L'Étrangleur de Boston (1968) de Richard Fleischer

Réalisateur entre autre de "20000 Lieues sous les Mers" (1954), "Les Inconnus dans la Ville" (1955) ou "Duel dans la Boue" (1959), Richard Fleischer s'attaque avec ce projet à un des tueurs en séries les plus marquants des Etats-Unis, soit l'affaire de l'Étrangleur de Boston (Tout savoir ICI !), sur des crimes commis dans les années 1962-1964 et qui a déjà été porté sur grand écran avec "Le Tueur de Boston" (1964) de Burt Topper, tandis qu'un nouveau film sur le sujet sort en ce moment "L'Etrangleur de Boston" (2023) de Matt Ruskin. Ce premier film est évidemment trop en avance pour avoir tous les tenants et aboutissants de l'affaire dont le mis en cause a été arrêté en 1964 et condamné en 1967, le second arrive près de six décennies après on peut donc y espérer un résultat plus "définitif". Le film de Fleischer est adapté du livre éponyme (1966) de Gerold Frank, journaliste spécialisé dans les biographies. Mais surtout, la production a pu compter sur l'enquêteur et le procureur qui étaient chargés de l'affaire comme conseiller technique sur le tournage. Au départ, c'est Terence Rattigan, scénariste de "Le Prince et la Danseuse" (1957) de et avec Laurence Olivier ou "Hotel International" (1963) de Anthony Asquith, qui devait écrire le film avant d'être évincé après avoir vu son récit sous l'angle de la comédie. C'est finalement Edward Anhalt qui signe donc le scénario après avoir écrit pour des films comme "Panique dans la Rue" (1950) de Elia Kazan, "Le Bal des Maudits" (1958) de Edward Dmytryk ou "Sept Secondes en Enfer" (1967) de John Sturges. Le réalisateur Richard Fleischer a toujours été intéressé par les "tréfonds de l'âme humaine", lui qui voulait devenir psychiatre reviendra d'ailleurs sur un autre serial killer avec "L'Etrangleur de la place Rillington" (1971). Le film utilise la technique du split-screen (écran divisé), et on peut lire parfois qu'il est le premier film à adopter ce système ce qui est faux. Le premier split-screen connu est dû à un français bien des années auparavant avec le film "Histoire d'un Crime" (1901) de Ferdinand Zecca, et même, Fleischer sera devancé par le film contemporain "L'Affaire Thomas Crown" (1968) de Norman Jewison. Le film est un succès à sa sortie dont le style très réaliste fait son effet, et ce même au premier concerné, Albert DeSalvo condamné mais qui intenta un procés en diffamation contre la production mais sera débouté... 

L'Étrangleur de Boston (1968) de Richard Fleischer

Boston en 1962, une vieille femme est retrouvée étranglée à son domicile dans des circonstances choquantes. La police ne trouve aucun mobile apparent et l'enquête piétine alors que d'autres femmes âgées sont retrouvées assassinées et violées. La psychose s'installe dans la ville d'autant plus quand le mode opératoire et le genre de victime changent brusquement. Après de nombreuses arrestations sans succès un modeste ouvrier est arrêté... Cet ouvrier, Albert DeSalvo est incarné par Tony Curtis, star qui retrouve son réalisateur du chef d'oeuvre "Les Vikings" (1958) et dont la production ne voulait pourtant pas, l'acteur étant alors dans un déclin depuis quelques années. Fleischer insistera. Face à lui, le substitut du procureur interprété par Henry Fonda monstre sacré qui tourne la même année dans "Il était une fois dans l'Ouest" (1968) de Sergio Leone, puis l'enquêteur principal joué par George Kennedy vu juste avant dans les succès "Les Douze Salopards" (1967) de Robert Aldrich et "Luke la Main Froide" (1967) de Stuart Rosenberg. Citons ensuite Mike Kellin vu dans "L'Aventurier du Rio Grande" (1959) de Robert Parrish ou "L'Enfer est pour les Héros" (1962) de Don Siegel, Murray Hamilton vu dans "L'Arnaqueur" (1960) de Robert Rossen ou "Le Lauréat" (1967) de Mike Nichols, Sally Kellerman qui sera la cultissime "Lèvres en Feu" dans "M.A.S.H." (1970) de Robert Altman, George Voskovec qui retrouve Henry Fonda après "12 Hommes en Colère" (1957) de Sidney Lumet, Hurd Harfield mythique héros du sublime "Le Portrait de Dorian Gray" (1945) de Albert Lewin, Jeff Corey vu notamment dans "Les Tueurs" (1946) de Robert Siodmak, "Le Kid de Cincinnati" (1965) de Norman Jewison ou en croisant d'autres tueurs dans "De Sang Froid" (1967) de Richard Brooks, James Brolin père de Josh Brolin mais pas encore star mais qui le deviendra avec entre autre "Amityville" (1979) de Stuart Rosenberg où il retrouvera son partenaire Murray Hamilton, Alex Rocco dont le rôle le plus marquant sera dans "Le Parrain" (1972) de Francis Ford Coppola, Enid Markey actrice surtout vue dans les années du Muet avec "The Fortunes of War" (1911) de Thomas H. Ince ou "Tarzan chez les Singes" (1918) de Scott Sidney, sans compter "La Cité des Voiles" (1948) de Jules Dassin, puis enfin Almira Sessions qui recoise à nouveaux un tueur en série après "Monsieur Verdoux" (1947) de et avec Charles Chaplin et vue la même année que "L'Etrangleur..." dans "Rosemary's Baby" (1968) de Roman Polanski... Le film débute en utilisant directement le split-screen, comme pour nous y habituer aussitôt, imposant d'emblée une attention de tous les instants en multipliant les angles de vue et donc les points de vue. Les premières minutes se focalisent sur les premières découvertes macabres, sur les dames qui sont encore innocentes ou sans appréhension et qui soudain sont rattrapés par la peur et l'effroi. Ainsi, en quelques minutes nous sommes saisis par une atmosphère délétère et angoissante qui va aussi bientôt envahir la ville. On suit ensuite l'enquête, toutes les mesures prises en vain, toutes les erreurs et/ou maladresses des policiers mais aussi de la population comme ces dames qui ouvrent à n'importe qui malgré les messages et les avertissements des autorités.

L'Étrangleur de Boston (1968) de Richard Fleischer

Toujours avec de nombreux split-screen on suit les actions-réactions des policiers, mais aussi des potentielles ou futures victimes et surtout du tueur dont on ne perçoit pas grand chose outre ses pieds ou une ombre. Précisons que le film ne montre aucun crime de façon frontale, mais plutôt des hors champs et des effets suggestifs (exception faîte d'une séquence de tabassage) ce qui donne un malaise plus pregnant laissant judicieusement place à l'imagination du spectateur. Cela donne une sensation que tout est possible dans un climax anxiogène. Sur le fond on pense effectivement à "Zodiac" (2007) de David Fincher mais rarement un aura vu un thriller aussi austère et froid, avec ce sentiment que l'enquête est vouée à l'échec. Le scénario aborde différends aspects et leur importance dans leur interaction, médias, politique, grand public... En milieu de film le récit prend un tournant comme une césure... ATTENTION SPOILER !... avec l'apparition du tueur/Curtis, en père de famille qu'on nous dévoile soudainement, qui part aussitôt "chasser une victime"... FIN SPOILER !... Cette seconde partie porte désormais plus directement sur le face à face du tueur avec les autorités, la dimension psychologique du tueur est alors au coeur du récit. La performance de l'acteur paraît alors d'une importance capitale, et Tony Curtis s'en sort avec les honneurs, encore aujourd'hui beaucoup pense qu'il s'agit là de son meilleur rôle, comme une cerise sur son long déclin cinématographique. Son jeu est tout en dualité (double personnalité peut-être ?!), parfois paumé émouvant parfois pure psychopathe. Le réalisateur signe un thriller qui termine avec une seconde partie clinique et quasi documentaire qui bouscule d'autant plus que rien n'est vraiment affirmé. En effet, rappelons que le tournage a eu lieu peu de temps après le procès et qu'il restait des zones d'ombre. A tel point que lors de sa première diffusion TV en 1974, une voix Off a été rajoute pour préciser certaines évolutions de l'affaire. Rappelons aussi, qu'aujourd'hui de nombreuses voix s'élèvent et contredisent les éléments de l'enquête et du procès. Néanmoins, Richard Fleischer signe un film prenant, hypnotisant, malaisant qui a eu l'audace de raconter une affaire alors encore brûlante avec des conseillers technique qui donne une légitimité certaine au film mais qui démontre aussi qu'il faut parfois du recul...

Note :  

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17/20