[CRITIQUE] : May December

[CRITIQUE] : May December

Copyright May December Productions 2022 LLC

Réalisateur : Todd Haynes
Acteurs : Julianne Moore, Natalie Portman, Charles Melton,...
Distributeur : ARP Selection
Budget : -
Genre : Drame, Romance.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h53min
Synopsis :
Ce film est présenté en Compétition au Festival de Cannes 2023.
Pour préparer son nouveau rôle, une actrice célèbre vient rencontrer celle qu’elle va incarner à l’écran, dont la vie sentimentale a enflammé la presse à scandale et passionné le pays 20 ans plus tôt.
Critique :

Avec Persona dans le rétro, Haynes fait de #MayDecember une œuvre à la fois dense, mordante et savoureusement inconfortable, où il parcourt la voie familière du mélodrame pour mieux glisser vers le téléfilm de luxe/soap, dont il adopte tous les excès savonneux avec gourmandise. pic.twitter.com/DSJRHikaR6

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) May 30, 2023

La réception cannoise mitigée du dernier effort de Todd Haynes laissait penser, à demi mot, que le bonhomme avait sensiblement perdu son mojo, ne donnant jamais vraiment corps à l'or qu'il avait aussi bien entre ses mains - un sujet génial, entre le fait divers tout droit sortie tabloïds sensationnalistes et le pitch d'un téléfilm du début d'après-midi -, que devant sa caméra - deux des comédiennes les plus talentueuses de leur génération.
Monumentale erreur de jugement tant May December est, savoureusement, l'une des séances cannoises les plus denses et riches en lectures croisées de cette cuvée 2023, le cinéaste y arpentant une nouvelle fois l'un de ses territoires de prédilection : celui de la figure de la femme au foyer américaine, de sa vie à ses aspirations en passant par ses contradictions, sur lesquelles il bâtit généralement son existence cinématographique (Carol, Mildred Pierce, Loin du Paradis où encore Safe).

[CRITIQUE] : May December

Copyright May December Productions 2022 LLC



Avec une nuance de taille cette fois, puisqu'il adopte une structure Bergmanienne en diable avec Persona comme ombre imposante (et un doigt du Souffle au Coeur de Louis Malle, dont le scandale en son cœur est sensiblement proche), nouée autour de la relation entre une femme au foyer, Gracie, emprisonnée par le passé pour avoir entretenu des relations intimes avec un jeune homme mineur (un môme même, de treize ans, dont elle est tombée enceinte), devenu depuis son mari, et Elizabeth, celle qui doit l'incarner à l'écran dans un long-métrage indépendant sur sa propre histoire, qui se rapproche d'elle, de son quotidien et de son environnement familial afin de comprendre les raisons de ses actes et de la personnifier de la manière la plus juste qui soit.
Du pur Bergman donc, tant au sein de la diégèse narrative, Haynes orchestre un processus de vampirisation par lequel une comédienne s'imprègne progressivement de la personnalité dont elle fait - littéralement - son minutieux objet d'étude, elle qui cherche à percer une vérité que Haynes lui-même ne laissera jamais immerger, préférant voguer avec malice et une ironie folle sur le territoire des ambiguïtés.

[CRITIQUE] : May December

Copyright May December Productions 2022 LLC


Car la vérité, opaque tout du long, n'a pas d'importance dans la comédie dramatique délicieusement camp qu'est May December (excepté peut-être, lorsqu'il scrute l'insécurité chronique de Joe, ce garçon qui a subitement mûri), à la différence du vampirisme progressif et la mécanique de l'incarnation, à cette manière lui-même qu'à Haynes de revenir aux sources de son cinéma, de parcourir les voies expressives du mélodrame qu'il conduit cette fois consciemment et avec une douce ironie, vers le domaine du téléfilm jusque dans avec facture feuilletonesque en diable et un cadre, Savannah, qui transpire le " afternoon movie ".
Il en adopte tous les excès savonneux avec une gourmandise folle, reproduisant ses formules aussi familières qu'hybrides, ses personnages excessifs qui manque d'engagement envers n'importe qui que ce soit, exceptés pour eux-mêmes, qui vivent dans l'opulence autant qu'ils réécrivent leurs histoires dans le déni le plus total.

[CRITIQUE] : May December

Copyright May December Productions 2022 LLC


Du grand Haynes à la fois dense, mordant et sensiblement inconfortable, qui claque avec malice une petite chiquette sur la vanité hollywoodienne, le tout avec pour héroïnes so Almodóvar un tandem Julianne Moore/Natalie Portman des grands jours, parfaites en prédatrices qui consomment et consument pour mieux exister.

Jonathan Chevrier
[CRITIQUE] : May December