La Syndicaliste (2023) de Jean-Paul Salomé

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Après la comédie "La Daronne" (2019), le réalisateur Jean-Paul Salomé revient avec un film plus sérieux sur l'Affaire Maureen Kearney (Tout savoir ICI !). Le cinéaste adapte le livre éponyme (2019) de Caroline Michel-Aguirre grâce auquel il a appris cette affaire resté plutôt confidentiel malgré les tenants et aboutissants énormes. Le cinéaste a ensuite pris contact avec Maureen Kearney elle-même qui a validé le scénario  "tout en précisant que ce n'était pas tout à fait elle par instants, ou qu'elle n'aurait pas forcément réagi comme ça" (...) "Mais une très grande partie du film est fidèle à ce qui s'est passé : certains dialogues sont exacts au mot près, notamment ce que l'on entend au cours des deux procès." Jean-Paul Salomé précise : "Le démantèlement d'Areva désiré par le PDG d'EDF Henri Proglio, qui se rêvait n°1 du nucléaire français, va entraîner la perte d'un savoir-faire, bradé aux chinois - c'est la perte de l'indépendance énergétique française, dont on mesure aujourd'hui les conséquences." Jean-Paul Salomé co-signe le scénario avec Fadette Drouard qui a écrit auparavant "Le Dindon" (2018) de Jalil Lespert, "Papicha" (2019) de Mounia Meddour, "L'Enfant Rêvé" (2020) de Raphaël Jacoulot ou encore "Mon Héroïne" (2022) de Noémie Lefort... 

Maureen Kearney, déléguée CFDT chez Areva devient lanceuse d'alerte en 2012 en dénonçant un secret d'état qui va secouer l'industrie du nucléaire en France. Elle va se battre pour faire éclater la vérité et notamment sauver 50000 emplois du nucléaire français jusqu'à ce jour où elle va être violemment agresser... Maureen Kearney est incarnée par Isabelle Huppert qui retrouve son réalisateur de "La Daronne" (2019), qui depuis reste aussi prolifique avec pas moins de 6 films en 2022 dont "EO" de Jerzy Skolimowski, "Une Robe pour Mrs. Harris" (2022) de Anthony Fabian et "Caravage" (2022) de Michele Placido. Elle va croiser Yvan Attal vu dans "8 rue de l'Humanité" (2021) de Dany Boon et "Maestro(s)" (2022) de Bruno Chiche, Grégory Gadebois vu récemment dans "Le Tourbillon de la Vie" (2022) de Olivier Treiner et "Les Choses Simples" (2023) de Eric Besnard, Marina Foïs vue dans "L'Année du Requin" (2022) des frères Boukherma ou "As Bestas" (2022) de Rodrigo Sorogoyen, François-Xavier Demaison vu dans "Hommes au Bord de la Crise de Nerfs" (2022) de Audrey Dana ou "Le Temps des Secrets" (2022) de Christophe Barratier, Gilles Cohen vu dans "Le Nouveau Jouet" (2022) de james Huth et "Vaincre ou Mourir" (2023) de Paul Mignot et Vincent Mottez, Pierre Deladonchamps vu dans "Reprise en Main" (2022) de Gilles Perret et "La Page Blanche" (2022) de Murielle Magellan et retrouve sa partenaire et réalisatrice du film "Les Chatouilles" (2018), citons encore Alexandra Maria Lara vue récemment dans "L'Affaire Collini" (2022) de Marco Kreutzpaintner, actrice germano-roumaine déjà vue en France dans "L'Affaire Farewell" (2009) de Christian Carion et "Je n'ai Rien Oublié" (2011) de Bruno Chiche, puis Aloïse Sauvage vue entre autre dans "120 Battements par Minute" (2017) de Robin Campillo, "Cold War" (2018) de Pawel Pawlikowski ou "Les Fauves" (2018) de Vincent Mariette... Vu l'affaire qui reste encore très récente, le film débute par un encart pour expliquer qu'il s'agit bien d'une histoire vraie mais du point de vue subjectif du réalisateur. Ce n'est pas anodin puisque de nombreux protagonistes sont encore vivants. Mais on peut d'ores et déjà noter trois choses : il y a peu de libertés prise avec les faits, les changements ou ajouts restent mineurs, la dimension non neutre du film repose sur des allusions concernant deux personnages qui restent dans l'ombre volontairement (peur d'un procès pour diffamation?!), dans les grandes lignes le film est fidèle aux faits.

Le film reste donc bel et bien une histoire vraie, Jean-Paul Salomé a même poussé les choses jusqu'à tourner sur les lieux des événements (Bercy, même hôpital, même tribunal, même ville du domicile de la syndicaliste...) et même de nombreux figurants étaient bel et bien actifs à l'époque, par exemple les anciens d'Areva présents au procès en soutien font leur retour pour le film. Le film reprend aussi mot à mot certains passages comme les mots très durs de la présidente du tribunal, ou la dernière plaidoirie. Par contre, la première concernée Maureen Kearney précisera que les auditions avec les gendarmes étaient plus durs dans la réalité... ATTENTION SPOILER !... Par contre, la gendarmette est imaginaire, ainsi que le lanceur d'alerte issu de EDF, c'est le syndicat lui-même par recoupement qui avait obtenu les infos, et enfin plus problématique, le viol de la femme de l'affaire Veolia est tout de même différente, on s'étonne qu'il n'y ait aucune trace alors que le viol est plus "charnel" et donc il y a forcément des traces, ce qui fait une énorme différence avec l'agression de Maureen Kearney... FIN SPOILER !... On invite fortement à jeter un oeil wikipedia aux personnages de Henri Proglio et Alexandre Djouhri, ainsi qu'à Anne Lauvergeon. Comme on invite à rester lire les encarts qui terminent le film. Le scénario est aussi malin que judicieux, d'abord en jouant sur un flash-back avant de revenir dans le fil du temps, puis en plaçant des doutes ou des ambiguités sur des instants précis ou des personnages qui instaurent de la tension parfois, des soupçons de temps à autre, et tout ça pour monter avant tout toute la complexité des affaires qui s'entrechoquent. Niveau jeu, on a un syndicaliste joué par Demaison sous-exploité, mais sinon c'est impeccable avec une Marina Foïs impressionnante en femme de pouvoir, ou Deladonchamps tout aussi idéal en gendarme engoncé dans ses certitudes. Jean-Paul Salomé aurait pu éviter finalement les libertés prises tant elles sont mineures, et opter plus courageusement pour aller au bout des choses (Proglio et Djourhi ?!), mais ça reste prenant, passionnant même, surtout quand on se dit que ce "fait divers" somme tout banal cache à lui seul le démantèlement de Areva fleuron de notre industrie. A voir.

Note :                 

14/20