Pinocchio (2022) de Guillermo Del Toro et Mark Gustafson

Encore un serait-on tenté de dire ! Après une grosse douzaine de films depuis le premier (1911) de Giulio Antamoro, jusqu'aux tous récents "Pinocchio" (2020) de Matteo Garrone et le navrant Disney en Live "Pinocchio" (2022) de Robert Zemeckis, voici donc une nouvelle adaptation du célèbre conte "Les Aventures de Pinocchio" (1881) de Carlo Collodi qui est cette fois en animation à l'instar du Grand Classique Disney (1940) bien que cette fois-ci pas d'animation 2D ou même 3D mais un film utilisant la désormais connue technique de la Motion Capture, les personnages étant incarnés par de véritables acteurs qui sont ensuite numérisés (pour faire court). Le projet, première collaboration du réalisateur avec Netflix, est à l'origine une idée de Guillermo Del Toro, réalisateur de "L'Echine du Diable" (2001), "Le Labyrinthe de Pan" (2006) ou de "La Forme de l'Eau" (2017). Le réalisateur-scénariste s'inspire de l'adaptation littéraire éponyme (2002) de Gris Grimly, dont il co-écrit un scénario avec Patrick McHale créateur et scénariste des séries TV "Les Merveilleuses Mésaventures de Flatjack" (2008-2009), "Adventure Time" (2010-2018) et "La Forêt de l'Etrange" (2014), puis avec Matthew Robbins qui a travaillé avec Steven Spielberg sur "Sugarland Express" (1974) et "Rencontres du Troisième Type" (1977), connu pour avoir réaliser "Miracle sur la 8ème Rue" (1987) et qui retrouve Del Toro après "Mimic" (1997) et "Crimson Peak" (2015). Pour la réalisation Del Toro a voulu s'associer avec un spécialiste de l'animation, réalisateur et/ou scénariste et animateur ayant travaillé sur plusieurs courts et séries TV animées ou non entre 1985 et 2004 et surtout connu pour son travail sur le savoureux film d'animation "Fantastic Mr. Fox" (2010) de Wes Anderson. Pour l'anecdote, ce film a un budget de 35 millions de dollars soit bien moins que les 150 millions des derniers films d'animation Disney comme de leur dernière version de "Pinocchio" de Zemeckis...

Pinocchio (2022) de Guillermo Del Toro et Mark Gustafson

En 1916, le menuisier Geppetto perd son fils unique Carlo lors d'un bombardement sur son village. Sur sa tombe Geppetto décide d'y planter la pomme de pin que l'enfant tenait dans sa main, puis quelques années plus tard, il abat l'arbre pour y sculpter une marionnette comme pour tenter de ressusciter Carlo. Alors qu'elle n'est pas complètement terminée la marionnette prend vie grâce à une fée qui le nomme Pinocchio. Geppetto est surpris mais heureux et décide d'élever ce jeune garçon de bois comme si c'était bel et bien son fils malgré la montée du fascisme qui gangrène le pays... La marionnette est incarné par le jeune Gregory Mann aperçu en chat humanoïde dans "Cats" (2019) de Tom Hooper, tandis que Geppetto est incarné par David Bradley vu dans la saga "Harry Potter" (2001-2011). N'oublions pas le narrateur Cricket joué par Ewan McGregor vu auparavant dans les films "Birds of Prey" (2020) de Cathy Yan et "The Birthday Cake" (2021) de Jimmy Giannopoulos. Citons ensuite trois acteurs qui retrouvent le réalisateur Del Toro après son dernier film "Nightmare Alley" (2021), son acteur fétiche Ron Perlman présent dans une bonne moitié de ses films depuis "Cronos" (1993) en passant par le dyptique "Hellboy" (2004-2008), et retrouve aussi après "Don't Look Up" (2021) de Adam McKay sa partenaire Cate Blanchett pour la 3ème fois, puis Tim Blake Nelson qui, de son côté, retrouve après "O'Brother" (2000) des frères Coen et "The Jesus Roll" (2019) son ami et partenaire John Turturro. Puis enfin citons Christoph Waltz qui retrouve après "The French Dispatch" (2021) de Wes Anderson sa partenaire Tilda Swinton vue récemment dans "Memoria" (2021) de Apichatpong Weerasethakul et "Trois Mille Ans à t'Attendre" (2022) de George Miller... Ce qui nous émerveille d'abord est le magnifique rendu esthétique, le Stop Motion (animation fait pas-à-pas, mouvement effectué par des animateurs comme... des marionnettes !) est finalement logique et raccord avec le bonhomme en bois. Le film s'offre un univers graphique unique et singulier qui lui octroie d'emblée un statut spécial au sein des adaptations cinéma. Le début de l'histoire inscrit aussi le conte dans une modernité plus forte, plus contemporaine avec la guerre omniprésente, qui a toujours été très présente aussi dans la filmo de Del Toro comme dans "L'Echine du Diable" (2001) ou "Le Labyrinthe de Pan" (2006). Le film est ainsi plus sombre, notamment et aussi parce qu'outre la guerre le cinéaste a appuyé sur deux paramètres, le fait que Pinocchio soit un garnement insupportable et qu'il soit vraiment différent comme le précise d'ailleurs Del Toro en comparant Pinocchio à Frankenstein : "Ils parlent tous les deux d'un enfant jeté du monde. Ils sont tous les deux créés par un père qui s'attend ensuite à ce qu'ils découvrent par eux-mêmes ce qui est bien, ce qui est mal, l'éthique, la morale, l'amour, la vie et l'essentiel. Je pense que c'était, pour moi, l'enfance. Vous devez découvrir tout ça avec votre expérience très limitée."

Pinocchio (2022) de Guillermo Del Toro et Mark Gustafson

Si le parallèle avec le monstre de Mary Shelley est judicieux, rendre le gosse de bois aussi insupportable est un peu too much tant il est réellement insupportable, agaçant, tête à claques... etc... à haute dose ce qui le rend  antipathique. L'histoire telle qu'on la connaît est un peu modifiée ici, par son époque d'abord en plaçant Pinocchio dans l'Italie fasciste sous Mussolini, et en modifiant quelques personnages et/ou rencontres ; ainsi le cocher est remplacé par le podestat, et le comte Volpe est un mélange du chat et du loup. Mais le plus gênant reste quelques passages de mauvais goûts notamment une chanson scatologique qui reste un long calvaire. Esthétiquement on est émerveillé, le Stop motion est impeccable, un des plus beaux jamais réalisés même si le monstre marin est malheureusement trop hideux pour ne pas dire juste vulgaire. On aurait aimé aussi un peu moins de maladresses, par exemple un Geppeto plus jeune quand le film débute car on peut logiquement pensé qu'il se passe ensuite une décennie au minimum, ou percevoir que quelques personnages semblent mieux travaillés que d'autres ; ainsi Geppeto est parfait dans les moindres détails, la plupart des humains sont très travaillés, mais Cricket n'a pas d'yeux et la Fée Bleue est à la fois trop "monstrueuse" et trop "superficielle".  En conclusion, Guillermo Del Toro signe un film ambitieux techniquement et et sur le fond, mais trop d'écart dans le traitement des personnages et des passages mal inspirés créent des décalages malheureux. Dommage... Ca reste bien meilleur et bien plus interessant que la version précédente de Disney signée Zemickis, mais on lui préférera toujours les version de Comencini (1972) ou Garrone (2020).

Note :      

Pinocchio (2022) Guillermo Toro Mark GustafsonPinocchio (2022) Guillermo Toro Mark Gustafson

10/20