RoboCop

RoboCop. (réalisé par Paul Verhoeven)

Ghost in the shell.

Le thème du cyborg est vieux comme le cinéma. Pourtant, il reste de loin mon sujet favori. L'archétype du robot plus humain que les humains, vecteur de messages aussi intéressants que la déshumanisation et la décadence, fonctionne toujours sur moi. Et quand c'est un réalisateur aussi talentueux que Paul Verhoeven qui s'y colle on n'a plus grand chose à ajouter.

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Détroit est une ville gangrénée par le crime. Dans ce monde urbain poisseux et froid, la police est totalement dépassée. Chaque jour plusieurs officiers y laissent leur vie. Le maire a confié la direction de la sécurité à la multinationale OCP. Cette dernière souhaite rebâtir la ville mais sans ses criminels. Ils mettent donc en place le projet RoboCop... Mais ce dernier se révèle être plus cop que robot. Au grand dam de ses concepteurs.

Une peur contemporaine.

L'homme devient une machine... Cette crainte liée aux progrès de la technologie est le miroir d'une peur plus viscérale propre au XXe siècle: la hantise de la déshumanisation. Le développement du fordisme, l'urbanisation croissante condamnant à l'anonymat et ce progrès de la mécanisation font germer l'idée cynique du caractère profane de la vie (dans le sens d'insignifiant, par opposition au sacré). Et c'est la société de consommation qui cristallise cette dérive contemporaine. Mais nous reviendrons plus loin sur ce point. RoboCop se concentre sur cette idée et ne s'intéresse pas à la dérive technologique et au danger de l'automatisation. Même si l'on pourrait croire qu'il ressemble à Terminator (1984), sorti quatre ans plus tôt, de par son identité visuelle1 il se révèle en fait très différent. Pour schématiser, disons que chez Cameron l'androïde est méchant alors que RoboCop est le gentil. Le réalisateur du premier ne traite pas de la déshumanisation, il privilégie les dangers de la technologie, ou plutôt de sa mauvaise utilisation. Ils sont plus complémentaires qu'identiques.

L'agent Alex Murphy a été sacrifié. Sans son accord, il est ramené à la vie grâce à un exosquelette et un lavage de cerveau. De son existence passée, on ne sait pas grand chose mis à part son attachement à son fils. Lorsqu'il se réveille, il semble avoir perdu toute humanité. La longue séquence montrant ses efficaces arrestations mécaniques le prouvent. De plus, ses mouvements saccadés y ajoutent du poids. Pourtant, il y a bien un fantôme dans la machine. Et petit à petit, il récupère son identité (logique dans ce cas que le dernier mot prononcé dans le film soit son nom). La séquence se déroulant dans son ancienne maison est très émouvante. On y découvre en quelques scènes sa vie perdue. Le film est une critique acerbe de nos sociétés contemporaines qui ont perdu de vue l'importance de la vie.

États-Unis au vitriol.

D'un cynisme corrosif propre aux films de Verhoeven2, Robocop dresse un tableau peu reluisant des USA à la fin de la guerre froide. Le capitalisme et le libéralisme permettent à des multinationales corrompues d’acquérir un pouvoir considérable. Ici, l'OCP domine la ville (littéralement de par la taille du building) et veut la détruire, la purifier pour la recréer à son image. Une utopie au sens propre. La ville est débarrassée du Mal (les criminels) mais pour mener à bien ce fantasme sécuritaire on crée des machines (l'ED209), puis un cyborg (RoboCop) censés assurer la mission des hommes. Ainsi, la ville parfaite où l'Homme peut vivre paisiblement est dénuée de toute trace d'humanité. Il faut y être semblables (selon les critères de l'entreprise) et la moindre différence est anéantie. Les seuls à y avoir une place sont donc...des machines. La société occidentale et ses dérives comme conducteur du fascisme3C'est très intéressant et on comprend mieux le paradoxe qui cloue au sol RoboCop au sol dans le bureau du vice-président. Il doit endiguer le Mal (les trois directives reprenant les lois de la robotique d'Asimov) mais ne peut s'opposer à celui qui cause le plus de tort à la ville qu'il doit défendre (la directive 4 qui l'empêche de s'en prendre aux membres d'OCP). Le modèle occidental produit ce qu'il cherche à combattre et le sait parfaitement malgré les discours hypocrites. Un film engagé.

Sous ses airs de blockbuster d'action violent, RoboCop est en fait un bijou parfaitement réalisé par un Verhoeven inspiré. Il dresse un miroir aux sociétés occidentales, les montrant comme elles sont vraiment: hypocrites, égoïstes, faisant peu de cas de la vie humaine et profondément inégalitaires. Un grand bravo.


1/ Notamment dans les mouvements de l'ED209, le robot de combat de l'OCP qui rappelle ceux du T800 et par les prises de vue nocturnes de la ville, connotant un monde qui ne tourne plus très rond. Bien que de ce côté, le film de Verhoeven va plus loin et se rapproche plus du Batman de Burton.

2/ Je pense à Starship Troopers qui partage avec Robocop ces vidéos tirées de journaux télévisés dans lesquelles les journalistes évoquent des évènements dramatiques avec un détachement choquant, entre deux pubs totalement improbables.

3/ Du coup, on pense aussi au Dark Knightde Nolan. Batman y ressemblait plus à une machine qu'à un être humain (blessures, façon de se déplacer et de se battre) et il flirtait avec une conception de l'ordre proche du fascisme (son dispositif d'espionnage de la population entre autres). 


Les+ :

- Action.

- Réflexion.

- RoboCop a la classe.

Les- :

- J'attends des suggestions...

Note: 3