Trois jours à vivre

Un grand merci à Pathé pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Trois jours à vivre » de Gilles Grangier.

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« Je préfère encore être le dernier à Paris que le premier à Rouen »

Simon Belin est un comédien ambitieux dans une troupe de théâtre itinérante, mais toujours relégué aux seconds rôles. Un soir, il est témoin d’un meurtre. En identifiant le premier suspect qu’on lui présente, Lino Ferrari, il voit là une opportunité pour briller et être sous le feu des projecteurs. Mais ce dernier s’échappe de prison et prévient Simon : il ne lui reste que trois jours à vivre.

« C’est commode le talent mais ça n’excuse ni les lâchetés ni la muflerie »

Trois_jours_à_vivre_Daniel_Gelin

Au départ, Gilles Grangier se rêvait acteur. Mais si au final il ne réussit jamais à faire mieux que de la figuration, son obstination aura tout de même du bon. En effet, à défaut de briller devant les caméras, il finira par se faire embaucher comme régisseur de plateau, ce qui lui permettra de se familiariser avec l’envers technique du décor et de tisser des relations qui lui permettront progressivement de devenir assistant réalisateur, puis réalisateur à compter du milieu des années 40. Cinéaste prolifique, il touchera un peu à tous les registres, du drame (« Gas-oil », « Le sang à la tête ») au film de gangsters (« Le rouge est mis », « Le cave se rebiffe ») en passant par la comédie (« Le gentleman d’Epsom », « La cuisine au beurre »). Et restera célèbre pour ses collaborations prestigieuses et suivies, notamment avec Jean Gabin qu’il dirige pas moins d’une douzaine de fois (et pas des moindres, avec « La vierge du Rhin », « Maigret voit rouge », « Archimède le clochard », ou encore l’excellent « Les vieux de la vieille ») et à qui il présente le scénariste Michel Audiard.

« La lassitude doit être une maladie contagieuse. Je t’ai longtemps admiré à la ville comme à la scène. Je t’admire toujours, mais seulement à la scène »

Trois_jours_à_vivre_Lino_Ventura

En cette fin des années 50, Gilles Grangier délaisse un peu les mélodrames sociaux et signe coup sur coup plusieurs films policiers formellement très inspirés par les films noirs américains qui étaient en vogue dix ans plus tôt. C’est ainsi qu’après le très bon « Meurtre à Montmartre » (1957) et avant « Echec au porteur » (1958) ou encore « 125 rue Montmartre » (1959), il signe « Trois jours à vivre » d’après un roman de Peter Vanett paru au sein de la Série Noire. Soit l’histoire e Simon Belin, un acteur un peu terne courant le cachet qui se retrouve malgré lui témoin d’un meurtre, postulat qui servira de point de départ à un thriller faustien. En effet, grisé par le jeu des médias et l’opportunité de se retrouver enfin sous le feu des projecteurs, ce dernier n’aura aucun scrupule à accuser à tort un dangereux gangster, bien décidé à se venger de cette accusation calomnieuse. Grangier nous propose ainsi un film noir original en ce qu’il joue sur deux niveaux de réalité, à savoir la vie ordinaire et la scène. Deux univers parallèles, qui représentent les deux facettes antagonistes du héros, qui se rêve brave et plein de panache sur scène alors qu’il demeure passif et couard à la ville. Mais si le succès est au rendez-vous (tant sur le plan professionnel que sur le plan sentimental, domaines où il se retrouve auréolé d’une aura inespérée), la fatalité rattrape toujours les imposteurs qui ne peuvent décemment pas échapper à leur destin. Et à mesure que la menace mortelle se rapproche, Belin se fera fuyant, inconsistant, faisant montre de toute sa lâcheté, s’en remettant à sa compagne pour tenter de sauver sa peau. Le cinéaste nous offre là un thriller étonnant, porté par un antihéros inhabituel et assez peu attachant (du fait de son caractère fragile et pleutre) et qui fait, par ricochet, la part belle à un personnage féminin fort et sacrificiel (formidable Jeanne Moreau). En creux, le film porte aussi une regard mordant sur le monde du spectacle opportuniste, plus prompt à faire fructifier le scandale que le véritable talent. Un film étonnement marquant en dépit d’un scénario parfois un peu laborieux.

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Le DVD : Le film est présenté en version restaurée 4k et proposée en version originale française (2.0) ainsi qu’en audiodescription. Des sous-titres français pour malentendants et anglais sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné de « Trois jours à vivre : entretiens autour du film avec Jean Ollé-Laprune et François Guérif » (2023, 26 min.).

Édité par Pathé, « Trois jours à vivre » est disponible en combo blu-ray + DVD édition limitée depuis le 26 avril 2023.

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