[CRITIQUE] : Marinette

[CRITIQUE] : Marinette
Réalisatrice : Virginie Verrier
Avec : Garance Marillier, Emilie Dequenne, Fred Testot, Sylvie Testud, …
Distributeur : The Jokers / Les Bookmakers
Budget : -
Genre : Biopic
Nationalité : Français
Durée : 1h35min
Synopsis :
Marinette Pichon a le foot dans la peau dès son plus jeune âge. Élevée par une mère courageuse qui doit faire face à un mari violent, elle surmonte les difficultés et se forge une détermination sans faille. Alors qu’elle mène de front petits boulots et carrière sportive, elle est sélectionnée en équipe de France puis repérée par un grand club américain. Marinette débarque alors avec sa mère aux Etats-Unis, poursuivant le rêve de devenir la meilleure joueuse du monde.
Adaptation de la biographie « Ne jamais rien lacher » parue aux éditions FIRST en 2018.
Critique :

Hagiographique jusqu’au bout des ongles (le film ne s’en cache pas), #Marinette n’a de cesse de mettre en lumière la pugnacité, la résilience, le talent de Marinette Pichon, même s'il frise le ridicule dans les séquences de rivalité féminine manichéenne. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/lv0L5mNwqX

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) June 5, 2023

C’est l’éternel rengaine. Les femmes ne savent pas jouer au football. Le football féminin est mou et peu passionnant. Pourtant, lors de la dernière Coupe du Monde en 2019, celui-ci avait battu tous les records d'audience, devenant ainsi un « véritable phénomène culturel » pour citer Gianni Infantino, le président de la FIFA. Mais voilà, derrière cette toute nouvelle vitrine sportive se cache la réalité : les footballeuses françaises n’ont toujours pas le statut professionnel. En 2019, on comptabilisait quatre-vingt six joueuses en D1 qui pouvaient vivre du football. En 2007 déjà, au moment de prendre sa retraite, Marinette Pichon, joueuse internationale de football, dénonçait l’hypocrisie de la fédération et les limites d’un système dans lequel les membres de l’équipe de France sont incapables de rivaliser avec d’autres équipes qui détiennent un statut professionnel, avec les avantages (salariales et logistiques) qui vont avec. Recordwoman de buts jusqu’en 2020, Marinette Pichon fait figure de précurseuse dans le monde du football, tant au niveau professionnel (première femme française a obtenir un contrat professionnel… aux États-Unis) qu’au niveau politique (elle milite avec acharnement pour la professionnalisation des joueuses et dénonce les discriminations dans le sport).

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Si le sport fait rêver au cinéma, il est l’apanage des hommes. On a sué avec Rocky, on a décortiqué les vies incroyables de véritables sportifs. Ces dernières années, les sportives font leur apparition à l’écran. On pense à Olga de Elie Grappe et Nadia Butterfly de Pascal Plante pour la fiction. Aux Sorcières de l’Orient de Julien Faraut pour le documentaire. Marinette, le biopic consacré à la joueuse française, vient combler un vide criant. Un coup de projecteur inespéré sur le parcours hors-norme de Marinette Pichon et sur le football féminin en général.
Un seul regard et c’est le coup de foudre. Petite Marinette, ballerine aux pieds et robe chasuble contraignante, voit des garçons de son âge jouer au foot. La passion est née. Issue d’une famille précaire, avec un père alcoolique et violent, Marinette y voit peut-être un moyen de s’évader. Virginie Verrier la filme comme une véritable battante qui, peu à peu, se fait une place au sein de ce monde exclusivement masculin. Son talent y est pour beaucoup. Virtuose du ballon, Marinette se déplace avec aisance sur le terrain. Deux actrices se succèdent pour l’interpréter avant de laisser la place à Garance Marillier. L’actrice se donne corps et âme pour se glisser dans la peau de cette femme qui doit continuellement se battre pour vivre sa passion. Elle se bat contre la vision des garçons sur les footballeuses, puis contre la rivalité féminine et enfin contre son propre passé, avant de s’attaquer à l’institution toute entière. Une vie de combat qui force le respect et l’admiration. La réalisatrice n’a de cesse de mettre en lumière sa pugnacité, sa résilience, son talent. Marinette est un film qui se veut lumineux et plein d’espoir pour la suite.

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Hélas, si l’on suit les péripéties de la joueuse d’un œil bienveillant et compatissant, le film en lui-même n’est pas très réjouissant. La faute à des choix étranges de mise en scène pour faire figurer la vie intime de l’héroïne et ses exploits à l’écran (on pense notamment à une scène bien précise, où l’équipe de Marinette gagne mais où l’on entend, en voix-off, la condamnation de justice de son père). Les flash-back incessant n’aident pas à créer du rythme, au contraire ils alourdissent la narration en imposant un contexte familial compliqué déjà présent et compréhensible (avez-t-on besoin de voir, au bout d’une heure de film, le père dégonfler le ballon de foot de sa petite fille pour comprendre qu’il n’a jamais été en phase avec son choix de carrière ?). Hagiographique jusqu’au bout des ongles (le film ne s’en cache pas), Marinette frise le ridicule dans les séquences de rivalité féminine manichéenne où les coéquipières du personnage sont cruelles sans jamais montrer les dessous et les enjeux de la compétition au sein de la sélection de l’équipe féminine française. Ce manque de nuance, dans un film qui a la volonté de dénoncer le monde impitoyable du football féminin, a de quoi interpeller.
Si on peut se féliciter de voir apparaître sur nos écrans une sportive française exceptionnelle, dans un film qui se veut populaire et accessible à tou⋅tes, était-il obligé de se calquer sur une forme de biopic des plus conventionnelles, comme les (mauvais) films à propos de figures masculines ? Le débat est ouvert.
Laura Enjolvy
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