hans Zimmer mange régulièrement du lion en constellation au point d’en réveiller Lazare de son sommeille de mort. Ainsi, après nous avoir collé une bien vilaine araignée à notre plafond (ne pas se souvenir The Amazing Spider-Man 2 fera du bien à nos mémoires), le compositeur prend la route des astres. À l’aveugle, il a navigué sur la mer interstellaire couchée par Christopher Nolan sans rien de plus dans son baluchon qu’un résumé très imprécis gribouillé sur une feuille volante et une montre, floquée de la maxime « this is no time for caution ». Bien que cette prudence soit mère de sûreté, Zimmer, comme oppressé par cette existence déclinante dans la cendre, s’empresse de tracer sur son clavier ses premières portées en pensant son reflet dans le miroir du minimalisme édifié par Pärt et Glass, orientant d’emblée sa partition vers une ambiance liturgique et saturnienne à base de piano et d’orgue. De manière extraordinaire, alors même qu’il ne possède aucune image et aucune trame narrative pour développer sa vision, il parvient à capter l’essence de ce voyage, proposant, grâce à cet belle instrumentalisation, un solide contre point à son approche scientifique, en plus de parvenir à illustrer le désir d’élévation qui émane du personnage principal. Mais au-delà des qualités pratiques présentées par ce score au sein du film, le résultat proposé par cet album nous permet de constater que, d’un point de vue esthétique, cette création se situe à des années-lumières de ces supernovas de basses et de synthés auxquels nos oreilles avaient été jusqu’alors endurcies. Cette édition (deux autres, beaucoup plus fournis en terme de contenu, sont à prévoir en ce mois de décembre, sans plus de détail concernant leur commercialisation sur le territoire français) révèle ainsi une odyssée spatiale essentiellement volontiers mélancolique (Message From Home) et tragique (Stay), et parsemée d’espace de terreurs (Mountains, Coward, Running Out) et d’inquiétantes beautés (I’m Going Home) rappelant Alien de Jerry Golsmith et Sphere d’Elliot Goldenthal. Enivrante, attirante, grandiose comme on ne pouvait à ce point l’imaginer au regard des derniers travaux livré par son monstrueux auteur, les formules et variations avancées sur cette nouvelle conquête n’en demeurent pas moins, après moult écoutes, un peu trop limitées, un peu trop étirées pour que cette œuvre musicale constitue un grand pas dans l’histoire du scoring spatial. (4/5)

Sortie Album : 18/11/2014. Sortie Film (France) : 05/11/2014. Édition : Sony Classical. Format : CD. Compositeur : Hans Zimmer. Durée : 71:38.

Interstellar BO 2