La fille du bois maudit

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à Éléphant Films pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « La fille du bois maudit » de Henry Hathaway.

« Laisse les autres familles se battre entre elles si elles le souhaitent. Elles ont encore d’autres enfants elles. Toi tu es notre dernier garçon ! »

Dans la petite ville de Lonesome Pine, les Tolliver et les Falin se livrent une lutte sans merci depuis des centaines d’années. Jack Hale, un ingénieur, vient construire une voie ferrée qui traversera la ville. Pensant avoir trouvé un terrain d’entente entre les deux parties, il va se rendre compte que la moindre étincelle peut raviver la flamme de la haine…

« Je ne veux pas qu’il grandisse dans la haine ! »

Longtemps considéré à tort comme un vulgaire « yes man » des studios, Henry Hathaway n'en demeure pas moins l'un des grands cinéastes de l'âge d'or hollywoodien. Plus ambitieux qu’il n’y parait et à l’aise dans à peu près tous les registres, il signe ainsi une filmographie très riche, marquée par son goût pour les récit d’aventures, les films noirs et les westerns, et ponctuée de nombreuses réussites devenues depuis des classiques (« Les trois lanciers du Bengale », « Le carrefour de la mort », « Appelez Nord 777 », « L’attaque de la malle-poste », « Niagara », « Le jardin du diable », « Cent dollars pour un shérif »). Mais en ce milieu des années 30, alors qu’il a jusqu’ici surtout tourné des westerns de série b porté par la vedette Randolph Scott, Hathaway va tenter de se diversifier en s’essayer à des registres où on ne l’attend alors pas vraiment. Quasiment coup sur coup, il signe ainsi une comédie dramatique (« C’est pour toujours », 1934), un drame romantique surréaliste (« Peter Ibbeston », 1935) et une comédie (« Go west, young man », 1936). Entre ces deux derniers titres, il signe surtout le drame social « La fille du bois maudit » (1936), adaptation du roman « The trail of the Lonesome Pine » de John Fox Jr. Il dirige pour l’occasion un tout jeune acteur venu du théâtre, Henry Fonda, dont c’est alors seulement le quatrième film. Un acteur qu’il retrouve quelques mois plus tard pour une seconde (et ultime) collaboration sur « Les gars du large ».

« Je vais lui apprendre qu’ici on ne vole pas la femme des autres ! »

Avec « La fille du bois maudit », Henry Hathaway nous embarque pour une aventure au cœur desvallées perdues des Appalaches, quelque part au milieu du Kentucky. Une de ces régions pauvres et reculées de l’Amérique profonde. Celle des pionniers, restée trop longtemps en marge de toute civilisation et sur laquelle le temps semble ne pas avoir de prise. A tel point qu'il semble ne pas y avoir eu de nouveaux venus depuis les premiers arrivants, dont les descendants se transmettent de génération en génération – et presque par tradition – les mêmes haines ancestrales, les mêmes jalousies et les mêmes frustrations, tout en en ayant oublié les raisons initiales. Alors, forcément, la venue inopinée d’un ingénieur venu de la grande ville pour superviser l’installation du chemin de fer est accueillie avec méfiance par les gens du cru. Et semble de nature à exacerber les rivalités. En plein New deal, alors que l'Amérique entreprend des grands chantiers de modernisation et de désenclavement à travers le pays pour tenter d’enrayée la terrible crise financière qui la frappe alors suite du Krach boursier de 1929, le cinéaste confronte deux Amériques: celle des rednecks oubliée du reste du monde et celle de la modernité des grandes villes. Un postulat qui permet au cinéaste de donner vie à un drame social âpre construit à la manière d’un western, d'une grande modernité et d'une grande humanité, sur la frustration et la misère culturelle. Il y filme ainsi avec une rare acuité les laissés pour compte du rêve américain. Ces vieilles familles de pionniers qui n'ont jamais su (ni pu) évoluer, parce que coupés du monde, de toute éducation et de tout progrès. Le progrès, c'est d'ailleurs ce qu'apporte avec lui le personnage de l'ingénieur, l'homme éduqué et civilisé venu de la ville qui se place toujours au-dessus de la mêlé. Celui-là même qui apportera le savoir, le civisme et la richesse – et par ricochet la paix – en ces territoires inhospitaliers. Mais c'est aussi lui qui encouragera la jeune héroïne à quitter courageusement son village pour pouvoir aller à l'école et ainsi acquérir cette culture, définitivement seule à même de lui permettre de s'élever et surtout de s'émanciper. Porté par un formidable casting (Henry Fonda, Sylvia Sidney, Fred McMurray), il signe là un grand plaidoyer pour la liberté par l’éducation.

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Le blu-ray : Le film est présenté dans un Master restauré en Haute-Définition et proposé en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné d’une présentation par Justin Kwedi (22 min.), ainsi que d’une Bande-annonce d’époque (3 min.). Un livret collector « Redécouvrir Henry Hathaway » par Denis Rossano (24 pages) vient compléter avantageusement cette édition.

Édité par Éléphant Films, « La fille du bois maudit » est disponible en combo blu-ray + DVD ainsi qu’en édition DVD depuis le 13 septembre 2022. Il est également disponible en édition blu-ray depuis le 17 janvier 2023.

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