Critique : The Rover (2014)

The Rover 1

Résumé : Dans un futur indéterminé. Eric, un homme solitaire, traque sans relâche les hommes qui lui ont volé sa voiture.

Le souffre de la crise ne laisse dans son Outback que sang et poussière. Le craquèlement de la tôle, froissée par les rayons du soleil, devient, avec les détonations des armes à feu, le seul bruit de la chute d’une nation. Carbonisé, souillé, peuplé par de pathétiques carnassiers et de malheureux chiens errants, ce nouveau paysage australien évoque tout à la fois le parfum de pétrole de la dystopie routière de George Miller et le nihilisme barbare dessiné par l’écrivain Cormac McCarthy dans ses romans. Il y a quatre ans, David Michôd avait déjà constitué son nouveau règne animal, incarné par une dynastie de criminels dans le ténébreux Animal Kingdom. Désormais, son nouveau roi est un rover, un voyageur solitaire, un prétendu agriculteur qui a flingué sa vie, et avec elle, celle de sa femme et de son amant. Mutique et enragé, déterminé à retrouver les salauds qui lui ont fauché sa caisse, il ramasse sur sa route un de leurs frères d’arme, un jeune demeuré laissé pour mort dans les cendres d’une terre que la civilisation a cabossé. La barbe hirsute et le regard vide, l’ancienne folle du désert de Stephen Elliott a perdue toutes ses plumes dans son passage vers cette société crépusculaire. L’australien Guy Pearce entame ici nouveau tour de force scénique après avoir porté les rides d’un Charles Weyland rabougri et le costume d’un agent de la prohibition teigneux et efféminé. Sous l’oeil de son compatriote de cinéaste, ce violent nomade auquel il prête aujourd’hui ses traits lutte comme une bête, le canon entre les mains, pour être là, mais cherche finalement moins à survivre parmi les loups qu’à déceler, secrètement, une lueur de bon sens et de justice dans un monde qui en est totalement dépourvu. Semble t-il avoir trouvé, dans ce compagnon d’infortune asthénique, une bouée de sauvetage dans ce bourbier maladroitement militarisé. Mais il se refuse à s’y raccrocher. Parce qu’il n’y a plus d’espoir qui tienne. Parce que ce jeune homme n’incarne pas ce futur auquel il ne croit plus. Parce que "c’est déjà fini, depuis longtemps". C’est ainsi, dans ce trou noir, dans cette tourbe humaine pourrie jusqu’à la moelle que David Michôd et son co-scénariste, l’acteur Joel Edgerton, décide de nous mettre le nez sans toutefois jamais grossir les lignes d’un paysage post-cataclysmique. De cet enfer, de cette langueur aride déchirée par les sursauts industriels d’Antony Partos, seuls subsiste la brousse, les collines, et ces longs corridors de voitures zébrant l’espace, devenant le seul horizon à cette existence malade. (4/5)

The Rover 2

The Rover (Australie, 2014). Durée : 1h42. Réalisation : David Michôd. Scénario : David Michôd, Joel Edgerton. Image : Natasha Braier. Montage : Peter Sciberras. Musique : Antony Partos. Distribution : Guy Pearce (Eric), Robert Pattinson (Rey), Scoot McNairy (Henry), Susan Prior (Dorothy), David Field (Archie).