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CloseEnfermés par la norme

Deux jeunes ados de 13 ans vivent une amitié hors norme. Amis depuis toujours, ils sont fusionnels ; mais l’entrée au collège va bouleverser leurs repères et briser une amitié qui ne saura résister au regard des autres.

Grand Prix du jury au Festival de Cannes, ce second film du jeune réalisateur belge Lukas Dhont (31 ans) va diviser la critique par son aspect mélodramatique que certains considèrent comme profond et d’autres tire-larmes. Pour mon compte, j’ai été séduit par ce récit qui cerne tellement bien la puissance des amitiés enfantines, si proches de l’amour. Et ce n’est surtout pas qu’un simple mélodrame puisqu’un des sujets majeurs consiste à montrer comment le regard extérieur peut dénaturer des sentiments innocents. Là, au collège, la proximité affective des deux jeunes ados va être mise à rude épreuve ; leur intimité et innocence ne pourra résister à l’épreuve des codes traditionnels hétéronormatifs. Soit tu rentres dans le moule, soit le système et la norme te brisent ; et à cet âge, l’un va se détourner de l’autre pour s’intégrer quitte à briser beaucoup plus qu’une amitié. Au-delà de cette relation amicale intense, Dhont montre d’autres relations fortes ; celles entre les mères et les garçons sont émouvantes et pleine de sens. Les deux jeunes comédiens (Eden Dambrine et Gustav de Waele) et les deux comédiennes sont au cœur de cette émotion ; Léa Drucker et surtout la toujours très émouvante Emilie Dequenne.

Lukas Dhont filme ce drame avec beaucoup de pudeur, joue avec les silences, les regards ; tous les enjeux sont posés à chaque fois, avec une grande économie de mots. L’incommunicabilité entre des personnes pourtant extrêmement proches est une des sources du drame, de la culpabilité et de la douleur ; et c’est avec ce choix qu’il l’affirme haut et fort. Et pour éviter le côté larmoyant que pourrait produire le film, il maintient toujours à distance le cœur du drame grâce à des ellipses opportunes.

Je vois malgré tout ce qui pourrait agacer et que je qualifierai seulement de facilités de jeunesse. Les deux ados passent leur temps à courir ou rouler à vélo dans un cadre chatoyant et bucolique quand tout va bien, signe de vitalité et vie mener à 100 à l’heure ; signe d’insouciance. Puis à la fin de film, on marche, on se tourne et on regarde la caméra de face ; signe que l’on a muri, grandit et appris beaucoup de cette expérience. Ce sera mon seul reproche, mais si minime au regard de l’émotion ressentie.

A voir, le cinéma belge regorge de talent et d’un goût prononcé pour le mélodrame de qualité.

Sorti en 2022

Ma note: 18/20