[CRITIQUE] : Atlantic Bar

Par Fuckcinephiles

Réalisatrice : Fanny Molins
Avec : -
Distributeur : Les Alchimistes
Budget : -
Genre : Documentaire
Nationalité : Français
Durée : 1h17min
Synopsis :
A l'Atlantic Bar, Nathalie, la patronne, est le centre de l'attention. Ici, on chante, on danse, on se tient les uns aux autres. Après la mise en vente du bar, Nathalie et les habitués se confrontent à la fin de leur monde et d'un lieu à la fois destructeur et vital.

Critique :

#AtlanticBar se fait un documentaire où les petits riens deviennent tout. Fanny Molins réussit à filmer la perte du bar comme si c'était la fin d'un livre. L'amertume côtoie la beauté : on se sent heureux d'avoir pu vivre ce moment tout en le regrettant déjà. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/fgJdgPMrEA

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) March 17, 2023

Il existe de ces lieux que l’on connaît sans même y mettre les pieds. Comme ces bars populaires, où chaque jour, les habitués se retrouvent autour d’une bière ou d’un pastis. Fanny Molins, alors en résidence photographique à Arles, s’intéresse à un bar en périphérie des quartiers chics de la ville. Comme tous les bars de quartier, celui-ci est le cœur névralgique d’une vie faite de petites habitudes. Il y a la tenancière, Nathalie, force de la nature. Voix de fumeuse, yeux rigolards. Son compagnon, Jean-Jacques, toujours à fredonner un air de Johnny Hallyday. Puis les habitués, qui viennent autant pour le précieux pastis que pour voir du monde. D’objet photographique, le bar devient un sujet plus vaste, où s’éclairent des parcours de vie à la marge. Atlantic Bar devient l’ultime trace d’existence d’un bar maintenant fermé.

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La fiction n’aurait pas su mieux l’inventer : Nathalie, clope au bec, rire gras, tatouage sur le bras, toujours le mot pour rire, témoin inimitable de vies tranquilles et de parties de carte. Elle tient, avec Jean-Jacques, le bar du coin, où se réfugient chaque jour les marginaux, les invisibles, les égarés, leur offrant LA sortie quotidienne, le point d’ancrage, le lieu social par excellence. On se tape la bise, on s’appelle par son prénom, on s’engueule allègrement. L’Atlantic Bar, c’est un microcosme de vie, ce sont des rencontres qui marquent. Fanny Molins y était rentrée avec un regard sociologique sur l’alcoolisme, sur un lieu, dépouillé de tout contexte. Elle y est ressortie avec des récits véritables et humains, dans un contexte de fermeture qui est vécu comme une fin du monde, la fin de leur monde.
Parce qu’elle transforme ses protagonistes en véritables personnages d’un lieu théâtral, la réalisatrice évite les écueils misérabilistes sur la précarité et l’alcoolisme. Au contraire, Atlantic Bar est emprunt de tendresse envers ces écorchés et leur offre l’espace nécessaire pour raconter, à leur manière, leur récit. L'alcoolisme n'est alors plus le sujet principal mais il traverse le documentaire. C'est Nathalie qui en parle pour la première fois, face caméra. Elle laisse tomber les armes et apparaît vulnérable dans sa petite chambre, au premier étage du bar, comme si elle avait laissé ses oripeaux de tenancière de bar pour redevenir une femme pour qui la vie n'a jamais été un long fleuve tranquille. Il n'est pas rare de voir des larmes aux coins de ses yeux, ou même des sanglots quand elle raconte la perte de son frère, mort dans ses bras. Chacun porte son drame comme il le peut et se confie à la caméra. Des récits aussi divers que variés, que le montage retranscrit tel quel, sans les couper. L'âme photographique de Fanny Molins resurgit quand il faut filmer le bar. Son attention se fixe souvent sur les détails : un chien endormi, une main qui agrippe le verre de bière, la fumée de cigarette. Des plans fixes qui servent de transition à la narration et qui aident à peindre l'univers du bar, à rendre ces gestes simples à la fois intemporels et dignes d'être mis en avant.

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La dignité est ce qui caractérise le mieux Atlantic Bar, documentaire où les petits riens deviennent tout. Fanny Molins réussit à filmer la perte du bar comme si c'était la fin d'un livre. L'amertume côtoie la beauté : on se sent heureux d'avoir pu vivre ce moment tout en le regrettant déjà.
Laura Enjolvy