Border Line (2024) de Juan Sebastian Vasquez et Alejandro Rojas

Premier long métrage de deux vénézuéliens, Juan Sebastian Vasquez qui travaille essentiellement comme Directeur Photo notamment pour les films "Callback" (2016) et "Irrémédiable" (2020) tous deux de Carles Torras, mais aussi sur ses courts métrages dont le dernier en date "Breakfast" (2018), puis  "Probably Lied" (2015) co-écrit avec son collègue Alejandro Rojas, lui-même passé à la réalisation avec le court métrage "Inside" (2006). Les deux hommes ont imagné leur histoire d'après leur propre expérience lorsqu'il venait aux Etats-Unis, mais aussi des témoignages de leurs familles et amis. Les deux réalisateurs-scénaristes précisent : "... nous n'ignorons pas le contexte dans lequel nous racontons l'histoire. Le film est donc politique car le simple fait de choisir de raconter cette histoire l'est. Il parle des dynamiques de pouvoir, du harcèlement, des problèmes d'autorité, des endroits où vous pouvez soudain vous sentir extrêmement vulnérable selon vos origines, la méfiance que nourrissent certains envers vous selon ces mêmes origines. Border Line est absolument politique mais il ne pouvait pas être uniquement politique. Il était crucial que le spectateur soit impliqué émotionnellement."... 

Désirant s'installer aux Etats-Unis pour une nouvelle vie, Diego vénézuelien et Elena espagnole débarquent à l'aéroport de New-York. Mais lors du contrôle des passeports ils sont soumis à un interrogatoire. Si au départ cela paraissait comme un contrôle de routine les questions se font plus pressantes et plus précises. Diego et Elena commencent à ne plus comprendre la situation qui devient incontrôlable... Elena est jouée par Bruna Cusi vue dans "Hogar" (2020) des frères Pastor, "Les Mystères de Barcelone" (2020) de Lluis Danès, "The Replacement" (2022) de Oscar Aibar ou "Irrésistiblement" (2023) de Borja De La Vega, Diego est incarné par Alberto Ammann vu notamment dans "Cellule 211" (2009) de Daniel Monzon, "Eva" (2011) de Kike Maillo, "The Chase" (2013) de Daniel Calpasoro ou "Overdose" (2022) de Olivier Marchal. Les deux agents de la police aux frontières sont joués par Ben Temple vu dans "REC" (2007) de Paco Plaza et Jaume Balaguero, "A Perfect Day" (2016) de Fernando Leon De Aranoa, "Cold Skin" (2016) de Xavier Gens ou "Rifkin's Festival" (2022) de Woody Allen, puis par Laura Gomez vue dans "Suspicions" (2016) de Gee Malik Linton, "Maggie Black" (2017) de Stanley Brode et surtout populaire avec la série TV "Orange is the New Black" (2013-2019)... Lorsqu'on parle d'interrogatoire en France on pense forcément au grand classique "Garde à Vue" (1981) de Claude Miller, mais les films sur le passage douanier ou le contrôle à l'immigration reste très rare mais sur une relation de couple mixte en proie à un soucis d'immigration on peut citer récemment "Blue Bayou" (2021) de Justin Chon, tandis qu'au niveau huis clos stressant hyper réaliste dans le système américain on peut citer l'excellent "Reality" (2023) de Tina Satter, bien que ce soit dans un contexte différent. Les deux réalisateurs vénézueliens sèment au départ plusieurs indices ou infos sur un contexte géo-politique international toujours complexe mais d'actualité et on note le choix judicieux du couple à la mixité intéressante ; à savoir ni issu de pays trop problématiques et donc trop attendus (musulmans par exemple), ni composé de deux personnes aux cultures trop différentes (ils restent de langues espagnols et d'un lien colonial historique). 

Dès le départ on se dit donc que ce n'est pas la femme espagnole le problème, elle vient d'un pays démocratique sans soucis évident avec les Etats-Unis, alors que l'homme est du Venezuela une dictature socialiste logiquement louche pour un américain, accentué de surcroît par une angoisse palpable de l'homme avant même l'atterrissage à l'aéroport. Dès le début la mise en scène reste très proche des protagonistes, qui accentue l'effet anxiogène, les seuls plans larges s'arrêtent à la largeur des pièces. Comme dans  "Reality" (2023) on reste impressionné par le professionnalisme des autorités américaines, pros mais aussi à la politesse aussi froide et inhumaine que des robots qui impose un malaise d'autant plus perturbant et déstabilisant. C'est méthodique et mécanique de la façon de parler jusqu'au protocole, et on se dit qu'il est évidemment impossible de rester naturel dans l'action-réaction face à ce système et on comprend que c'est justement le but des agents américains. Au fil du récit, on s'attend au twist, il devient évident qu'il se cache quelque chose, l'homme est trop coupable, elle peut-être trop oie blanche jusqu'à cette fin plutôt inattendue et finalement particulièrement maline. Très bon point pour le casting, les quatre acteurs sont vraiment impeccables, d'une justesse toute en subtilité dans les petits variations psychologiques. Le plus gros défaut reste sans doute un huis clos qui aurait pu être encore plus forte en temps réel. Le film ne dure que 1h15, l'escale des deux passagers est de deux heures, il y avait moyen d'être encore plus dans le suspense/stress. Néanmoins le film reste une jolie démonstration d'une machine à broyer, ou pas ! Un bon moment cinoche.

Note :                 

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14/20