[CRITIQUE] : L'Éden

Par Fuckcinephiles
Réalisateur : Andrés Ramirez Pulido
Acteurs : Jhojan Estiven Jimenez, Maicol Andrés Jimenez Zarabanda,Wismer Vasquez,...
Distributeur : Pyramide Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Colombien, Français.
Durée : 1h25min
Synopsis :
Eliú, un garçon de la campagne, est incarcéré́ dans un centre expérimental pour mineurs au cœur de la forêt tropicale colombienne, pour un crime qu’il a commis avec son ami El Mono. Chaque jour, les adolescents effectuent des travaux manuels éprouvants et suivent des thérapies de groupe intenses. Un jour, El Mono est transféré dans le même centre et ramène avec lui un passé dont Eliú tente de s’éloigner.

Critique :

#LEden montre avec intelligence que l'agressivité et l'autodestruction juvéniles n'est que le fruit vénéneux d'une société colombienne qui persuade ses enfants perdues que leur seul échappatoire réside dans la criminalité mais surtout dans la violence - envers soi et les autres. pic.twitter.com/ywqVtaQRzS

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) March 23, 2023

Il est étonnant de voir qu'en une semaine d'intervalle, deux premiers films de jeunes cinéastes colombiens s'attachent à scruter les affres de la violence qui gangrène leur nation, au travers de figures adolescentes masculines qui y sont non seulement directement confrontés, mais qui en font un usage presque obligatoire pour accentuer leur difficile passage à l'âge adulte et affirmer pleinement leur virilité - essentiel pour " être " un homme dans une société aussi patriarcale.
Si Un Varón de Fabián Hernández arrivait in fine à trouver sa propre singularité et même à rendre sa figure centrale attachante (le cinéaste y retranscrivait une partie de sa propre histoire personnelle et de son adolescence, marquée par la violence à Bogota), L'Eden de Andrés Ramirez Pulido lui, également adoubé par la dernière réunion cannoise en date, joue la carte plus casse-gueule du thriller/drame carcéral pour ausculter autant des figures juvéniles que la façon dont la criminalité n'est pas réduite mais préservée par les institutions.

Copyright Pyramide Distribution


Une dystopie profondément pessimiste et crue, moins originale certes mais tout de même percutante, dont toute la structure narrative est éprouvée dès le contraste facile qui émaille ses deux premières séquences - une scène de violence suivi d'un rituel de " relaxation " voulu comme l'une des méthodes de réinsertion pour un groupe de mineurs isolés de la société, flanqué dans une prison expérimentale au coeur d'une jungle toute aussi hostile.
L'exposition même d'une routine partagée entre l'éradication utopique d'une rage accumulée dans le temps et une punition physique et mentale totalement contradictoire qui ne fait qu'alimenter leur colère - tout en supprimant dans le même temps tout le travail de rééducation. 
Une inefficacité évidente du système qui pousse son protagoniste, Eliú, symbole d'une jeunesse déstructurée et désœuvrée dont l'innocence est déjà perdue et la colère malléable (comme s'ils devaient continuellement dompter une vie antérieure qui les hante), à reconsidérer sa propre identité sous le joug de nouveaux bourreaux - ici institutionnalisés.
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Dans sa manière de retranscrire les efforts (volontairement ?) vains pour endiguer la violence, L'Eden montre que l'agressivité et l'autodestruction générationnelle n'est que le fruit vénéneux d'une société qui persuade ses enfants perdues que leur seul échappatoire réside dans la criminalité et la destruction - de soi comme des autres.
La violence comme seul réponse à la souffrance, cet éternel mythe de l'ouroboros...
Jonathan Chevrier