La Canonnière du Yang-Tsé (1966) de Robert Wise

Le réalisateur Robert Wise se lance avec ce film dans une fresque historique ambitieuse après avoir cartonné au niveau mondial avec les succès mythiques des films musicaux "West Side Story" (1961) et "La Mélodie du Bonheur" (1965). Le projet est l'adaptation du livre "The Sand Pebbles" (1962) de Richard McKenna qui raconte les aventures d'un navire militaire américain en Chine continentale sur les années 1926-1927, soit la période qui va mener à la Guerre Civile Chinoise (Tout savoir ICI !). Le scénario est signée de Robert Anderson connu pour avoir écrit "Au Risque de se Perdre" (1959) de Fred Zinnemann mais qui retrouve surtout Robert Wise après "Femmes Coupables" (1957). Evidemment, alors que le tournage se déroule en 1965-1966 sur 7 mois (au lieu des 9 semaines prévues !)  la Guerre Froide n'autorise pas le tournage en Chine continentale devenue communiste, il se déroule donc majoritairement à Hong-Kong (encore sous domination britannique) et à Taïwan (la Chine nationaliste), avec quelques scènes intérieures filmées dans les studios de la Fox. Le film avait une durée initiale de 196mn, mais sera remontée pour une durée de 182mn. Le film est bien reçu avec 8 nominations aux Oscars 1967 mais sans obtenir de statuettes, ça restera la seule nomination de la star Steve McQueen tandis que son partenaire Richard Attenborough avait reçu juste avant le Golden Globe du meilleur second rôle... 1926, le mécanicien Jake Holman arrive pour une nouvelle affectation sur la canonnière américaine le San Pablo. La situation géo-politique en Chine est alors très compliquée mais la mission reste de ne pas heurter les chinois, seul compte la protection des citoyens américains et de leurs intérêts. Holman reste d'abord en retrait et assez cynique sur tout ce qui l'entoure mais les événements vont l'obliger à faire des choix tandis que les chinois se divisent en deux camps, les communistes et les nationalistes...

La Canonnière du Yang-Tsé (1966) de Robert Wise

Le matelot mécanicien est donc incarné par Steve McQueen qui retrouve Robert Wise après "Marqué par la Haine" (1956) où il n'était qu'une apparition non créditée, mais qui est depuis devenue l'une des plus grande stars de Hollywood grâce notamment aux films "Les 7 Mercenaires" (1960) et "La Grande Évasion" (1963) tous deux de John Sturges, il retrouve d'ailleurs après ce dernier son partenaire Richard Attenborough, acteur renommé qui reste connu pour être le créateur de "Jurassic Park" (1993) de Steven Spielberg, mais qui sera surtout un grand réalisateur de "Ah Dieu ! Que la Guerre est Jolie" (1969) à "War and Destiny" (2007) en passant par "Ghandi" (1982) sur lequel il retrouvera l'actrice Candice Bergen tout juste révélée dans "Le Groupe" (1966) de Sidney Lumet, et qui tourne toujours aujourd'hui avec récemment "Le Book Club" (2018) de Bill Holderman et "La Grande Traversée" (2020) de Steven Soderbergh. Dans l'équipage du San Pablo, citons Richard Crenna qui perce enfin entre "L'Encombrant Monsieur John" (1965) de Jack Lee Thompson et "Seule dans la Nuit" (1967) de Terence Young mais qui sera surtout au sommet avec son rôle de colonel dans la franchise "Rambo" (1982-1988), Charles Robinson remarqué dans "Chère Brigitte" (1965) de Henry Koster et "Shenandoah" (1965) de Andrew V. McLaglen, Larry Gates vu dans "L'Invasion des Profanateurs de Sépulture" (1956) de Don Siegel et juste avant "Dans la Chaleur de la Nuit" (1967) de Norman Jewison, Simon Oakland qui reste connu pour son rôle dans la série TV "Les Têtes Brûlées" (1976), qui retrouvera Steve McQueen juste après dans "Bullitt" (1968) de Peter Yates, et qui retrouve surtout Robert Wise après "Je Veux Vivre !" (1958) et "West Side Story" (1961), à l'instar des acteurs Gus Trikonis (surtout connu avoir été ensuite l'époux de Goldie Hawn) après ce second film, et Gavin MacLeod après le premier, vu également chez Blake Edwards dans "Opération Jupons" (1959) et "The Party" (1968), Ford Rainey vu entre autre dans les westerns "3h10 pour Yuma" (1957) de Delmer Daves et "Les Deux Cavaliers" (1961) de John Ford, retrouvant plus tard Wise pour "Le Mystère Andromède" (1971), Joe Turkel qui retrouvera aussi le réalisateur dans "L'Odyssée de Hindenburg" (1975), mais surtout connu pour avoir joué dans trois films de Stanley Kubrick. Puis enfin, n'oublions pas les chinois, Mako Iwamatsu dit Mako la révélation du film vu plus tard dans des films comme "Silence" (1971) de Masahiro Shinoda, "Tueur d'Elite" (1975) de Sam Peckinpah, "Crying Freeman" (1995) de Christophe Gans ou "Sept ans au Tibet" (1997) de Jean-Jacques Annaud, Paul Chun vu ensuite dans "Raining in the Mountain" (1979) de King Hu, "Fist of Legend" (1994) de Gordon Chan ou "Une Vie Simple" (2011) de Ann Hui, James Hong connu comme l'un des acteurs les plus prolifiques du cinéma depuis les années 50 jusquau tout récent "Everything Everywhere All at Once" (2022) de Dan Kwan et Daniel Scheinert, Richard Loo vu dans "l'Affaire Cicéron" (1952) et "Un Américain Bien Tranquille" (1958) tous deux de J.L. Mankiewicz et plus tard dans le 007 "L'Homme au Pistolet d'Or" (1974) de Guy Hamilton, puis enfin, la belle Maily incarnée par Marayat Andriane, de son vrai nom Marayat Bibidh qui est surtout connue sous son pseudo Emmanuelle Arsan, la romancière du roman "Emmanuelle" (1959) qui connaîtra un succès hors norme aussi au cinéma dans les années 70... Notons la magnifique photographie du film, signée Joseph MacDonald un des plus fameux Directeur Photo de l'Âge d'Or, avec des films comme "La Poursuite Infernale" (1946) de John Ford, "Niagara" (1953) de Henry Hathaway ou "Le Bal des Maudits" (1958) de Edward Dmytryk. Si dans la forme le film emprunte le style des grandes fresques historico-romanesques (on pense forcément au film "Les 55 Jours de Pékin" en 1963 de Nicholas Ray) Robert Wise a la judicieuse idée d'atténuer l'ampleur historique et de freiner toute flamboyance des émotions pour rester focaliser sur les personnages, leur intimité, leur place dans un univers qui les séduit malgré qu'ils soient perçus comme des intrus. On a donc des missionnaires et des soldats, deux facettes du colonialisme occidental, mais individuellement ils sont des hommes et des femmes dépassés par l'Histoire.

La Canonnière du Yang-Tsé (1966) de Robert Wise

Ce qui frappe d'abord c'est la cohérence du scénario avec les faits historiques, de la montée en puissance des tensions entre les communistes et nationalistes menant au conflit au système des concessions étrangères (d'où la présence des occidentaux) en passant par la ville de Changsha, lieu d'origine de la guerre civile. Et ainsi l'importance du navire n'est pas à négliger (la canonnière, tout savoir ICI !), comme le parallèle avec la guerre du Viêt-Nam. Mais sur ce dernier point, si certains y voient une propagande américaine, on constate pourtant que le film refuse l'héroïsme bête et simpliste de la plupart des films de guerre américains des années 50-60, ne serait-ce que par son anti-héros, soldat mais avant tout mécanicien flegmatique et solitaire, mais aussi par son ami (Attenborough dans un de ses meilleurs rôles) qui est prêt à déserter par amour, ou par le fait d'insister sur l'importance de ne pas se mêler des affaires chinoises. L'évolution des individualités se fait très progressivement, au sein de leur communauté, puis vis à vis du contexte chinois avant une montée en tension jusqu'à cette fin inattendue, où les protagonistes sont rattrapés par une guerre qui n'est pas la leur. Un grand film, et rappelons que Steve McQueen citait ce film comme son préféré parmi sa filmographie.

Note :      

Canonnière Yang-Tsé (1966) Robert WiseCanonnière Yang-Tsé (1966) Robert WiseCanonnière Yang-Tsé (1966) Robert WiseCanonnière Yang-Tsé (1966) Robert Wise

18/20