[CRITIQUE/RESSORTIE] : Distant Voices

Par Fuckcinephiles
Réalisateur : Terence Davies
Avec : Freda DowiePete PostlethwaiteAngela Walsh,…
Distributeur : Splendor Films
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Britannique.
Durée : 1h25min
Date de sortie : 13 mai 1988
Date de ressortie : 22 mars 2023
Synopsis :
Dans les années 1950, à Liverpool, une famille se prépare pour le mariage de Eileen, la fille aînée. Cette cérémonie est l’occasion pour la fratrie de se souvenir de leur père, personnage violent et froid qui faisait preuve ponctuellement d’amour pour ses enfants. Au fil du temps, les deux autres enfants du foyer se marient également. Leur existence est alors rythmée par les souvenirs de leur jeunesse. Deux réalités se fondent entre-elles, le temps présent et le temps passé qui semblent inséparables.


Critique :

Jamais déprimant ni morose malgré la dureté qu'il dépeint, #DistantVoices peut se voir une réunion de famille où l'on papoterait du temps qui passe entre 2, 3 pintes qui nous ferait croire dans une timide ivresse, que notre vie est un poil moins pire qu'elle ne l'est réellement. pic.twitter.com/qZ1JB2NOao

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) March 27, 2023

Pour certains, le passé peut paraître un territoire tellement lointain qu'il pourrait presque ne jamais être leur tandis que pour d'autres, les marques qu'il laisse sont presque si indélébiles qu'il est impossible de l'oublier voire même de vivre sans.
C'est sensiblement aux abords de cette frontière poreuse que se place le magnifique et fortement autobiographique Distant Voices (dont on préférera le titre original plus révélateur - notamment sur sa structure scindée - Distant Voices, Still Lives) de Terence Davies (dont c'était ici le premier long-métrage), où celui-ci s'inspire autant qu'il fictionnalise sa propre enfance pour croquer une sorte de puzzle mémoriel, un portrait évocateur autant sur la nature et la puissance de la mémoire que sur les événements qui la marque et laisse des cicatrices permanentes.
Même si la caméra itinérante de Davies erre dans les méandres de la vie de sa famille ouvrière troublée du Liverpool des 40s, il n'en fait pas tant une oeuvre ancrée dans sa propre mémoire personnelle qu'un effort qui la transcende, qui se refuse à embrasser l'ambivalence de la nostalgie (tantôt réconfortante, tantôt déchirante et dévastatrice) pour presque s'inscrire comme une expérience (re)vécue au présent.

© Splendor Films


Dix ans de vie au sein d'une maison mitoyenne ordinaire où les enfants sont éduqués par une mère soucieuse et courage (magnifique Freda Dowie) et un père taciturne et instable (feu le regretté Pete Postlethwaite), un morceau de vie typique de l'époque (les femmes se liant les unes aux autres tout en étant sévèrement opprimées par leurs hommes) à la fois sombre et lumineux dans sa manière de s'accrocher à la réalité/vérité, à ses petits hauts et bas si ordinaires et pourtant si mémorables.
Une riche et fragmentée tapisserie qui plonge dans le fonctionnement de nos réminiscences où les fissures que l'on pensait dissimulées pour de bon, rejaillissent sur le papier peint vieillissant qui fait notre existence.
Chiche en dialogues tant tout où presque passe par la force et la précision des images autant que par une musique essentielle dans sa manière de retranscrire les émotions qui traversent les membres de la famille, Distant Voices est un magnifique drame tellement maîtrisé qu'il n'apparaît jamais déprimant ni morose malgré la dureté qu'il dépeint.
Il s'apparente à une réunion de famille où l'on papoterait du temps qui passe entre deux, trois pintes qui nous feraient croire dans une timide ivresse, que notre vie est un poil meilleur qu'elle ne l'est réellement.
Un moment de cinéma mélancolique, simple et épuré voire même presque Bresson-esque, dénué de toute intrigue et artifice mais qui raconte pourtant avec justesse la vie, la vraie.
Jonathan Chevrier