[CRITIQUE] : Knock At The Cabin

Par Fuckcinephiles
Réalisateur : M. Night Shyamalan
Acteurs : Dave Bautista, Jonathan Groff, Ben Aldridge, Rupert Grint,...
Distributeur : Universal Pictures International France
Genre : Thriller, Épouvante-horreur.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h45min
Synopsis :
Tandis qu’ils passent leurs vacances dans un chalet en pleine nature, une jeune fille et ses parents sont pris en otage par quatre étrangers armés qui leur imposent de faire un choix impossible. S’ils refusent, l’apocalypse est inéluctable. Quasiment coupés du monde, les parents de la jeune fille doivent assumer leur décision avant qu’il ne soit trop tard…


Critique :

Comme à ses grandes heures, Shyamalan revient aux basiques de son cinéma et concocte un cauchemar poignant et universel douloureusement basé sur la foi, à une heure où notre monde en manque mais où lui, paradoxalement, commence à en retrouver en son talent de conteur d'histoires. pic.twitter.com/styVMKqZ9R

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) February 1, 2023

Passé du wannabe héritier de Steven Spielberg sur le trône de l'entertainment racé et intelligent made in America, à paria numéro deux du tout-Hollywood juste derrière Uwe Boll, en l'espace d'une poignée de péloches difficilement défendables; M. Night Shyamalan est l'un de ses exemples parfaits (Richard Kelly en est peut-être un encore plus douloureusement pertinent) qui démontre comment la machine à rêve Hollywoodienne est une put*** d'ingrate broyeuse de talents.
Même s'il est vrai le bonhomme n'est pas totalement à plaindre tant il s'est sadiquement amusé à donner autant qu'il l'a pu, le bâton pour se faire battre et passé du money maker chouchou du système à cinéaste lessivé, avalé puis salement recraché par l'industrie.
Un parcours prenant la forme d'une ascension fulgurante puis d'une descente aux enfers incontrôlable, longtemps dominée par la mauvaise idée du lascar à vouloir construire sa propre légende plutôt que de la servir intelligemment.

Copyright Universal Studios


Avec une sale image de mégalomane suffisant et caractériel collée avec de la super glue-3 sur le front, la cassure a sans doute démarré non pas avec Le Village et son twist plus alambiqué et incoherent qu'il n'en a l'air, mais peut-être dès Signes, dont les contours de divertissement populaire avait déjà lourdement irrité ses aficionados les plus fidèles au moment de sa sortie.
Heureusement réhabiliter depuis par la force de deux petites bombes intimistes - The Visit et Split - qui incarnaient autant un retour salvateur aux sources de son oeuvre qu'une véritable guérison cinématographique après quelques sorties de routes, le cinéaste était donc fin prêt à reprendre son trône avec Glass puis Old mais leur accueil, aussi mitigé que leur qualité est déclinante à mesure des visions, avait retarder l'échéance.
Bonne nouvelle, il n'aura pas fallu attendre très longtemps - littéralement le film suivant - pour que les choses rentrent définitivement dans l'ordre avec un long-métrage qui, preuve de son excellence, divisera plus que de raison : Knock at The Cabin, une adaptation du roman The Cabin at the end of the world de Paul G. Tremblay.
Dépendant presque autant de la suspension de l'incrédulité du spectateur que de la puissance avec laquelle le cinéaste soutient son concept, le film est sans doute l'effort le plus Spielbergien de Shyamalan depuis Signes - avec lequel les points communs sont légion -, et de facto le plus Shyamalanien (oui, ça se dit) depuis longtemps, tant il renoue avec la force évocatrice de l'un de ses artifices les plus implacables : un recours constant en sa foi inébranlable dans la liaison entre le métaphysique et le banal, quitte à parfois se perdre dans quelques aphorismes New Age.

Copyright Universal Studios


On le sait, Shyamalan est un brillant cinéaste, pour autant que l'on concède qu'il a repris la plupart de ses tours de magie à Spielberg et Hitchcock (et peut-être même un surréalisme étrange digne de Lynch).
Dans chacun de ses quinze efforts, il ne dirige pas tant le public qu'il le manipule autant avec un style de " fausses directions " subtile qu'avec une examination soigneuse de ses sujets et de ses personnages principaux, tous liés par une solitude insondable face à leur condition et/où portés par des convictions profondes (bien qu'elles soient plus universels que réellement spécifiques où religieuses).
Dans son cinéma (tout du moins, à son meilleur), chaque personnage - et même leurs discours/déclarations - est enveloppé dans une plus grande signification, un sentiment d'effet " poupée russe " et de machination subtile qui ne fait que renforcer les bases de la fabrication de son suspens - habilement maîtrisé et rationné, pour ne pas tout gâcher avant le final.
Se déroulant intégralement dans une cabane au milieu de nulle part où des agresseurs - venus en paix où, tout du moins, pour l'avoir - viennent bousculer le quotidien d'une famille banale poussée à faire un sacrifice ultime pour empêcher la fin du monde, le film ne quitte jamais la route balisée du home invasion mâtiné de thriller un tantinet paranoïaque avec une catastrophe mondiale en toile de fond, sans pour autant ne jamais perdre de vue la détresse de la famille qu'il prend pour protagonistes principaux.

Copyright Universal Studios


Car, tout comme Signes, Knock at The Cabin parle - spoilers qui n'en est pas un - d'une potentielle apocalypse, l'histoire voit plus loin, au travers de ses personnages assommés par leurs certitudes, leurs croyances et une (sur)présence des médias comme unique fenêtre sur la réalité - perçue comme une vérité - : il parle d'un monde post-Covid-19 (même si la pandémie est toujours présente au quotidien) et en guerre, entre violences, crise de foi et un vrai sentiment d'insécurité.
Le tout via une terreur globalisée et universelle, captée par le prisme d'une miniature suffocante (une cabane censée incarner un cocon fait d'amour, de sécurité et d'insouciance/une famille face à l'apocalypse mondiale), comme si Armageddon où le jugement dernier de Terminator quittaient les grosses mégalopoles pour se visser à une échelle plus humaine, à la bordure d'un village dans le trou du cul de la France profonde.
Démarrant son essai autour de l'impensable - qu'il oppose constamment à notre scepticisme - avec une tension familière mêlée à ses justifications patientes de croyances folles (voir des morts, être un superhéros, avoir des personnalités multiples ou encore une invasion extraterrestre mondiale), avant de dénouer son mystère en ayant parfaitement conscience de sa prévisibilité; le film nous rattrape pourtant continuellement dans ces moments de vulnérabilité et de doute, portés par des flash-backs renforçant la sensibilité délicate qui habitent ses personnages, ainsi que par un final qui embrasse cette fois pleinement la tragédie.

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Comme à ses plus grandes heures, Shyamalan revient (une nouvelle fois) aux basiques de son cinéma et concocte un cauchemar populaire poignant et universel douloureusement basé sur la foi (mysticisme contre chaos, rationalité contre croyance absolue) à une heure où notre monde en manque mais où lui, paradoxalement, commence à en retrouver en son propre talent de conteur d'histoires et de directeur d'acteurs affuté (Dave Bautista y trouve sa plus belle et nuancée partition à ce jour), à défaut de retrouver - pour le moment - sa mise en scène percutante et tout en maîtrise.
Le papa de Sixième Sens est donc - à nouveau - de retour, le plus dur reste de savoir jusqu'à quand...
Jonathan Chevrier