Entre les Lignes (2023) de Eva Husson

Nouveau et troisième long métrage de la réalisatrice française Eva Husson après "Bang Gang" (2015) et "Les Filles du Soleil" (2018) dont l'idée lui a été soufflée par sa productrice Elizabeth Karlsen ("Byzantium" en 2014 de Neil Jordan, "Carol" en 2016 de Todd Haynes ou "Vivre" en 2022 de Oliver Hermanus), qui lui a fait lire un scénario de Alice Birch qui a auparavant signé les films "The Young Lady" (2016) de William Oldroyd et "The Wonder" (2022) de Sebastian Lelio : "Je ne me suis jamais sentie aussi à l'aise avec le script d'un autre scénariste. Voilà que celui-ci semblait me murmurer à l'oreille. C'était la somme de tout ce qui me fascine dans la vie : l'écriture, le sexe et le cinéma. L'occasion de porter au grand écran l'histoire d'une écrivaine digne de Doris Lessing. D'explorer la fragilité et le pouvoir du sexe, de l'amour, leur impact sur la créativité d'une artiste. Et le faire au sein d'une sorte du triumvirat sacré composé de l'écriture impeccable d'Alice Birch, du charisme naturel d'Elizabeth Karlsen, et de moi-même, était un privilège. Ce qui m'a le plus enthouiasmée, c'est que le fil existait déjà et vivait sur ces pages - j'ai terminé le script en larmes." Il s'agit en fait d'une adaptation du roman "le Dimanche des Mères" (2016) de Graham Swift, auteur déjà porté à l'écran dont la première fois avec le film "Waterland" (1992) de Stephen Gyllenhaal qui était justement produit par Elizabeth Karlsen...  

Entre les Lignes (2023) de Eva Husson

Angleterre, 1924, Jane est femme de chambre dans une famille d'aristocrates. Bientôt, Jane entame secrètement une liaison avec Paul, le fils du propriétaire voisin. Malheureusement, Jane sait que leur histoire d'amour n'a pas d'avenir, leur différence de niveau social est un frein qui devient effectif quand Paul doit se marier. Jane se raccroche à ses étreintes dérobées avec son amant, des instants intimes et charnels qui nourrissent bientôt sa plume d'écrivaine... Jane est incarnée par la jeune Odessa Young aperçue dans "Looking for Grace" (2015) de Sue Brooks, remarquée dans "Assassination Nation" (2018) de Sam Levinson et vue dans "Shirley" (2020) de Josephine Decker. Son amant est interprété par Josh O'Connor révélé dans "The Riot Club" (2014) de Lone Scherfig, vu dans "The Program" (2015) et "Florence Foster Jenkins" (2016) tous deux de Stephen Frears ainsi que dans "Emma" (2020) de Autumn de Wilde. Les parents de ce dernier sont joués par Olivia Colman vue dans "La Favorite" (2018) de Yorgos Lanthimos ou "The Father" (2020) de Florian Zeller et retrouve après "Empire of Light" (2023) de Sam Mendes son partenaire Colin Firth vu dans "1917" (2019) de Sam Mendes ou "La Ruse" (2022) de John Madden. Citons encore Sope Dirisu vu dans "Criminal" (2016) de Ariel Vromen, "Le Chasseur et la Reine des Glaces" (2016) de Cédric Nicolas-Troyan et "La Colonie" (2021) de Tim Fehlbaum, Emma D'Arcy aperçue dans "Miss Revolution" (2020) de Philippa Lowthorpe et surtout remarquée dans la série TV "House of the Dragon" (2022-...), puis enfin n'oublions pas Jane, l'héroïne âgée incarnée par Glenda Jackson, qui n'avait plus tourné depuis "King of the Wind" (1989) de Peter Duffell, star avec des films comme "Love" (1969) de Ken Russell, "Marie Stuart Reine d'Ecosse" (1971) de Charles Jarrott ou "Health" (1980) de Robert Altman, devenue ensuite députée britannique de 1992 à 2015 et qui revient donc sur les planches et sur grand écran... Notons que la cinéaste a opté pour un récit non-linéaire, passant du présent au futur de façon aléatoire qui correspond au roman sans pour autant reprendre la même structure temporelle comme elle l'explique : "Il m'a semblé évident que la structure ne pouvait pas être complètement chronologique. Ce n'était pas ce que j'avais ressenti en le lisant. J'étais intéressé par les différentes façons dont on se déplace dans le temps au travers d'une image ou d'un mot, et par ce qui peut évoquer un souvenir." Sur ce point on n'est pas forcément d'accord, d'abord parce qu'on constate que la liaison alors qu'elle est jeune domestique avec le fils de famille n'est qu'une étape, et ça crée un décalage puisque le film raconte d'autres choses, d'autres événements.

Entre les Lignes (2023) de Eva Husson

Alors que la bande-annonce et la promo promet une liaison passionnelle entre un aristo et une domestique avec toutes les conséquences sociales qu'on imagine il s'avère qu'il y a bien d'autres éléments qui paraissent tout aussi importants dans le récit et la dramaturgie générale mais qui sont étonnamment traités de façon secondaire. Outre les 4 époques différentes on est assez déçu de la partie écriture, la jeune autrice est rarement la plume à la main et le processus d'inspiration autour de l'écriture est omise. On rappelle que la réalisatrice-scénariste a déclaré : "D'explorer la fragilité et le pouvoir du sexe, de l'amour, leur impact sur la créativité d'une artiste." Mais on ne voit jamais la fragilité du sexe, le pouvoir encore moins puisqu'il n'y est jamais question de pouvoir, et la créativité de l'artiste n'est jamais vraiment abordée. Le sexe est tout aussi décevant. L'érotisme se résume à admirer le corps nu de Jane/Odessa Young déambuler, point. Les scènes d'amour sont rares et prudes, comme disait un certain Mallarmé "La chair est triste, hélas..." C'est une sorte de film qui n'a nullement la densité ou le réalisme d'un James Ivory, ni la classe visuelle d'un John Wright, ni l'audace érotique d'un David Hamilton, bref on s'ennuie. La mise en scène forcée, avec la sensation d'avoir été filmé au ralenti tandis qu'on attend toujours le rapport entre les passions de Jane et son envie d'écrire. Finalement un film quasi hors sujet ou en tous cas avec un scénario jamais probant malgré une jeune actrice prometteuse et un couple Firth-Colman en mode cacheton.

Note :                 

Entre Lignes (2023) HussonEntre Lignes (2023) Husson

10/20