Mon pays imaginaire

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à Pyramide Vidéo pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Mon pays imaginaire » de Patricio Guzman.

« Quand tu voudras filmer un incendie, il faudra être à l’endroit où surgira la première flamme »

Octobre 2019, une révolution inattendue, une explosion sociale. Un million et demi de personnes ont manifesté dans les rues de Santiago pour plus de démocratie, une vie plus digne, une meilleure éducation, un meilleur système de santé et une nouvelle Constitution. Le Chili avait retrouvé sa mémoire. L’événement que j’attendais depuis mes luttes étudiantes de 1973 se concrétisait enfin.

« Parce que je suis chilien, voir des militaires dans la rue me rappelle le coup d’état »

Ex-disciple du grand Chris Marker, le documentariste chilien Patricio Guzman s’est forgé une réputation internationale en filmant inlassablement les évolutions politiques et sociales de son pays depuis plus de cinq décennies. Un travail entamé au début des années 70, dans l’euphorie et l’espoir suscités par l’élection à la présidence de Salvador Allende (« La première année », 1972). Le renversement brutal du régime par le coup d’état du Général Pinochet n’affaiblira en rien (bien au contraire !) la fougue du cinéaste qui continuera d’œuvrer pour dénoncer la violence de sa dictature (« La bataille du Chili », « Le cas Pinochet », « Nostalgie de la lumière »).

« Il y a des flammes qui consument et des flammes qui nourrissent »

A quatre-vingt ans passés, Guzman nous revient donc avec un nouveau sujet, « Mon pays imaginaire », un documentaire centré sur le Chili des années 2020. Et si Pinochet n’est plus là, son fantôme n’est jamais très loin et semble encore planer tel un traumatisme sur une société encore loin d’être pacifiée. Il faut dire que trente-cinq ans après la chute de la dictature, les inégalités sociales perdurent, tout comme la brutalité des répressions policières. Et il suffira d’un évènement a priori aussi banal que l’augmentation du prix du ticket de métro à Santiago pour que cela déclenche une fronde sociale sans précédent dans tout le pays. Avec son lot de grèves, de manifestations gigantesques, et d’initiatives civiques, qui aboutira à une révision de la constitution confiée à une assemblée constituante populaire. En s’appuyant sur le témoignage de plusieurs chiliennes de toutes classes sociales ayant participé ou soutenu ce mouvement, Guzman tente de capter le souffle de ce nouvel espoir qui traverse le pays, en permettant de lever le voile sur des problématiques jusque là tabou (la pauvreté, l’accès aux soins et aux études pour tous, le droit à l’avortement et la liberté sexuelle des femmes, les droits des personnes LGBT…). Comme si, quelque part, le peuple chilien reprenait le flambeau de son destin qu’il avait été contraint d’abandonner en 1973. Et de fait, il se dégage de ce documentaire une belle énergie communicative, faite d’enthousiasme et d’espoirs de changements et d’amélioration. Et tant pis si au final la nouvelle constitution sera rejetée par les urnes en 2022, entrainant une défaite du camp du jeune président de gauche Gabriel Boric. De façon assez platonicienne, Guzman nous rappelle là l’essentiel : rien ne saurait empêcher un peuple de prendre son destin en main pour tendre à plus de justice et au bonheur. Et rien, pas même des années de violence, ne saurait éteindre la flamme de sa colère. Un documentaire parfois un peu bavard, mais qui se révèle au final fort et plutôt enthousiasmant.

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Le DVD : Le film est présenté en version originale espagnole (5.1 et 2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné de deux modules « Place Baquedano » (15 min.) et « L’Assemblée constituante » (13 min.), ainsi que du Court métrage : « Mi país imaginario » (15 min.).

Édité par Pyramide Vidéo, « Mon pays imaginaire » est disponible en DVD depuis le 2 mai 2023.

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