Colère noire

Un grand merci à Éléphant Films pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Colère noire » de Fernando Di Leo.

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« Pourquoi garderaient-ils un enfant qui ne vaut rien du tout ? »

Deux enfants sont enlevés à la sortie de l’école. L’un est fils d’un riche promoteur, l’autre celui d’un simple garagiste. Après une demande de rançon de 10 milliards de lires, les kidnappeurs décident d'exécuter le fils du garagiste. Fou de douleur, la vengeance de son père sera terrible…

« Si la merde avait de la valeur, les pauvres gens naitraient sans cul ! »

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Scénariste au talent reconnu, Fernando Di Leo participe d’abord à l’écriture de quelques-unes des plus belles pages du western italien (« Pour une poignée de dollars » et « Et pour quelques dollars de plus » de Sergio Leone, « Navajo Joe » de Sergio Corbucci, « Le retour de Ringo » de Duccio Tessari, « Le temps du massacre » de Lucio Fulci) avant de passer à son tour derrière la caméra où il s’imposera comme l’un des fers de lance du poliziottesco, nom donné au néo-polar italien des années 70. Un sous-genre du cinéma bis alors en vogue, marqué par une violence exacerbée et un goût prononcé pour la provocation et la démagogie (en posant notamment la question de la corruption et du recours légitime à la violence pour la combattre), et qui sert d’exutoire au public dans le contexte spécifiquement tendu des années de plomb. Remarqué pour sa « trilogie du milieu » (« Milan calibre 9 », « Passeport pour deux tueurs », « Le boss »), il poursuit ainsi son exploration du genre tout au long des années 70 avec plus ou moins de réussite (« Salut les pourris ! », « Ursula l’anti-gang », « Mister Scarface ») jusqu’à l’essoufflement du genre au début des années 80.

« Moi à la place du père je ferais un carnage ! »

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En 1976, il imagine ainsi un polar prenant pour point de départ le rapt de deux enfants par un groupe lié à la mafia : l’un d’eux est le fils d’un riche et puissant industriel (joué par le grand James Mason qui s’offre ici une lucrative pige) à qui l’on veut soustraire quelques millions de lires, l’autre est le fils d’un modeste garagiste, victime collatérale et sans importance de cet acte crapuleux. Reprenant à son compte le vieil adage « selon que vous soyez puissant ou misérable », la mafia fera le choix d’assassiner le fils du prolétaire pour mettre la pression sur l’industriel, et le décider – enfin – à payer sans négocier la rançon pour son fils. Ce qui donnera lieu à la croisade vengeresse du père de la pauvre et innocente victime. L’occasion – une nouvelle fois ! – pour le cinéaste de brocarder la dégénérescence d’une société italienne totalement inégalitaire (immense fossé entre les très riches et les prolétaires, condescendance des premiers à l’égard des seconds) et gangrénée par la corruption et la cupidité qui pousse à toutes les immoralités (en cela, les kidnappeurs et le riche industriel, tous plus intéressés par l’argent que par la valeur d’une vie humaine, se valent bien). Avec, au milieu de tout cela une police et un système judiciaire systématiquement en retard et totalement impuissants. Incarné par le français Luc Meranda, le héros est ainsi, à sa manière, une sorte de pendant italien du « Justicier dans la ville », à savoir un citoyen ordinaire écœuré et désabusé, qui décide de prendre les choses lui-même en main pour se faire vengeance et nettoyer la cité de ses criminels qui se pensent intouchables. Ce qui donne lieu à quelques scènes d’action aussi jouissives qu’efficaces (le conseil d'administration!). Mais, comme toujours, les limites de l’exercice du vigilante movie résident dans son amoralité revendiquée (usage de la violence pour vaincre la violence, volonté de légitimer le recours à l’auto-justice). Toutefois, pris pour ce qu’il, c’est-à-dire une série b assumée, « Colère noire » se révèle être un polar sombre et musclé, à la fois très efficace et très plaisant.

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Le blu-ray : Le film est présenté dans un Master Haute-Définition et proposé en versions italienne, française et anglaise (toutes 2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné d’une présentation par Gérald Duchaussoy et Romain Vandestichele (2023, 24 min.), de « Villes violentes : L’Autre trilogie de Fernando Di Leo » : documentaire (2005, 27 min.) et d’une Bande-annonce.

Édité par Éléphant Films, « Colère noire » est disponible en combo (Boîtier métal Futurepak limité à 500 exemplaires) blu-ray + DVD + livret « Les Années de plomb - Volume 1 » rédigé par Alain Petit (24 pages), ainsi qu’en édition DVD simple depuis le 22 août 2023.

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