La jeune fille et la mort

Un grand merci à Tamasa Diffusion pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « La jeune fille et la mort » de Roman Polanski.

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« Vous venez de m’enseigner une leçon : en démocratie, les visites nocturnes peuvent être amicales ! »

Paulina Escobar, victime il y a quelques années de la dictature militaire de son pays, croit reconnaître la voix et le rire de son tortionnaire dans l’homme, le docteur Roberto Miranda, venu raccompagner son mari, un brillant avocat qui travaille sur les exactions passées, dans leur maison isolée en bord de mer.

« Elle est terminée l’époque où toi et ta bande vous profériez des menaces. Ici et maintenant, c’est moi qui commande ! »

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Fer de lance de la nouvelle vague du cinéma polonais avec son compère Jerzy Skolimowski, Roman Polanski défraie quelque peu la chronique dès son premier film, « Le couteau dans l’eau » (1962) qui, en dépit d’un vrai succès critique à l’international, lui vaut les inimitiés du régime polonais qui facilite dès lors son départ vers l’ouest. Mais après de brèves expériences en France (« Répulsion ») puis en Angleterre (« Cul-de-sac »), c’est à Hollywood qu’il s’impose réellement grâce à des films qui marquent leur époque (« Rosemary’s baby », « Le bal des vampires », « Chinatown »). Mais son ascension américaine est stoppée nette en raison de ses déboires avec la justice. Mais son retour forcé en Europe se révèle d’autant plus compliqué qu’il enchaine alors les revers commerciaux (« Tess », « Pirates », « Frantic », « Lunes de fiel »). C’est dans ce contexte qu’il choisit d’adapter à l’écran en 1994 la pièce du dramaturge argentin (et ancien conseiller culture du président Allende) Ariel Dorfman « La jeune fille et la mort ».

« Ce passé va nous tuer ! »

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Il n’est pas toujours aisé de vivre avec les fantômes de son passé. Dans un pays d’Amérique latine qui opère une fragile transition démocratique, un procureur très en vue fait une nuit la rencontre fortuite d’un médecin qui lui vient en aide après un banal accident routier. Mais contre toute attente, sa femme reconnait dans ce bon samaritain un nervi particulièrement sadique de l’ancien régime, coupable de lui avoir infligé quelques années plus tôt quelques séances de tortures aussi brutales que traumatisantes. Leur rencontre inattendue, dans un endroit reculé du pays, lui offre l’occasion inespérée d'inverser les rôles et de se venger dans le double but d’exorciser ses propres démons et de mettre son bourreau hors d’état de nuire. L’occasion pour le cinéaste d’interroger la morale, et plus particulièrement la notion de justice : une démocratie peut-elle sciemment et légitimement recourir à la même brutalité que le totalitarisme qu’elle combat ou doit-elle se résoudre à rester dans les clous de lois éclairées quitte à rendre une justice qui paraisse clémente aux yeux des victimes ? A l’évidence, le cinéaste trouve dans cette pièce le matériau idéal pour réaliser un thriller psychologique à huis clos véritablement haletant et qui interroge constamment la frontière ténue entre le Bien et le Mal. Surtout, il évoque le difficile chemin d’une nation traumatisée vers la réconciliation et la concorde nationale, qui passe aussi par un difficile travail de justice et de mémoire ; la démocratie ne pouvant se bâtir en reproduisant le système brutal des dictatures. Difficile d’ailleurs de ne pas penser que Polanski fait là un parallèle entre la situation du Chili post-Pinochet et celle de son pays d’origine, la Pologne postcommuniste. La seule ombre au tableau résidant dans la façon dont le cinéaste aborde la question du viol et du traumatisme engendré par celui-ci, sujet d’autant plus malvenu quand on connait les accusations qui pèsent contre lui. Il n’en demeure pas moins que « La jeune fille et la mort », bien porté par deux très grands acteurs très investis (Segourney Weaver et Ben Kingsley), reste un film très fin, très intense et d’une remarquable puissance, même son visionnage demeure par moment assez inconfortable.

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Le blu-ray : Le film est présenté dans un Master restauré 2K et proposé en version originale anglaise (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné de « La Jeune Fille et la Mort : Danse macabre » par Frédéric Mercier, Transfuge (46 min.) ainsi que d’une Bande-annonce.

Édité par Tamasa Diffusion, « La jeune fille et la mort » est disponible en combo blu-ray + DVD depuis le 23 mai 2023.

Le site de Tamasa Diffusion est ici. Sa page Facebook est ici.