C'est Arrivé près de chez Vous (1992) de Benoît Poelvoorde, Rémy Belvaux et André Bonzel

Premier long métrage d'un groupe d'amis qui étudie à l'Institut National Supérieur des Arts du Spectacle de Bruxelles, à savoir Benoît Poelvoorde, Rémy Belvaux et André Bonzel. Les trois copains s'étaient déjà fait remarqué en signant le court métrage "Pas de C4 pour Daniel Daniel" (1987) co-réalisé par le duo Belvaux-Bonzel et Poelvoorde dans le rôle principal. Pour leur long qui doit clore la fin de leurs études ils se créditent tous les trois réalisateurs-scénaristes, mais en vérité il s'agit surtout de revendiquer un travail collectif car Rémy Belvaux est le réalisateur réel du film. Au scénario ils sont accompagnés d'un quatrième larron, Vincent Tavier. Les camarades décident d'un film parodique à l'humour (très) noir de l'émission TV culte "Strip Tease" (1987-1992). Si l'équipe a logiquement peu de moyens ils utilisent les décors de leur région, un peu Bruxelles forcément mais surtout Namur dont la véritable épicerie des parents de Poelvoorde qui s'appelle "Le Près de Chez Vous", ça ne s'invente pas ! Le film fait sensation dès sa présentation à la Semaine de la Critique au Festival de Cannes 1992 avec les controverses et polémiques logiques qui en font aussitôt un des films cultes d'une génération, avec cette réplique mythique qui est devenue celle de nos récréations : "Reviens gamin, c'est pour rire !" Le film sera tout aussi logiquement interdit au moins de 12 ans, ce qui peut encore paraître léger, le moins de 16 ans ne serait pas choquant non plus... Une équipe amatrice de tournage suit un tueur pour un documentaire. Ce tueur est Ben, un tueur de sang froid qui semble tuer que pour gagner sa vie, s'attaquant principalement aux personnes modestes et aux personnes âgées préférant "travailler petit mais que ça rapporte beaucoup". Mais au fur et à mesure l'équipe de tournage est mise à contribution et elle va devenir complice du tueur...

C'est Arrivé près de chez Vous (1992) de Benoît Poelvoorde, Rémy Belvaux et André Bonzel

Les quatre co-scénaristes sont aussi les quatre acteurs principaux, Poelvoorde incarne le tueur Ben, tandis que les trois autres composent l'équipe de tournage, cameraman, preneur de son et journaliste. Précisons que Rémy Belvaux est le frère du réalisateur Lucas Belvaux, et bien qu'il retrouvera Benoît Poelvoorde sur l'émission "Les Carnets de Monsieur Manatane" (1997-1998), il vivra mal de rester dans l'ombre alors que son camarade va devenir un comédien de premier ordre. Belvaux va devenir un réalisateur de spot publicitaire renommé au point d'être primé six années de suite  meilleur réalisateur de publicité mais il semble que cela ne le comblera jamais puisqu'il se suicidera malheureusement en 2006 en se jetant sous un train, il avait 39 ans. André Bonzel ne connaîtra pas non plus les retombées du succès, il restera discret en devenant caméraman et/ou directeur photo. Vincent Tavier va par contre devenir un producteur-scénariste inspiré d'abord de "Monsieur Manatane" (1997-1998) avec ses compères, scénariste-acteur sur les films "Atomik Circus, le retour de James Bataille" (2004) de Didier Poiraud, Thierry Poiraud et Jean-Philippe Dugand, "Aaltra" (2004) et "Le Grand Soir" (2011) tous deux du duo grolandais Kervern-Delépine sur lesquels il retrouvera son ami Benoît Poelvoorde. Outre ces films il sera aussi producteur-scénariste des films plus sérieux "Alleluia" (2014) et "Adoration" (2019) tous deux de Fabrice du Welz. Citons encore devant la caméra un certain Benoît Mariage, qui débuta justement comme réalisateur pour l'émission TV "Strip Tease" (1987-1992) et qui deviendra réalisateur pour le grand écran en faisant tourner Poelvoorde dans son court "Le Signaleur" (1997), et les longs "Les Convoyeurs Attendent" (1999), "Cowboy" (2007) et "Les Rayures du Zèbre" (2014). Et enfin, à noter que la plupart des autres comédiens sont des proches et des amis des quatre cinéastes dont la mère et les grands-parents de Poelvoorde... Le film débute fort et annonce la couleur. Mais évidemment ce qu'on remarque surtout c'est un noir et blanc avec un grain fort, presque délavé qui marque ainsi sa parenté volontaire avec le style pseudo-documentaire de "Strip Tease" pour mieux l'atomiser. C'est-à-dire en faire un faux documentaire aussi sombre que cynique mais avec une dose de dérision à haut degré pour dénoncer le voyeurisme outrancier de l'émission ; aujourd'hui avec l'explosion de la télé-réalité le film s'avère d'autant plus fort. Les quatre trublion en profite pour pousser le bouchon aussi loin que possible, plaçant le spectateur en tant que voyeur soumis et prisonnier de son siège devant un tueur psychopathe qui s'amuse d'être au centre d'un documentaire, tant bien même qu'il soit amateur.

C'est Arrivé près de chez Vous (1992) de Benoît Poelvoorde, Rémy Belvaux et André Bonzel

Le spectateur se retrouve coincé dans un plaisir coupable où tout est autorisé ou tout est possible. Si au début on penser à un tueur en série il n'en est rien, Ben est un tueur pragmatique qui ne le fait que pour gagner sa vie, pour ne pas avoir à travailler vraiment et c'est bien pour ça qu'il ne s'attaque qu'à des personnes "faciles". De l'humour plus noir que noir, une violence sordide le tout dans une déluge de monologue pseudo-psycho-philosophique très égocentrique et prétentieux d'un Ben psychopathe dont l'esprit est aussi abject que ses actions. Mais la vraie bonne idée est celle de l'équipe de tournage qui prend petit à petit part aux crimes dégueulasses de Ben, à l'insu de leur plein gré ! D'abord gêné ou apeuré par Ben ils vont de plus en plus participer à ses délires  gores et trash. Le film fait en plus son effet grâce à un mix détonnant, entre la forme très "sérieuse" du documentaire, et le fond complètement cartoonesque façon "Hara-Kiri" ou "Fluide Glacial". Poelvoorde en roue libre livre une performance en impro complètement hallucinante avec une collection de répliques mythiques qui ne sont pas pour rien pour le culte autour du film dont, outre celles déjà citées plus haut, ces quelques perles :

- "Une larme de gin, une larme. Une rivière de tonic... Et ensuite la p'tite victime, composée d'une petite olive, d'un petit morceau d'sucre, et d'un p'tit bout d'ficelle. Et nous avons : le P'tit Grégory."

- "Qu'est-ce que t'attends, peau d'couille ? Le Reassac !"

- "L'autre jour j'ai coulé deux maghrébins dans la colonne Nord ! 'tention je les ai tournés vers La Mecque !"

- "Des vieux pauvres, ça n'existe pas. Radins, oui. Pauvres, non."

- "Je chiais la nuit, je chiais le jour ! Je chiais partout, je chiais toujours !"

Et même un peu de poésie : 

- "Pigeon, oiseau à la grise robe

dans l'enfer des villes

à mon regard tu te dérobes...

Tu es vraiment le plus agile."

Courte liste non exhaustive tant il y a de quoi faire un dictionnaire spécial du film ! Des dialogues aussi abjects que drôles tant la méchanceté et la stupidité sont réunis en un seul énergumène, qui est aussi aussi dangereux que con our un film décalé, unique et terrifiant en un sens. D'ailleurs ATTENTION... Le fiston a vu le film après en avoir discuté d'abord en famille, mais lui avons interdit 5mn du film où la violence était trop insoutenable (séquence de viol collectif plus torture) !... En conclusion, un OVNI qui assume un trash parfois de mauvais goût, mais toujours atténué par des dialogues hilarants car en décalage complet avec les images et les actions, un plaisir coupable parfois malaisant, souvent drôle qui est finalement comme un miroir déformant de l'être humain. 

Note :      

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17/20

Pour info bonus, Note de mon fils de 13 ans :               

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13/20