LA BÊTE (Critique)

BÊTE (Critique)

BÊTE (Critique)

SYNOPSIS : Dans un futur proche où règne l'intelligence artificielle, les émotions humaines sont devenues une menace. Pour s'en débarrasser, Gabrielle doit purifier son ADN en replongeant dans ses vies antérieures. Elle y retrouve Louis, son grand amour. Mais une peur l'envahit, le pressentiment qu'une catastrophe se prépare.

Découvert en compétition lors du dernier festival de Venise, la nouvelle réalisation de Bertrand Bonello, La Bête débarque sur nos écrans pour un voyage envoûtant, intriguant et mystérieux. Librement inspiré de l'histoire d' Henry James, La Bête dans la jungle (en 1903), qui nous racontait l'histoire d'un homme paralysé par sa conviction que quelque chose de terrible était sur le point de lui arriver, une chose représentée par une bête invisible tapie dans une catastrophe future. Bonello a fait le choix d'inverser les protagonistes du livre pour raconter une histoire avec " une femme en son centre " et pour incarner cette femme il choisit sans hésitation Léa Seydoux qu'il avait déjà dirigée dans De la guerre (2008) et Saint-Laurent (2014) en tant que second rôle. Pour son premier film avec une femme en tête d'affiche le réalisateur ne voulait qu'elle : " J'ai très vite écrit le film pour elle, c'est la seule actrice française que je pouvais imaginer dans les 3 périodes, de par son coté à la fois très intemporel et très moderne, pour moi elle peut traverser les âges, c'est une actrice très mystérieuse, c'est-à-dire que même si elle donne beaucoup, il y a un moment où on ne sait pas ce qu'elle pense et ça, c'est fascinant pour la caméra ". A ses côtés, on devait retrouver Gaspard Ulliel, car le film avait été écrit initialement pour les deux comédiens mais Bonello dû retravailler sa copie suite à la tragédie qui a frappé l'acteur. Pour trouver son remplaçant, il ne voulait aucun autre acteur français, il est donc parti outre-Atlantique pour trouver George MacKay. Ce changement d'acteur impliquant qu'il retouche le scénario, notamment sur la période 1910.

BÊTE (Critique)
Le film est raconté au travers du point de vue de Gabrielle ( Léa Seydoux) alors qu'elle se rend compte qu'elle est tombée amoureuse de Louis ( George MacKay) à plusieurs reprises au cours de ses nombreuses existences. Comme vous l'avez compris La Bête se déroule sur trois époques bien distinctes dans lesquelles nos deux héros se réincarnent. La première époque prend place juste avant la grande inondation de Paris, lorsque la Seine déborda en 1910. Lors d'une somptueuse fête dans un manoir parisien, Gabrielle une brillante pianiste rencontre Louis, un admirateur beau et attentif qui lui rappelle qu'elle lui a un jour intimement avoué sa peur de la bête. Ils sont instantanément attirés l'un par l'autre, un lien qu'ils ressentent à chaque fois que le destin les réunit à nouveau. Leur relation naissante est d'autant plus transgressive que contrairement aux autres époques, Gabrielle est mariée à un riche fabricant de poupées. La seconde époque se situe également pendant une catastrophe, cette-fois c'est le tremblement de terre de 2014 aux États-Unis, Seydoux incarne (toujours) Gabrielle une mannequin qui auditionne pour devenir actrice, MacKay quant à lui incarne Louis, un " incel " de 30 ans qui arpente les rues en se filmant et faisant preuve d'une misogynie profonde. Aux antipodes de 1910 ils sont complètement différents avec une dynamique également opposée. Et pour finir, ont atterri en 2044 où on retrouve Léa Seydoux dans le rôle de Gabrielle qui accepte, que pour trouver un travail épanouissant, elle doive " purifier " son ADN en se débarrassant de ses souvenirs et de ses émotions en subissant une opération. Elle rencontre un jeune homme étrangement familier appelé Louis (joué par George MacKay) qui partage sa nervosité quant à savoir si c'est vraiment une bonne idée...

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Le but principal du film est bien de montrer trois époques où, selon Bonello les sentiments diffèrent largement : " En 1910 les sentiments sont très exprimés, beaucoup de choses passent par les mots, en 2014 ils sont refoulés, dû à l'époque et un mélange entre l'ultra connexion et la solitude, les sentiments sont refoulés en 2044 ils sont totalement supprimés, c'est la ligne directrice que je souhaitais suivre" . Le moins que l'on puisse dire c'est que Bonello a respecté ses paroles. En 1910 il nous offre une histoire, une authenticité et une intimité qui peuvent expliquer pourquoi ils se sentent si attirés l'un vers l'autre. C'est presque comme s'ils étaient des amants maudits, son mariage avec un autre homme étant le tabou qui existe entre leur alchimie évidente. La partie située en 2014 est la plus conséquente du film, après un premier acte plein de sentiments, où nos deux protagonistes se cherchent mutuellement, on découvre ici deux personnes que tout oppose. Gabrielle passe son temps à passer des castings sur fond vert, tout en menant une vie solitaire. Quant à Louis il est dans un état de colère constante. Son personnage de sociopathe est directement inspiré du tueur de masse Elliot Rodger, qui a assassiné six personnes en 2014. Dramatiquement cette partie ressemble à Coma (2022), elle témoigne également de la capacité que possède Bonello à basculer entre les genres, passant d'un drame à une satire d'horreur. Il prend plaisir dans ses effets " lynchien " avec ses scènes de Los Angeles aux faux airs de Mulholland Drive.

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En 2044, le monde est terrifiant, dépouillé d'émotion et d'humanité, le désir de Gabrielle de ressentir à nouveau des émotions est présenté comme une rébellion contre l'intelligence artificielle, une dystopie où tout le monde s'habille de couleurs ternes et ne sait que simuler du plaisir. Léa Seydoux livre ici une performance vraiment engagée, Bonello gardant parfoisle cadre de Josée Deshaies presque fixé sur son visage afin de faire le plein d'émotion. Georges MacKay est très impressionnant et convaincant par sa malléabilité, que ce soit en gentleman fringant, en sociopathe d'une froideur extrême, ou en parfait innocent. On note également la bonne performance de Guslagie Malanda qui incarne une poupée humanoïde. Pour sa première incursion dans la science-fiction, le cinéaste français explore l'idée de la technologie et de la peur, il joue avec le déjà vu et nous offre un film scindé en trois parties quelques peu déséquilibrées, l'histoire d'amour centrale ne fonctionne pas dans toutes les périodes (surtout la 2ème), ce qui rend le scénario un peu fastidieux. Mais malgré ce petit accro, on obtient un film radical, romantique et délicieusement étrange. Audacieux, La Bête ne constitue peut-être pas une critique convaincante ou approfondie de toutes les idées qu'elle évoque, mais c'est une expérience cinématographique luxueuse, avec des visuels forts intéressants. Ce film de science-fiction ambitieux et intellectuel pourrait effrayer le public, il invite à la réflexion critique et peut prendre un certain temps à être pleinement compris.

BÊTE (Critique)

Titre original: LA BÊTE

Réalisé par: Bertrand Bonello

Casting: Léa Seydoux, George MacKay, Guslagie Malanda...

Genre: Drame, Romance, Science fiction

Sortie le: 07 Février 2024

Distribué par : Ad Vitam

BÊTE (Critique)EXCELLENT