Il bidone

Un grand merci à Sidonis Calysta pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Il Bidone » de Federico Fellini.

Il_bidone

« Ce mec-là c’est la pire des canailles : il te piquerait ta chemise, tes godasses, ton slip, tu ne t’en rendrais même pas compte ! »

Augusto, Roberto et Picasso, trois escrocs minables, parcourent l'Italie en quête de nouvelles victimes. Leur combine favorite consiste à se déguiser en hommes d'église pour abuser certains fidèles trop crédules. Mais Augusto, le plus âgé, commence à être las de cette existence. Fatigué, il pressent que l'heure de la dernière escroquerie est proche...

« Quand on a un fil à la patte, on n’est plus capable de rien. Le plus important pour un homme c’est de rester libre. »

Il_bidone_Richard_Basehart

Remarqué dès la fin des années 30 pour son travail d’auteur pour la radio italienne, Federico Fellini fait ses premiers pas au cinéma au tout début des années 40 en qualité de scénariste, travaillant notamment avec Vittorio Mussolini, fils du dictateur qui se rêve en nouveau nabab du cinéma transalpin et qui lui met ainsi le pied à l’étrier. Mais c’est véritablement sa rencontre au lendemain de la guerre avec Robert Rossellini qui se révèlera décisive puisqu’il participera à l’écriture de deux films qui seront instantanément considérés comme des chefs d’œuvre, à savoir « Rome ville ouverte » et « Païsa ». S’en suivra une prolifique carrière de scénariste qui le verra travailler – entre autre – pour Pietro Germi (« Au nom de la loi », « Le chemin de l’espérance », Traqué dans la ville ») ou Alberto Lattuada (« Sans pitié »). Jusqu’aux années 50 où il finit par passer derrière la caméra et à réaliser ses propres films. S’il s’illustre d’abord dans le registre de la comédie acide et douce-amère (« Le Cheick blanc »), il signe ensuite un corpus de trois films à la teneur plus dramatique, centrés sur des personnages de marginaux qui esquissent en creux un portrait social de l’Italie de l’après-guerre. Une trilogie informelle qui commence par les aventures d’une bande de trentenaires désœuvrés et indolents dans « Les Vitelloni » (1953), puis par le portrait d’un colosse de foire cruel dans « La Strada » (1954) et qui s’achève par le portrait de trois escrocs sans envergures dans « Il bidone » (1955).

« Dieu envoie la récompense à celui qui la mérite ! »

Il_bidone_Federico_Fellini

Comme « La Strada » avant lui, « Il bidone » nous entraine sur les routes arides et poussiéreuses de l'Italie de l'après-guerre. A ceci près qu’il n’est plus question cette fois de suivre le périple de forains frustes et itinérants, le cinéaste leur préférant pour l’occasion une bande d'escrocs à la petite semaine, vivant d'arnaques minables. En effet, qu'ils se déguisent en prêtres chercheurs de trésor pour escroquer de pauvres paysans ou en fonctionnaires gouvernementaux se faisant graisser la patte pour l'attribution de logements sociaux, leurs différents stratagèmes ont toujours pour finalité d'abuser la crédulité des plus pauvres qu'eux et d’exploiter la misère des classes les plus populaires. Un moyen pour le cinéaste de rappeler, s'il en était besoin, que l'homme est un loup pour l'homme, plus encore en cette période socialement troublée. Avec toujours au fond cette idée que la prédation n'est possible que dans un rapport du fort au faible, illustrée par l'échec de l'un des membres de la bande à dérober - par pure malice - le briquet en or d'un plus puissant que lui, discréditant du même coup les trois héros aux yeux d'une « caste » de voleurs plus prestigieuse qu'ils rêvaient d'intégrer. Mais à la différence de « La Strada » qui se terminait sur une note ambiguë, laissant entrevoir une once d'humanité et de fragilité (et donc de rédemption) chez le brutal Zampano, « Il bidone » prend le spectateur à contre-pied en proposant un final cynique à souhait. Ainsi, après s'être montré empathique et compatissant envers la précarité de sa propre fille qui rêve de pouvoir faire des études, le personnage d’Augusto, las de ses minables forfaits, laisse croire qu’il renonce par pitié à escroquer une pauvre paysanne handicapée et ainsi se ranger des voitures. Mais il n’en sera finalement rien, ces pseudo scrupules n’étant qu’un énième subterfuge visant à flouer ses propres associés qui finiront par l’abandonner, mourant, sur le bas-côté de la route. Rarement Fellini aura proposé une fable aussi sombre, à la dimension quasi mystique, sans possibilité de rédemption pour son héros qui, jusqu’au bout, se révèlera être un ignoble salopard. Magistralement interprété de surcroit par l’immense Broderick Crawford. Un film fort et marquant. Sans doute l’un des sommets de la carrière du maitre italien.

Il_bidone_Broderick_Crawford

****

Le blu-ray : Le film est présenté en version restauré dans un Master 4k et proposé en version originale italienne (1.0) ainsi qu’en version française (1.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné d’une Présentation du film par Jean A. Gili, spécialiste du cinéma italien ainsi que d’un Documentaire sur Federico Fellini.

Édité par Sidonis Calysta, « Il bidone » est disponible en édition combo blu-ray + DVD ainsi qu’en édition DVD simple depuis le 20 septembre 2022.

Le site Internet de Sidonis Calysta est ici. Sa page Facebook est ici.