[CRITIQUE] : La Chimère

[CRITIQUE] : La ChimèreRéalisatrice : Alice Rohrwacher
Acteurs : Josh O'Connor, Carol Duarte, Isabella Rossellini,...
Distributeur : Ad Vitam
Budget : -
Genre : Comédie Dramatique, Comédie Drame.
Nationalité : Italien, Suisse, Français.
Durée : 2h10min
Synopsis :
Ce film est présenté en Compétition au Festival de Cannes 2023.
Chacun poursuit sa chimère sans jamais parvenir à la saisir. Pour certains, c'est un rêve d’argent facile, pour d'autres la quête d’un amour passé… De retour dans sa petite ville du bord de la mer Tyrrhénienne, Arthur retrouve sa bande de Tombaroli, des pilleurs de tombes étrusques et de merveilles archéologiques. Arthur a un don qu’il met au service de ses amis brigands : il ressent le vide. Le vide de la terre dans laquelle se trouvent les vestiges d’un monde passé. Le même vide qu’a laissé en lui le souvenir de son amour perdu, Beniamina.

Critique :

Défiant toute idée de narration normative en faisant exister réalité et fantaisie de façon synchrone, s'accrochant désespérément à un passé écrasé par la dureté du temps, #LaChimère incarne un beau poème sur la vulnérabilité de l'humanité et la nature dévastatrice du consumérisme pic.twitter.com/KXXsweeUpx

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) June 4, 2023

Il y a comme une belle boucle bouclée, au-delà de la simple anecdote, dans le fait qu'Isabella Rossellini vienne tourner devant la caméra du nouveau long-métrage d'Alice Rohrwacher, alors même qu'elle prend pour cadre une Rome qui a rarement été autant mise en valeur que par Roberto Rossellini - et Federico Fellini
Passé ce chouette (oui) clin d'œil, c'est définitivement sous l'ombre de Pasolini que se réfugie merveilleusement La Chimère, troisième opus de la trilogie du passé initié par la cinéaste, définitivement le plus volubile et romanesque de Rohrwacher, et paradoxalement, sans doute, le plus imprévisible ayant fait son trou au sein de la compétition officielle cannoise.
Constamment à la lisière du lyrique, de la métaphore et du fantastique bien qu'il soit solidement ancré dans un réalisme palpable, cloué aux basques d'un jeune homme romantique qui n'a jamais fait le deuil de son amour perdu, dont les compétences pour localiser les trésors enfouis - il sent littéralement " le vide " - sont mises au service d'une bande de pilleurs de tombes étrusques, flanqués dans une ville au bord de la mer Tyrrhénienne.

[CRITIQUE] : La Chimère

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Incarnation sur pellicule d'un cinéma libre (et encore une fois très Pasolinien dans sa définition du libertaire), qui fait justement se percuter, autant que la vie et la mort, les cinémas d'hier et d'aujourd'hui, sublimant les parcours brisées de personnages déclassés et marginaux, ruines vivantes d'un monde lui-même en décomposition, qui survivent parmi les déchets périphériques des villes sans pour autant renoncer à toute idée de vitalité, de joie et d'inventivité pour survivre en pleine misère; La Chimère arpente le territoire du mythe et d'une culture méditerranéenne oubliée pour mieux signer une radiographie rugueuse et cruelle de la société italienne contemporaine.
Sensiblement sous influences, défiant toute idée de narration normative en faisant exister réalité et fantaisie de manière synchrone, entremêlant divers formats (35 mm, 16 mm où encore Super16) autant qu'elle semble désespérément, comme son personnage titre (un Josh O'Connor merveilleusement hanté), s'accrocher à un passé lentement écrasé par la dureté du temps, Alice Rohrwacher signe un beau poème sur la vulnérabilité de l'humanité et la nature dévastatrice du consumérisme, racine du mal de notre contemporanéité.
Une sacré pépite.

Jonathan Chevrier
[CRITIQUE] : La Chimère